Même si les militants du Parti démocratique gabonais (PDG) jouissent encore de leurs droits civils et politiques, leur activisme alimente le soupçon, nombre d’entre eux s’étant illustrés par des agissements peu orthodoxes dans un passé récent.
usque-là occulté, le débat sur la fiabilité du processus en cours fera surface un jour ou l’autre. Clôturant les travaux du 2ème Conseil national de son parti, la présidente par intérim de l’Union nationale (UN) s’est posée en chantre de la transparence électorale. Si elle n’a pas évoqué les implications d’une gestion des élections par le ministère de l’Intérieur, si elle s’est refusée à parler des conditions de révision des listes électorales et si elle n’a rien dit des effets de la modification du Code électoral, Jeanine Taty-Koumba s’est néanmoins voulue catégorique et optimiste : le référendum constitutionnel à venir doit ouvrir «un cycle d’élections transparentes, crédibles, sincères et inclusives». Autrement dit, le scrutin du 16 novembre prochain doit permettre de «redonner aux Gabonais confiance dans les urnes».
Engagements de départ
Cette demande de transparence ne relève ni d’un artifice de communication ni d’une surenchère politicienne. Elle procède plutôt d’une volonté de respecter les engagements de départ. Comme l’a rappelé la présidente par intérim de l’UN, dans son tout premier communiqué, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) avait estimé «que l’organisation des (…) élections générales du 26 août 2023 (n’avait) pas rempli les conditions d’un scrutin transparent, crédible et inclusif». Dénonçant des «résultats tronqués», il mît un terme au processus, prononçant ensuite la dissolution de toutes les institutions, notamment le Centre gabonais des élections (CGE).
Certes, personne ne gagne à instruire un procès d’intention. Certes, il reste un peu plus de deux semaines d’ici à la tenue du scrutin. Certes, tant de choses peuvent encore être corrigées ou améliorées. Mais, depuis quelques temps, l’on assiste à une accumulation de signaux pas toujours engageants : si les listes électorales ont été révisées de façon cavalière, la modification du Code électoral s’est faite au prix de zigzags et d’arrangements caractéristiques du régime déchu. Comme si tout ceci n’était pas assez alarmant, le Parti démocratique gabonais (PDG) est subitement revenu en grâce, se prononçant pour le «Oui». Même si ses militants jouissent encore de leurs droits civils et politiques, leur activisme suscite des doutes. Sont-ils capables de renoncer à leurs habitudes ? Peuvent-ils s’engager dans une élection sans recourir à des méthodes déloyales ou illégales ? On peine à le croire. Du coup, une sournoise hypothèque plane sur la sincérité du scrutin.
L’Etat à équidistance des deux positions
L’acceptation des résultats du référendum ne dépendra pas seulement de l’attitude de l’administration. Elle sera aussi conditionnée par le comportement des animateurs de la campagne. Or, dans un passé récent, nombre de personnes pressenties se sont illustrées par des agissements peu orthodoxes. Du transport des électeurs à la corruption des scrutateurs en passant par l’achat des votes ou la destruction du matériel électoral, certains d’entre eux n’ont reculé devant rien. D’autres ont tout mis en œuvre pour pourrir l’ambiance. Ces pratiques seront-elles remises dans l’air du temps ? On peut le redouter. Surtout quand on voit comment les ténors du système déchu se démènent pour garantir leurs «intérêts» ou se mettre à l’abri des «postures contraignantes ou désobligeantes», selon l’aveu de Paul Biyoghé Mba. Le CTRI aura beau plaider «la tolérance et l’inclusion». Il pourra en appeler à «l’esprit de solidarité, de pardon et de réconciliation». La trop forte implication du PDG alimentera toujours le soupçon.
Dans la perspective du référendum constitutionnel, le PDG est manifestement un allié encombrant. Le CTRI peut-il l’invisibiliser ? Il en a les moyens. Gagne-t-il à le faire ? À lui d’en juger. Pour l’heure, on se concentrera sur l’organisation de la campagne : au lieu de la confier aux organes de la Transition, il faut la laisser aux partis politiques et autres associations. Si la puissance publique doit dégager un financement, cela doit se faire dans la transparence.
Mieux, la répartition ne doit pas tenir compte de l’engagement pour le «Oui» ou le «Non», l’Etat ayant l’obligation de se tenir à équidistance des deux positions. En juillet 1995, lors du référendum pour l’adoption des Accords de Paris, le taux d’abstention fut officiellement de 36,45%, les électeurs ayant peu goûté à cette alliance de la carpe et du lapin entre adversaires de toujours. Par voie de conséquence, le résultat s’en trouva banalisé et raillé. On connait la suite. Si l’on veut s’assurer de l’acceptabilité des prochains résultats, si l’on veut garantir la sérénité pour la suite de la Transition, il faut le méditer.