La garde à vue en France du patron franco-russe de la messagerie cryptée Telegram Paul
Durov, pour douze infractions relevant de la criminalité organisée, "n’est en rien une décision
politique", a assuré lundi le président français Emmanuel Macron, après une arrestation qui a
suscité de nombreuses réactions.
"L’arrestation du président de Telegram sur le territoire français a eu lieu dans le cadre d’une
enquête judiciaire en cours. Ce n’est en rien une décision politique. Il revient aux juges de
statuer", a écrit M. Macron sur X.
La justice française reproche à M. Durov de ne pas agir contre les utilisations délictuelles de
sa messagerie par ses abonnés, notamment par absence de modération et de collaboration
avec les enquêteurs.
Dénonçant de "fausses informations" mises en avant après l’arrestation, M. Macron a assuré
que "la France (était) plus que tout attachée à la liberté d’expression et de communication, à
l’innovation et à l’esprit d’entreprise. Elle le restera".
"Dans un État de droit, sur les réseaux sociaux comme dans la vie réelle, les libertés sont
exercées dans un cadre établi par la loi pour protéger les citoyens et respecter leurs droits
fondamentaux. C’est à la justice, en totale indépendance, qu’il revient de faire respecter la
loi", a-t-il insisté.
Accompagné de son garde du corps et de son assistante qui le suivent en permanence, Pavel
Durov a été interpellé samedi soir dans l’aérogare du Bourget, au nord de Paris.
Le fondateur de Telegram arrivait de Bakou et devait passer au moins la soirée à Paris où il
avait prévu de dîner.
Le milliardaire de 39 ans a été placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire
ouverte le 8 juillet, après une enquête préliminaire, par la Juridiction nationale de lutte
contre la criminalité organisée (Junalco), et portant sur 12 infractions, a détaillé dans un
communiqué la procureure de Paris, Laure Beccuau.
Sont visés, entre autres, le refus de communiquer les informations nécessaires aux
interceptions autorisées par la loi, la complicité de délits et de crimes qui s’organisent sur la
plateforme (trafic de stupéfiants, pédopornographie, escroquerie et blanchiment en bande
organisée) et la fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de
confidentialité sans déclaration conforme.
Les juges d’instruction chargés de ce dossier ont confié les investigations au Centre de lutte
contre les criminalités numériques (C3N) et à l’Office national antifraude (Onaf).
La garde à vue de Pavel Durov a été prolongée dimanche soir par un des magistrats
instructeurs "et peut durer 96 heures", soit jusqu’à mercredi, les infractions présumées
relevant de la criminalité organisée, explique Mme Beccuau.
- "Liberté?" -
"Pavel Durov n’a rien à cacher et il voyage fréquemment en Europe", a assuré dimanche soir
Telegram sur son propre canal. "Il est absurde de dire qu’une plateforme ou son patron sont
responsables des abus" relevés sur ladite plateforme, a ajouté l’entreprise.
"Telegram se conforme aux lois européennes, y compris le Règlement sur les services
numériques, son action de modération est dans la norme du secteur", a-t-elle encore affirmé.
La messagerie en ligne lancée en 2013 par Pavel Durov et son frère Nikolaï, sur laquelle les
communications peuvent être chiffrées de bout en bout et dont le siège social se trouve à
Dubaï, s’est positionnée à contre-courant des plateformes américaines, critiquées pour leur
exploitation mercantile des données personnelles.
Telegram, qui compte plus de 900 millions d’utilisateurs, s’est notamment engagée à ne
jamais dévoiler d’informations sur ses utilisateurs.
L’interpellation de Pavel Durov a suscité de nombreuses réactions internationales.
Il a reçu notamment le soutien d’Elon Musk, patron de X. "Liberté. Liberté! Liberté?", a-t-il
écrit dimanche sur sa plateforme.
Le Kremlin a lui jugé lundi "inapproprié" de commenter à ce stade l’arrestation. "Nous ne
savons pas concrètement de quoi Durov est accusé, nous n’avons entendu aucune
déclaration officielle à ce sujet", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avant les
précisions de la procureure de Paris.
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères avait affirmé dès dimanche que
"l’ambassade de Russie à Paris s’(était) immédiatement mise au travail, comme il est
d’usage" en cas de détention de citoyens russes à l’étranger.