A travers une lettre ouverte, la société civile se réjouit de la dynamique unitaire lancée le 19 juillet dernier, tout en mettant cependant en garde contre les retours aux vieux démons du passé.
Il n’a pas fallu beaucoup de temps aux membres de la société civile pour donner leur avis sur la nouvelle plateforme de l’opposition. Quelques heures seulement après la signature de l’acte constitutif de cette coalition, Marc Ona Essangui a, au nom de la société civile, adressé une lettre ouverte au Front. D’entrée de jeu, il a tenu à souligner que son satisfecit à l’endroit de cette initiative de l’opposition «ne saurait être interprétée comme un quelconque soutien aux partis politiques que représentent les différents acteurs du Front». Pour lui, il ne s’agit ni plus ni moins que de l’exercice d’un droit civil qui permet à tout un chacun de dire ce qu’il pense de l’opposition, de la majorité au pouvoir et de la manière dont le pays est géré. «Notre satisfaction (…) tire plutôt son origine dans notre conviction selon laquelle sans une opposition capable de s’unir autour d’un objectif commun, à court ou à long terme, et responsable, il ne peut y avoir d’alternance au pouvoir ni de consolidation de la démocratie», a-t-il indiqué, poursuivant : «L’existence d’une opposition organisée et responsable est non seulement un gage pour toute démocratie mais aussi un contrepoids nécessaire à la majorité au pouvoir et une garantie solide pour l’instauration d’un Etat véritablement démocratique dans notre pays».
Invitant les acteurs du nouveau Front à tirer les leçons du passé afin de ne pas connaitre les déboires de leurs prédécesseurs, au regard des enjeux politiques, économiques et sociaux auxquels le Gabon est confronté, la société civile affirme que la nouvelle plateforme de l’opposition «peut être ce contrepoids qui pourrait empêcher la majorité au pouvoir de continuer à bafouer les intérêts des populations et de revenir sur des aspects essentiels de la Constitution notamment les dispositions relatives au scrutin présidentiel, au mandat présidentiel, l’indépendance de la justice, etc». «Ce n’est pas un chemin facile parce que chaque fois que l’opposition a mis en place une plateforme pour faire changer le cours de l’histoire politique dans notre pays, quelques mois après, elle s’est toujours divisée. Les tentatives récentes avec l’UFC et l’UFA autour des élections législatives de 2011 et les locales de 2013 sont encore vivaces dans nos mémoires», indique le secrétaire exécutif de Brainforest.
Selon l’éminent membre de la société civile, l’éclatement des plateformes de l’opposition a souvent été la conséquence des luttes de leadership et du débauchage facilité par la corruption et les promesses de postes politiques. «Il ne suffit donc pas de se limiter à demander au peuple, aux autres acteurs politiques et aux forces sociales de croire au sérieux de votre plateforme. Il faut les convaincre en leur donnant des gages sérieux qui puissent dissiper tout doute raisonnable, de quelle que nature qu’il soit sur votre capacité à mettre le pays au-dessus des agendas privés. Il faut les convaincre en rendant plus lisible l’alternative que vous représentez ainsi que les valeurs qui les sous-tendent. Ce que vous offrez de différent pour 2016 doit être clair et articulé», souligne-t-il et de prévenir de ce que dans les prochains jours, «le Front uni de l’opposition sera, lui aussi, confronté aux mêmes défis et aux mêmes problèmes : guerre de leadership, recherche effrénée d’avantages matériels, débauchage, absence de vision cohérente ou de stratégies intelligentes».
Se posant en conseiller et tenant de scruter l’avenir, le prix Goldman 2007 en appelle à la «cohésion» et au «sens élevé des responsabilités» et à «une intégrité sans faille pour tous ses membres». «En l’absence de tout ceci, votre plateforme ne pèsera pas lourd face au pouvoir en face et ne pourra pas imposer les changements voulus par le peuple gabonais», prévient-il dans une lettre ouverte, avant de revenir sur la question de la candidature unique de l’opposition qui, à ses yeux, n’est en rien une panacée. «Lors de notre dernier contre-forum au NYFA, nous avons affirmé que la candidature unique de l’opposition à l’élection présidentielle n’est pas une sinécure et encore moins, dans le cas du Gabon, d’un gage de victoire de l’opposition. Car nous savons que ce n’est pas la clé de la réussite aux élections», assène-t-il, prenant au passage acte de l’absence de certains leaders pourtant estampillés opposition. «Nous savons que pour des raisons diverses, certains partis politiques ou hommes politiques de l’opposition n’ont pas voulu rejoindre votre plateforme et, la population gabonaise, à partir de maintenant, va scruter chacun de vos faits et gestes. Il vous revient de leur donner la preuve non seulement de votre sincérité mais aussi de votre engagement résolu de contribuer à la consolidation de l’alternance politique au Gabon et de placer le pays au-dessus des intérêts personnels».