Le feuilleton Union du peuple gabonais (UPG) a pris une nouvelle tournure avec l’interdiction faite à Jean de Dieu Moukagni-Iwangou de s’exprimer au nom de ce parti. Dans cette interview, le président déchu du parti de l’opposition dénonce une machination du pouvoir.
Gabonreview : Vos détracteurs vous reprochent de n’avoir jamais eu de carte de membre de l’UPG, du moins jusqu’à votre élection à la présidence du parti. Que leur répondez-vous ?
Jean de Dieu Moukagni-Iwangou : Dans le processus de création du parti, nous avions convenu d’un code d’honneur autour de deux groupes de règles qui privilégiaient la vérité des mots à leur littéralité. Pour ne pas compromettre le processus de légalisation du parti, le principe de précaution nous avait conduit à ne pas retenir le poste de président, simplement parce que Pierre Mamboundou n’avait pas besoin d’exister dans les textes pour régner. De la même manière, nous étions convenus de la dispense de délivrance de carte de membre pour protéger certains cadres du fait de leurs statuts respectifs.
En totale délicatesse avec la vérité, Mathieu Mboumba Nziengui ne se prive pas de tirer prétexte de l’inexistence du poste de président pour dénier toute qualité à Pierre Mamboundou, alors que jusqu’à la réforme décidée par le congrès qui a supprimé ce poste, il tenait sa qualité de secrétaire exécutif d’une décision de nomination émanant du maître. C’est simplement pathétique !!! En ce qui me concerne, je rappelle que le 7 juin 2014, Mboumba Nziengui a prononcé à mon encontre une mesure de radiation. Mboumba Nziengui est un universitaire rompu. S’il ne me reconnaissait pas la qualité de membre, comment peut-il justifier qu’il m’ait appliqué une sanction opposable aux seuls militants ? Lorsque l’absurde le dispute à l’irrationnel, on est en terrain d’incohérence qu’aucun juge sérieux ne peut valider !
Vous venez d’être débouté par le tribunal dans le litige qui vous oppose à Mathieu Mboumba Nziengui. Le corps judiciaire dont vous faisiez partie n’a-t-il pas pris en compte le fait que vous venez d’en être radié ?
N’ayant pas été l’auteur de la requête et n’ayant pas davantage formulé de demande reconventionnelle, je ne peux avoir été débouté. Pour le reste vous avez pleinement raison. Alors qu’il est notoirement connu que le Conseil supérieur de la magistrature statuant en matière disciplinaire a prononcé ma révocation du statut de magistrat, et que cette décision fait autorité sur le tribunal, il se trouve que le juge des référés a affirmé que j’étais toujours magistrat pour justifier que je ne pouvais, en cette qualité être membre de l’UPG, et de ce fait, éligible à la tête dudit parti. Je laisse à chacun le soin d’apprécier librement la qualité de notre justice.
Pour la suite des évènements, que comptez-vous faire face à cette décision ?
J’ai instruit mes avocats d’interjeter appel. Ce qu’ils ont fait. Je garde espoir dans la force des principes.
Bruno Ben Moubamba qui a clamé que vous ne serez jamais président de l’UPG, soutient que vous traitez Mathieu Mboumba Nziengui de «loque politique». A quoi renvoie cette qualification et à quelle occasion l’avez-vous prononcée ?
A sa réponse fausse, je répondrai à Moubamba par une question vraie. Pour ce qui est de la réponse fausse, j’ai appris une chose en politique : lorsque vous vous gardez de dire ce que vous êtes, d’autres se chargent de dire ce que vous n’êtes pas. Il y a 25 ans, je suis entré en politique par la voie risqué de la clandestinité pour donner corps à un parti vis-à-vis duquel il valait mieux prendre ses distances à l’époque. Malgré les brimades qui ne datent pas d’aujourd’hui, j’y suis toujours 25 ans après. Dans cet intervalle, j’ai beaucoup appris auprès du maître, qui m’a accordé l’immense privilège de partager sa réflexion. En retour, j’ai donné le mieux que je pouvais. Les statuts et règlements du parti, la stratégie de défense pour neutraliser la peine afflictive et infamante prononcée par la Cour de sûreté de l’Etat, la cession d’actifs de Gabon Poste, l’avant-projet de loi sur la biométrie pour citer les dossiers les plus emblématiques, portent la marque de ma contribution, au demeurant modeste au regard de l’œuvre du maître.
Comme sous toutes les latitudes, la légitimité du peuple étant le fondement de toute autorité, ces états de service que j’aurai pu rallonger m’ont valu d’être porté à la tête du parti, pour redonner de la valeur à notre discours politique, que je connais mieux que quiconque. Et ce ne sont pas les égarements d’un juge qui y changeront quoi que ce soit. En face, j’incline à penser que le nomadisme est la marque de l’instabilité de l’homme. Lorsqu’il est doublé de la versatilité, il devient la marque de l’inconsistante. Bruno Ben Moubamba a été acteur libre et, à l’occasion, virulent pourfendeur de Mamboundou, membre fondateur de l’Union nationale, ministre du gouvernement alternatif, et dès la mort de Mamboundou, il s’acharne avec indécence à se présenter en chantre de quelqu’un qu’il n’a pas connu mais dont il a vivement affiché l’hostilité.
En nous fondant sur les dispositions de l’article 43 de la loi sur les partis politiques, qui font interdiction pendant une période de 5 ans à tout membre-fondateur d’un parti politique dissout d’intégrer le directoire d’un autre parti, nous voudrions lui poser une question vraie, et ce devant le juge des référés qui a pu dissoudre tout un congrès, celle de savoir pourquoi il n’encourt pas le même traitement que ses illustres collègues ? Sur Mboumba Nziengui, je n’y reviendrais pas, parce que ce monsieur qui est un grand universitaire a malheureusement montré de manière objective toute l’étendue de ses limites. Seulement voilà : plus ce monsieur enfonce le parti dans l’abîme, plus le régime en place multiplie les intrigues pour le maintenir à la tête de l’UPG.
L’UPG semble s’être lancée dans un thriller interminable. Ainsi qu’on l’a observé pour d’autres partis politiques, ne se dirige-t-on pas vers une multitude d’UPG ? Autrement dit, pourriez-vous renoncer à diriger ce parti ?
Je suis un militant bête et discipliné, et je suis un démocrate. Je suis là par la volonté du peuple. Je partirai par le fait de cette même volonté.
Y a-t-il un aspect de cette crise sur lequel vous auriez souhaité vous prononcez et que nous n’avons pas abordé ?
En disposant du pouvoir de nomination et de promotion des juges, le chef de l’exécutif contrôle totalement le pouvoir judiciaire tout entier, de la Cour constitutionnelle au tribunal de première instance. Par le fait de ce mécanisme, il tombe sous le sens que c’est au péril de sa carrière qu’un magistrat statue en toute indépendance dans tout procès impliquant les intérêts du pouvoir en place au Gabon. Ayant bien compris la manœuvre, certains magistrats s’érigent simplement en fou du roi. En retour, ils récoltent la juste récompense de leur zèle. C’est malheureusement sur ce terrain que s’explique la décision du juge des référés. Mboumba Nziengui n’a aucun argument, autre que la compromission avec le pouvoir pour tuer l’UPG. En conséquence, je lance un appel en disant, sauvons l’UPG pour sauver le Gabon.