L’allocution prononcée, le 16 août au soir, par Ali Bongo n’a visiblement pas plu au président déchu de l’Union du peuple gabonais, qui regrette que rien n’ait été proposé pour décrisper l’atmosphère.
Suite au discours à la nation prononcé, le 16 août dernier, par le président de la République, les réactions, plutôt crues et dures, n’ont pas tardé à fuser de toutes parts. Si pour les uns Ali Bongo s’est, une nouvelle fois, illustré par une profonde déconnexion d’avec les réalités vécues par les Gabonais, pour d’autres, il demeure loin des attentes des Gabonais.
Dans une déclaration à la presse, le président déchu de l’Union du peuple gabonais (UPG) s’est offusqué de la qualité de ce discours. «Il se trouve qu’au-delà d’une éloquence de bonne facture, le discours prononcé le 16 août 2014 au Gabon a été malheureusement le rendez-vous des espoirs déçus», a-t-il regretté. Pour lui, plutôt que suggérer «des mesures originales pour négocier une détente avec les corps intermédiaires» dans le contexte de grande agitation sociale qui prévaut depuis plusieurs mois dans le pays, le chef de l’Etat se serait loupé, en avançant «des poncifs», tout enformulant «des menaces», au point de se risquer «à un exercice de comparaison que tous les observateurs ont retenu comme la marque indélébile d’une authentique injure à l’histoire».
Selon Jean de Dieu Moukagni-Iwangou, «dans les pays de bonne tradition démocratique, le discours à la nation décliné par le Chef de l’Etat pour fixer les citoyens sur le bien-fondé des politiques publiques, appelle un effet de balancier, qui invite à donner la parole à l’opposition». C’est pourquoi, explique-t-il : «Le discours à la nation est un moment fort de la vie d’un pays, à l’occasion duquel, la société entière se ressource dans une nouvelle espérance proposée au peuple par le Chef de l’Etat».
L’adresse de Moukagni-Iwangou à Ali Bongo
«Monsieur le Chef de l’Exécutif,
… Décliné dans cette posture, votre discours est parfaitement irrecevable, parce que vous reprenez aujourd’hui sur le ton de la trahison, le constat que les gabonais n’ont jamais eu de cesse de dresser hier, sous l’indifférence de votre père que vous souteniez avec force, au sommet de sa suffisance, qui leur retournait que le chien aboie la caravane passe. Ce discours est parfaitement irrecevable parce que vous-même, adossé sur le dispositif institutionnel hérité de votre père, vous vous êtes totalement coupé des mêmes gabonais en leur disant, «laissez-nous avancer !», alors qu’ils avaient souverainement décidé par les voies démocratiques de tourner la page sombre du régime, dont vous honnissez les résultats aujourd’hui.
… Aujourd’hui le chien n’aboie plus, et pourtant, vous ne pouvez plus avancer. Vous ne pouvez plus avancer dans l’estime des gabonais, devant lesquels vous venez de montrer que vous n’êtes pas le fils de votre père. Vous ne pouvez plus avancer dans l’échelle des valeurs de la culture Bantoue, qui est la nôtre, à l’égard de laquelle vous auriez été mieux inspiré, avec un légitime espoir de rallier des gabonais à votre cause, si vous aviez assumé publiquement le lourd et monumental passif de votre Père, et qu’ensuite de manière solennelle devant la Nation, pris l’engagement d’en inverser la tendance. Pour toutes ces raisons, votre sortie du 16 août 2014 est une regrettable injure à l’histoire.
… Lui donnant acte du mérite de son constat, qui montre que les fleurons d’hier, agitées à l’envi à l’époque, pour rendre compte de la réussite du régime de la Rénovation, sont devenus aujourd’hui, les pièces à conviction qui témoignent de l’inconséquence des choix du régime du père. Il se trouve qu’en lisant entre les lignes, on constate que Ali Bongo Ondimba a parfaitement hérité de la culture du gâchis.
… Pour le prouver, il suffit d’évoquer le spectacle annuel des motos, celui des bateaux, ainsi que tous les grands raouts qui engloutissent en pure perte, pour les menus plaisirs de la Cour, des ressources énormes qui auraient pu être investies utilement pour construire des écoles et des dispensaires, et de la sorte, réduire la pauvreté.»
Des raisons de désespérer ?
S’adressant aux Gabonais et à ses «amis», l’ancien directeur de l’Ecole nationale de la magistrature s’est dit préoccupé par l’avenir du pays avec Ali Bongo à la tête de celui-ci. Pour Moukagni-Iwangou, les signes ne trompent pas et le discours du chef de l’Etat, en évitant avec soin certains aspects liés à la gouvernance du Gabon, dit long sur le manque d’ambitions au sommet de l’Etat. Pour cause, «obnubilé par la réalisation de la République du bord de mer, qui exclue et ignore les zones sous intégrées et le pays profond, pour donner le change aux visiteurs du monde, alors que l’urbanisation des villes reste à désirer», Ali Bongo aurait, dit-il, soigneusement évité de s’exprimer sur «l’amélioration de la qualité de notre système institutionnel, aujourd’hui marqué du sceau de la dévolution familiale des charges publiques, à deux ans des prochaines consultations électorales majeures pour le pays, qui requièrent la stricte neutralité des acteurs et la transparence des procédures, aujourd’hui dévoyées par les titulaires auxquelles ces charges sont dévolues».
De même, relève l’opposant, «aucune orientation n’a été émise sur la qualité de notre justice, pilier central de l’Etat de droit, qui fonctionne encore sur les dons personnels du chef de l’Exécutif, comme pour afficher à la face du monde sa dépendance atavique à ce dernier». Voilà qui est dit !