Au terme de la rentrée politique du Parti démocratique gabonais (PDG), des questions ont émergé. Faut-il convoquer les conclusions du Dialogue national inclusif à la tête du client ? Ou les traiter au gré des intérêts de quelques-uns voire avec mépris ?
Faisant mine de n’avoir pas saisi la signification du coup de force du 30 août 2023, le Parti démocratique gabonais (PDG) tente d’occuper le devant de la scène politique. Avec un rare culot, il s’efforce d’exister. Après ses Assisses d’autocritique et de refondation, après son 56ème anniversaire, il a récemment effectué sa rentrée politique. Au cours de cette rencontre, il s’est non seulement autorisé à célébrer le tombeur de son ancien «distingué camarade président», mais il a aussi appelé à un «Oui» aveugle au référendum constitutionnel. Comme après chacune de ses sorties, sa posture et son message ont suscité doute et circonspection, poussant l’opinion à interroger sa relation au Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).
Des frustrations accumulées par le peuple
Au terme de ce raout, tant de questions ont effectivement émergé. Peut-on «bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes» avec le soutien d’un parti réputé hostile à la règle de droit ? Peut-on engager «des réformes majeures» en s’appuyant sur une formation connue pour son inclinaison à l’évergétisme ? Peut-on conduire une campagne de «lutte contre l’impunité» en frayant avec des personnalités soupçonnées de délits voire de crimes de toutes natures ? Peut-on œuvrer à «l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable» en se reposant sur des adeptes de l’argent facile ? Peut-on organiser «des élections (…) libres, démocratiques et transparentes» avec l’appui de praticiens du trucage électoral systématique ?
Certes, le CTRI n’est pas et ne sera jamais le PDG. Certes, le PDG est un parti légalement reconnu, libre de mener ses activités, d’exprimer ses vues et de soutenir les personnalités ou entités de son choix. Mais, organisé à l’initiative du CTRI, le Dialogue national inclusif (DNI) s’était voulu clair : non seulement il avait recommandé une suspension de ce parti pour une période de trois ans, mais il s’était aussi prononcé pour l’ouverture d’enquêtes sur les agissements de ses dirigeants, anciens et actuels. C’est dire si le DNI avait permis de se faire une idée de l’ampleur des frustrations accumulées par le peuple. C’est aussi dire s’il avait indiqué combien l’opinion en a gros sur le cœur et combien elle souhaite en finir avec la pratique politique du PDG, alliage de corruption, de sectarisme, de mépris pour la loi et d’arrogance. Si prompt à convoquer les conclusions du DNI en d’autres occasions, le CTRI semble en avoir fait peu de cas cette fois-ci.
Une pierre dans le jardin du CTRI
Pourtant, le DNI ne doit être perçu ni comme un supermarché ni comme une auberge espagnole. Même si elles ne sont pas exécutoires, ses conclusions ne peuvent être convoquées à la tête du client. Quand bien même elles peuvent parfois paraître excessives ou techniquement peu pertinentes, elles ne doivent pas être traitées au gré des intérêts de quelques-uns voire avec mépris. Or, en se disant «dans l’air du temps», le PDG a justement laissé l’impression sinon de narguer les participants au DNI, du moins de leur rire au nez et à la barbe. En revendiquant le respect et la considération du CTRI, son autoproclamé 1er vice président a implicitement pointé leur irrévérence et leur légèreté supposées. En se félicitant publiquement de ne pas subir de «tracasseries», des «humiliations» et «autres postures contraignantes ou désobligeantes», Paul Biyoghé-Mba s’est subtilement gaussé de leur exigence de justice. Sans s’en rendre compte, il s’est présenté comme un homme sous protection, jouissant de la bienveillance des autorités. Une pierre dans le jardin du CTRI.
Pour en finir avec ces fanfaronnades préjudiciables à la Transition, chacun doit procéder à un examen de conscience puis adopter une attitude conséquente. Certes, de nombreux ténors du PDG rechignent à se regarder dans la glace ou à affronter leur propre passé. Certes, nombre d’entre eux plaident pour un oubli collectif et pour une politique de la table rase. Mais, l’amnésie collective n’a jamais duré durer éternellement. Tôt au tard, elle finit par faire place à des demandes diverses voire à des comportements pas toujours propices au vivre-ensemble et à la cohésion sociale. S’il veut maximiser ses chances de faire triompher «l’esprit de solidarité, de pardon et de réconciliation», le CTRI doit le comprendre et le méditer.