La dissolution parlementaire n’est pas envisageable en régime présidentiel. Même si son élection au suffrage universel direct lui conférera une légitimité suffisamment forte, le président de la République-chef du gouvernement ne peut être l’arbitre des relations entre l’exécutif et le législatif.
Dans quelque temps, on parlera énormément des droits et libertés des citoyens. Mais, on dissertera aussi sur la séparation des pouvoirs. Concrètement, l’on se penchera sur la prochaine loi fondamentale, ce texte juridique censé fixer l’organisation et le fonctionnement de l’Etat. Tel sera, en tout cas, la trame de la prochaine campagne électorale, déjà présentée commune inédite. D’abord, en raison de l’enjeu : l’adoption d’une nouvelle Constitution. Ensuite du fait de la qualité des organisateurs : un pouvoir militaire. Enfin à cause de la singularité de la séquence historique : une transition démocratique, c’est-à-dire un processus politique censé favoriser le passage d’un régime non-démocratique à une démocratie libérale. C’est dire si les tout prochains jours s’annoncent riches en débats. C’est aussi dire s’ils pourraient être chargés d’émotion. C’est, enfin, dire si on a intérêt à bien fixer les choses et à les repréciser.
Juge et partie
Tout au long de la campagne référendaire à venir, les dispositions de la future constitution devront être décortiquées et retournées dans tous les sens. Il s’agira d’analyser la cohérence, la justification politique ou historique et la pertinence juridique d’un texte appelé à remplacer la Constitution du 26 mars 1991, modifiée neuf (9) fois en 32 ans, soit une fois tous les trois (3) ans et demi, au point d’avoir perdu toute substance. Même si le pouvoir déchu s’en est toujours défendu, toutes ces modifications visaient deux objectifs : le renforcement des pouvoirs du président de la République et, le maintien d’un homme et sa famille au sommet de l’Etat. Avant de procéder à l’analyse du projet soumis par le Comité constitutionnel national (CCN), chacun devra méditer les conséquences de ces errements. Chacun devra veiller à construire un système de poids et contrepoids.
Quand bien même on n’est pas au clair sur le détail du texte, on peut déjà se pencher sur ses principales articulations. En permettant au président de la République de cumuler les fonctions de chef de l’Etat et chef du gouvernement, vise-t-il l’instauration d’un régime présidentiel ? De prime abord, on peut le penser. Mais, en y regardant de près, on a des raisons d’en douter. Caractéristique des régimes parlementaire ou semi-présidentiel, la dissolution parlementaire n’est pas envisageable en régime présidentiel. En mettant ce puissant outil politique entre les mains du président de la République, le projet du CCN l’installe dans une position d’arbitre de la relation gouvernement-Parlement. Or, il se trouve être aussi chef du gouvernement. Certes, du fait de son élection au suffrage universel direct, il disposera d’une légitimité suffisamment forte pour exercer un tel pouvoir. Mais, en sa qualité de chef du gouvernement, il sera juge et partie.
Un régime de mélange ou de confusion des genres
Pour garantir l’équilibre des pouvoirs, deux options se présentent : le retrait du pouvoir du pouvoir de dissolution ou le découplage des fonctions de président de la République de celle de chef du gouvernement. Dans le premier cas, on collerait aux principes fondamentaux du régime présidentiel. Dans le second, on reviendrait au régime semi-présidentiel, quitte à réexaminer la réparation des rôles entre les deux têtes d’un exécutif dyarchique. Comme le souligne l’universitaire Romuald Assogho Obiang, il faut éviter d’accoucher d’un «régime de mélange ou de confusion des genres dont le but est d’ériger le président de la République en autocrate de droit». Si l’on veut construire un régime présidentiel, il faut en respecter les piliers : un exécutif monocéphale, entre les mains d’un élu au suffrage universel ; un exécutif irresponsable devant le Parlement ; un Parlement ne pouvant être dissout et ; un pouvoir judiciaire arbitre des relations entre exécutif et législatif.
Censé indiquer les fondements juridiques pour des «institutions fortes, crédibles (…) garantissant un Etat de droit, un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable», le projet de nouvelle constitution suscite doutes et réserves. Supposé avoir été conçu pour assurer «l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité», d’une part, et, «la promotion et protection droits de l’homme et des libertés publiques», d’autre part, il fait craindre un «recul démocratique». Serait-il un assemblage disparate de dispositions puisées dans les lois fondamentales de pays aux régimes différents ? On ne saurait l’affirmer. Pour l’heure, chacun doit se le dire : ce texte ne doit être ni un costume sur mesure ni le reflet des ambitions de quelques-uns. Il doit plutôt faciliter le protection et l’exercice des droits et libertés des citoyens d’aujourd’hui et de demain, destinataires ultimes de ce travail.