La génuflexion d’un ministre en exercice devant des lycéens en grève de la faim, un Conseil des ministres qui présente une mesure qui tombe sous le sens et est inscrite dans la loi, comme la remise en cause d’une décision ministérielle. Face à cette cacophonie, le gouvernement doit aller plus loin. Et prendre les mesures politiques qui s’imposent.
Personne n’aurait pu imaginer un tel scénario. Des élèves qui entrent en grève de la faim pour exiger un nouveau mode de calcul de leurs moyennes. Un ministre qui se livre à une génuflexion en public, avant de promettre d’accéder au vœu des élèves sans se soucier de la règle. Des jurés qui refusent de se plier à la décision du ministre et revendiquent la stricte application de la loi. Un gouvernement qui prend appui sur la loi pour désavouer le ministre sans pour autant que cela ne se traduise par une quelconque sanction à son encontre.
Le vaudeville mis en scène par Léon Nzouba avec dans les rôles principaux des lycéens grévistes de la faim, traduit l’inexorable descente aux enfers du système éducatif gabonais. Comme on pouvait s’y attendre, la «réformite» des différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2009 conjuguée à un ordre de priorités par toujours évident favorise tous les excès, donne libre cours à toutes les idées, y compris les plus farfelues, en même temps qu’elle rend illisible la stratégie gouvernementale.
Le désaveu infligé au ministre de l’Education nationale exprime aussi une certaine instabilité. Entre les changements réguliers de postes et la création de ministères à rallonges, tout est fait pour que les ministres ne s’imprègnent pas de leurs dossiers. On a ainsi vu Léon Nzouba passer, en 5 ans, de l’Enseignement technique à l’Education nationale en passant par les Travaux publics et la Santé. Comment conduire des réformes dans la sérénité quand on change de portefeuille à chaque remaniement ? On a vu Séraphin Moundounga cumuler pas moins de 5 ministères en un seul. Comment aller au fond des choses quand on court par monts et par vaux à longueur de journée ? On en voit le résultat… Le Conseil des ministres vient de réhabiliter la loi. Le Premier ministre doit maintenant passer aux mesures politiques.
Le gouvernement vient de désavouer le ministre de l’Education nationale. Il ne peut en rester là. Il doit aller plus loin. Il n’y a rien de pire que de considérer l’affaire dite du Baccalauréat comme une simple péripétie, un simple incident de parcours. Cette affaire concerne quand même l’avenir de notre pays autant qu’elle met en scène un des principaux poids lourd du gouvernement, réputé très proche voire intime du président de la République. Peut-on se satisfaire de la teneur du dernier communiqué final du Conseil des ministres ? Le déroulement des faits attestent de la gravité de la situation. Si l’on tient compte du fait que la génuflexion de Léon Nzouba eut lieu durant la Journée du drapeau, on en vient à se demander si la décision de délivrer le Baccalauréat aux élèves ayant obtenu au moins 8/20 de moyenne était de son seul fait. En tant que responsable politique, il doit assumer, certes. Mais on est tout aussi en droit de se demander comment une telle idée a pu germer. Du gouvernement on attend désormais plus.
Daniel Ona Ondo n’a d’autre choix que d’affronter cette équation qui se pose à tous les Premiers ministres en pareilles circonstances : demander sinon le départ, du moins la mutation du ministre fautif, au risque de laisser croire que la crédibilité de notre système éducatif lui importe peu. Si la décision de faire appliquer la loi et d’imposer une moyenne au moins égale à 10/20 pour l’obtention du Baccalauréat peut être saluée, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle n’a rien d’exceptionnelle, qu’elle tombe sous le sens et surtout que ce débat n’aurait jamais dû avoir lieu. Il est donc urgent d’en tirer les conséquences. Toutes les conséquences. Bien entendu, ces conséquences peuvent être radicales mais elles sont de nature à atténuer le discrédit qui s’abat sur notre système éducatif.
Il ne s’agit ici ni de sacrifier qui que ce soit, ni d’expier une quelconque faute. Il s’agit de donner un coup d’arrêt à la déchéance programmatique de notre système éducatif et à la banalisation des diplômes au rabais. C’est moins une personnalité qui est ici en cause qu’une manière de faire. La suite à donner à la décision du Conseil des ministres est sans doute difficile, douloureuse à prendre mais elle s’impose. Le gouvernement peut, sans doute, se heurter aux relations du ministre concerné avec le président de la République. Mais l’Exécutif, y compris le président de la République, y gagnerait en cohérence…