Un escadron de marines gabonais interrompt sa déambulation au pas cadencé pour saluer un colonel français : à Libreville, l'une des dernières bases militaires française en Afrique est devenue un "camp partagé" axé sur la formation.
Sur un mur blanc situé à l'entrée du camp De Gaulle, une inscription "Académie militaire" a remplacé celle du 6e Bataillon d'infanterie de marine (6e BIMa), l'unité de l'armée de terre française installée depuis 1975 au Gabon.
Il y a encore dix ans, près de 1.200 éléments français étaient installés, parfois avec leurs familles, dans ce pays d'Afrique centrale. Contre 200 en 2025, essentiellement consacrés à la formation des forces de défense gabonaises.
La refonte de la présence militaire française au Gabon s'inscrit dans un mouvement plus général en Afrique, où l'armée française s'est retirée ou a cédé des bases aux forces locales souvent sous la pression de gouvernements soucieux de prendre leurs distances avec l'ancienne puissance coloniale.
A Libreville, deux institutions sous commandement militaire gabonais ont été intégrées à la base militaire, au sein desquelles le rôle des Français sera réduit.
L'Ecole d'administration des forces de défense de Libreville (EAFDL), inaugurée en juillet, et bientôt l'Académie de protection de l'environnement et des ressources naturelles (APERN) qui formera de futurs cadres de la lutte contre le braconnage ou l'orpaillage illégal.
La mue de la base en "camp partagé" est un "choix politique", fruit de "discussions avec les autorités gabonaises" explique le Colonel Bertrand Jacqmin, chef de corps du 6e BIMa.
"Il n'y aura plus de blindés, de chars français ici à Libreville, mais il y aura des instructeurs. C'est le meilleur équilibre que nous avons trouvé ensemble", a déclaré le président gabonais Brice Oligui Nguema dans un entretien à la radio RFI mardi, affirmant sa volonté de faire du camp un "pôle de formation sous-régional".
- Savoir-faire -
Sur un terrain d'entraînement, le Sergent Honoarii, venu tout droit de Carcassonne, dans le sud de la France, dirige une séance de perfectionnement au tir de mortier pour un régiment de parachutistes gabonais.
D'un autre côté du camp, le chef Tony, habitué des opérations extérieures de l'armée française, est venu pendant quatre mois pour animer un module d'entraînement au combat urbain.
"Les Gabonais font beaucoup de conflit en jungle, mais avec la conjoncture actuelle du monde, les combats urbains peuvent arriver à tout moment dans le pays", fait-il valoir espérant apporter "une autonomie totale" aux stagiaires du module.
"Tout le panel de savoir-faire des armées françaises peut être déplacé ici", assure le Colonel Jacqmin, qui estime ce programme adapté aux "enjeux sécuritaires, démographiques, et migratoires africains".
"Ce partenariat avec la France qui participe à la formation diversifiée de nos forces armées est un avantage pour le Gabon", estime le Colonel Éric Ivala, commandant de l'EAFDL.
Cette dernière succède à l'école de Koulikoro au Mali, fermée lors du départ des troupes françaises du pays, et forme actuellement des militaires de 13 pays africains, dont une majorité de Gabonais, à devenir des cadres de leurs armées.
- "Rester le plus longtemps possible" -
La France a essuyé ces dernières années plusieurs revers diplomatiques en Afrique, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger, où des coups d’État ont porté au pouvoir de nouvelles autorités qui ont remis en cause les liens politiques et militaires avec Paris.
L'armée française a dû quitter le Tchad en quelques semaines au mois de novembre. La base de l'armée française en Côte d'Ivoire a été rétrocédée mi-février et le Sénégal négocie lui aussi le départ de troupes françaises d'ici fin 2025.
Le camp De Gaulle pourrait être à terme l'une des deux seules bases permanentes de l'armée française en Afrique avec celle de Djibouti.
Le partenariat de défense qui cadre la présence de la France au Gabon a été renouvelé pour une période de deux ans par le général Oligui après sa prise de pouvoir par un putsch en août 2023, et devra être de nouveau approuvé à l'issue de la période de transition qui s'achève après la présidentielle d'avril.
"Nous souhaitons rester le plus longtemps possible" car "la coopération profite aux deux partenaires", assure le Commissaire Lieutenant-colonel français Kamel, qui co-dirige l'école d'administration de la base militaire.
Mais, "l'avenir du camp De Gaulle" est "avant tout une décision gabonaise", concède le colonel français Bertrand Jacqmin.
"Nous ne sommes pas dans la rupture", a assuré mardi le président Oligui. "Les Français sont les bienvenus ici. Les Russes, peut-être demain s'ils veulent venir, seront peut-être aussi les bienvenus", a-t-il ajouté.
Une chose est certaine, a-t-il souligné: "Nous allons trouver un nom gabonais pour rebaptiser le camp de Gaulle".