Directeur général du Budget, il est également coordonnateur général adjoint du Bureau de coordination du suivi et d’évaluation du Plan stratégique Gabon émergent. Et pourtant, il passe beaucoup de temps à faire de la politique, écartelé entre le comité permanent du PDG, la dynamique «Ngounié forte» et maintenant l’association «Renaissance». Un haut fonctionnaire à l’activité politique prolixe très voire trop débordante.
Ce jour, comme tous les vendredis, il n’a que ça en tête, que ça comme préoccupation : la politique. Telle une drogue, cette activité le ronge. A plusieurs reprises sa hiérarchie et même ses collègues faisant partie de la chaîne de la dépense ont exprimé un certain agacement face à cette tendance à confondre haute administration et politique. «Mon Dieu ! Manfoumbi, le budget de l’Etat dans la politique !», s’est exclamée, à plusieurs reprises, dans le secret de son bureau, le précédent directeur général des services du Trésor, Yolande Okolatsogo, mutée depuis.
Initiateur en juin 2013 d’un «Forum sur le développement local de la Ngounié» qui a débouché sur la dynamique «Ngounié forte», celui qui, jusqu’à preuve du contraire, demeure directeur général du Budget, c’est-à-dire un haut fonctionnaire, est maintenant à la tête d’une association à caractère politique dénommée «Renaissance». Tantôt présentée comme un appendice du PDG, tantôt décrite comme l’embryon d’une formation politique, cette entité semble occuper le plus clair du temps d’Yves-Fernand Manfoumbi. On apprend ainsi que la phase d’implantation dans la Ngounié est terminée et que, très bientôt, l’homme va se déployer dans d’autres provinces du pays.
Un activisme politique peu conforme à la déontologie administrative dans la mesure où il est désormais impossible de tracer une ligne de démarcation entre ses différentes casquettes. «L’article 70 de la loi n°014/2005, du 8 août 2005, portant Code de déontologie de la fonction publique interdit à un agent public d’user de son poste, de sa fonction ou de sa responsabilité à des fins politiques ou partisanes car, cela peut nuire à l’intérêt du service public», fait remarquer un chargé d’études au secrétariat général du ministère en charge du Budget, qui précise qu’avec Jean-Fidèle Otandault de la direction générale du contrôle des ressources et des charges publiques, Yves-Fernand Manfoumbi est l’un des directeurs généraux qui ne prennent jamais part aux réunions de concertation convoquées par Christian Magnagna, ministre du Budget et des Comptes publics. «Généralement, il se font représenter», précise-t-il. Le concerné n’a cure de toutes ces remarques. «Tant que celui au nom de qui et pour qui je fais ça ne me dit rien, je continue. Le jour où il me dira d’arrêter, j’arrêterai», confie-t-il aux rares personnes qui peuvent l’interpeller sur la question.
Prototype du roitelet
A l’évidence, le silence d’Ali Bongo est perçu sinon comme un encouragement, du moins comme la marque d’une complicité. Après l’avoir nommé, contre toute attente, le 18 janvier 2013, coordinateur général adjoint du Bureau de coordination du suivi et d’évaluation du Plan stratégique Gabon émergent, il en a fait un membre du comité permanent du bureau politique du PDG, le 14 mars dernier. «Pour la province de la Ngounié, Guy Bertrand Mapangou et Yves-Fernand Manfoumbi sont désormais les dépositaires de la politique du président du PDG», commente en substance le site gabonews.com. Un commentaire qui aurait bien pu être de Bruno ben Moubamba. Accusant Yves-Fernand Manfoumbi d’avoir dépensé plus de 2 milliards de francs lors des dernières élections locales alors même qu’il n’était pas candidat, le secrétaire général de l’une des ailes de l’UPG affirme que ce dernier aurait déclaré : «Nous avons le pouvoir et nous contrôlons les institutions et donc nous nous moquons de ce que nos opposants disent ! Et c’est valable pour tout le Gabon». L’intéressé affirme, pour sa part, que ce qui lui importe c’est «l’unité des filles et fils de la Ngounié à travers une nouvelle alliance telle que souhaitée par le distingué camarade président du parti afin de faire des militantes et militants du PDG des acteurs du développement qui contribuent à la création de la richesse».
De l’avis de tous, Yves-Fernand Manfoumbi est le prototype du «roitelet», c’est-à-dire du haut fonctionnaire qui échappe au contrôle de sa hiérarchie directe et n’en fait qu’à sa tête, convaincu de jouir de protections politiques. «Tous les ministres du Budget qui se succèdent savent que lui c’est autre chose», résume un fonctionnaire. Tous les observateurs sont aussi d’accord pour stigmatiser une propension à se servir de sa position dans l’administration pour se construire politiquement ou assouvir des ambitions politiques. Plus que jamais, le directeur général du Budget est regardé avec curiosité. Après la direction générale du Budget et le comité permanent du PDG, quoi ? «Peut-être un ministère doublé du secrétariat général du PDG», répond, quelque peu ironique, un journaliste du quotidien L’Union. De quoi rêver, certes. Mais celui qui, au tout début du septennat d’Ali Bongo, n’était que l’adjoint d’un certain Léon Ndong N’tem devrait parfois se souvenir du destin de ce dernier…..