Le départ de Jean Ping du PDG semble annonciateur d’une crise au sein de cette formation politique. A 720 jours exactement de la prochaine élection présidentielle, le parti créé par Omar Bongo semble miné par des divisions (qui, bien que sournoises, existent), écartelé entre ceux qui souhaitent rallier les forces de l’opposition pour apporter leur soutien à l’ancien vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères, et ceux qui, depuis la déclaration d’Ali Akbar Onanga Y’ Obégué à Franceville, envisagent, tout compte fait, de rester au sein du parti et d’y faire de la résistance en ne respectant pas, par exemple, les mots d’ordre des hiérarques du parti. Il y a aussi ceux qui, par loyauté et fidélité, veulent continuer à militer dans le parti avec le chef de l’Etat actuel.
Dire aujourd’hui que certains hiérarques du Parti démocratique gabonais se sentent plus proches de Jean Ping que d’Ali Bongo relève-t-il du domaine de l’improbable ? Selon nos sources, depuis que Jean Ping et ses amis ont mis en place le Front Uni de l’Opposition pour l’Alternance, plusieurs hiérarques du parti ont manifesté, en privé, leur intention de se rapprocher de ce bloc politique. Sans toutefois se précipiter.
Depuis qu’Ali Akbar Onanga Y’Obégué, secrétaire général du gouvernement, et membre du Bureau politique du PDG pour la Léconi-Lékori, a tenu des propos peu amènes à l’endroit des générations «Omar» autrement appelées les «caciques» du parti – «On ne fait pas du neuf avec du vieux»- il y a une telle méfiance, un tel manque de camaraderie, une telle crispation dans le parti que certains commencent à s’y sentir à l’étroit. Toutefois, selon un élu du département de la Lékabi Léwolo, «nous n’allons pas offrir notre départ du PDG sur un plateau à Y’Obégué, car c’est ce qu’il veut ; nous sommes dans le PDG depuis Omar Bongo Ondimba, et nous y resterons, en faisant cependant entendre notre partition, parce que le Gabon ne va pas dans la bonne direction». Un autre élu qui, selon la lettre d’information confidentielle La Lettre du Continent, devait annoncer sa démission du PDG en ce mois d’août, ajoute qu’il préfère y rester encore par fidélité à l’idée qu’avait Omar Bongo de son parti. Il ne démissionnera donc pas, pour le moment, du parti, mais il compte faire entendre sa voix dissonante. «Si tous ceux qui manifestent quelques positions discordantes venaient à partir du PDG, nous qui aimons ce parti, on le verrait se déconsidérer et mourir,ajoute-t-il, il faut qu’il en reste qui parlent et disent à l’intérieur ce qui ne va pas».
En tout cas, au sein du PDG, il y a comme un air de renouveau. Si Guy Nzouba Ndama affirme que, contrairement à ce que disent certains, «le Gabon n’existe pas depuis 2009», les observateurs ont noté, le week-end dernier, que le secrétariat exécutif du parti dirigé par Faustin Boukoubi demande pour la première fois au gouvernement Ona Ondo, par la voix de son porte-parole, d’accélérer les réformes. Car au-delà des bons chiffres de la croissance souvent annoncés par les gouvernants actuels, certains hiérarques du parti au pouvoir reconnaissent, en petit comité, qu’au lieu d’une prospérité partagée, il y a une quasi-généralisation de la paupérisation ; au-delà des classements économiques fournis par certains instituts, il y a une crise morale qui perturbe grandement le sentiment du «vivre ensemble» ; au-delà du semblant de quiétude, il y a comme un rejet de l’opinion qui se profile. Le PDG en a pris conscience.
En fait, comme le reconnaît un ancien ministre sorti lors du remaniement ministériel de janvier dernier, le PDG est aujourd’hui, en dépit des apparences, un parti en proie à d’énormes dissensions internes. Cette formation politique vient, tout de même, de voir partir, en peu de temps, Jean Ping, ancien conseiller personnel et directeur de cabinet d’Omar Bongo ; Jacques Adiahénot, ancien secrétaire général du PDG ; Philibert Andzembé, ancien gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale, qui a toujours été encarté PDG. Ce parti a vu aussi certains de ses honorables militants comme Marcel Eloi Rahandi Chambrier, Mamadou Diop et autres devenir des grognards… Même si, ainsi qu’indiqué plus haut, certains responsables du PDG ne veulent pas claquer la porte, il n’en demeure pas moins vrai que beaucoup d’entre eux ne mettront pas tous leurs œufs dans le même panier. La gouvernance Ali Bongo leur pose visiblement problème.