Vous connaissez peut-être pas le pangolin, seul mammifère à écailles au monde. Du Gabon, où sa viande est réputée savoureuse, au Vietnam, où ses écailles sont utilisées pour la médecine traditionnelle, nos Observateurs ont mené l’enquête sur son braconnage et tirent la sonnette d’alarme.
Le dernier rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature a classé le pangolin, un mammifère insectivore qui ressemble au tatou, comme espèce en danger d'extinction. Pire, il est devenu le mammifère le plus braconné avec plus d’un million d’animaux capturés en 10 ans, selon la société de zoologie de Londres.
Photo prise sur un marché au Gabon lors d'une mission d'investigation, entre avril et juillet 2014, pour l'Union internationale pour la conservation de la nature.
CONTRIBUTEURS
"Difficile de faire comprendre à des villageois que le pangolin ne doit plus être chassé"
L’animal, qui compte huit espèces différentes, est présent en Asie du Sud-est, notamment au Vietnam et en Inde, mais aussi dans différents pays d’Afrique. Au Gabon, plusieurs ONG tentent de prendre des mesures pour limiter sa consommation. Francesca Baker est une étudiante diplomée en biologie de la conservation à l'école impériale de Londres et faisait partie d'une délégation de spécialiste de l'Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) qui a mené l'enquête sur le pangolin du Gabon entre avril et juillet 2014.
C’est surtout le pangolin géant, une des trois espèces présente au Gabon, qui est menacé et qu'il est strictement interdit de chasser. Il est toléré de chasser les deux autres espèces (le "petit pangolin" et le pangolin "à longue queue") en toute petite quantité. Le problème, c'est que la majorité des chasseurs utilisent des pièges et prennent sans distinction n'importe quelle espèce. Utiliser ce genre d'outil est illégal, mais les autorités font preuve d'une certains tolérance en fonction de la quantité [l'amende est officiellement de 300 000 francs CFA , soit 450 euros, et 30 jours de prison, mais peut varier en fonction des quantités saisies NDLR].
Il y a au final très peu de missions de sensibilisation dans l'intérieur du pays où la chasse est la plus intense. C'est difficile d'expliquer la différence entre les trois espèces de pangolins, car les villageois estiment le plus souvent qu'il n'en existe que deux et ils confondent les espèces. Les mesures de sensibilisation se limitent souvent à des actes symboliques [le parc du Mont Cristal a par exemple adopté comme emblème un pangolin géant pour sensibiliser les habitants de la zone à sa cause, NDLR ].
Viande de pangolin géant cuite. Photo du groupe de spécialiste de l'UICN.
"Il y a une demande croissante d'écailles de pangolins venant des Asiatiques au Gabon"
On peut trouver un pangolin sur les routes à l'intérieur du pays pour 3000 à 7000 francs CFA (4 à 10 euros) mais il faut payer le double sur des marchés de Libreville. Jusqu’à maintenant, on observait un trafic qui concernait la viande de l’animal elle-même, les écailles étant souvent retirées. Aujourd'hui, beaucoup d'Asiatiques qui vivent au Gabon sont conscient que braconner du pangolin est illégal.
Cependant, une minorité d'entre eux continuent d'acheter la viande, et surtout les écailles : réduites en poudre, ces écailles sont très prisées dans le cadre de la médecine traditionnelle chinoise car elles contiennent de la kératine [selon la croyance, cette substance aurait notamment la faculté de régler les problèmes d’allaitement ou de soigner du psoriasis, une maladie de la peau. Toutefois, des études scientifiques ont pourtant prouvé qu’elles ne possédaient pas de telles vertus, NDLR]. Tous les Asiatiques que nous avons rencontrés sont conscients que c'est illégal et refusent d'admettre leur implication Pourtant, cette demande asiatique, à la fois au Gabon, mais aussi en Asie, qui fait croître le trafic autour du pangolin.
Le pangolin est essentiel à l'écosystème tropical du Gabon, car il mange fourmis et termites. Non seulement il permet de limiter les maladies transmises par les insectes, mais il régule l'écosystème local. Sa disparition serait une catastrophe pour l'équilibre naturel.
Un "pangolin à longue queue" vendu sur une route du Gabon. Photo du groupe de spécialiste de l'UICN.
Une fois braconnés dans les forêts du Gabon, c’est souvent de l’autre côté de l’océan Indien que les pangolins se retrouvent. Les pangolins d’Asie étant plus difficiles à braconner, car protégés depuis plus longtemps, l’importation de ceux d’Afrique aide à satisfaire la demande croissante. Pour Rostan Nteme Mba de l'Agence nationale des parcs du Gabon, des saisies importantes auraient eu lieu ces dernières années au port de Libreville dans des bateaux chinois. Selon lui "les pangolins étaient dissimulés au milieu de ballots de bois, impossibles à détecter lors des contrôles".
Lors d'une saisie de stocks d'écailles de pangolins à Hong Kong le 16 juin dernier, les douaniers ont identifié deux bateaux dont les animaux venaient du Congo et de Somalie.... suite de l'article sur Autre presse