Mbanié, Cocotiers et Conga, la Cour internationale de Justice s’apprête à rendre un verdict historique qui pourrait redessiner la carte du golfe de Guinée et redistribuer les cartes de l’or noir en Afrique centrale. Depuis des décennies, les trois îlots minuscules sont au cœur d’un conflit pétrolier majeur entre le Gabon et la Guinée Équatoriale.
La Cour internationale de Justice (CIJ) vient d’annoncer la tenue prochaine d’audiences publiques dans l’affaire opposant le Gabon à la Guinée Équatoriale concernant leur différend frontalier. Ce litige, qui porte sur la délimitation terrestre et maritime ainsi que sur la souveraineté de trois îles stratégiques, est entrera dans sa phase finale du 30 septembre au 4 octobre 2024.
Un conflit aux racines profondes et aux enjeux colossaux
Le contentieux entre les deux pays voisins remonte à l’époque coloniale et s’est cristallisé autour de la souveraineté des îles Mbanié, Cocotiers et Conga, situées dans le golfe de Guinée. Ces îlots, bien que minuscules, revêtent une importance capitale en raison des riches gisements pétroliers qui les entourent. Depuis l’indépendance des deux nations dans les années 1960, la question de la propriété de ces îles est restée en suspens, générant des tensions sporadiques entre Libreville et Malabo. Le Gabon occupe de facto ces territoires depuis 1972, mais la Guinée équatoriale n’a jamais cessé de les revendiquer.
C’est en mars 2021 que l’affaire a été portée devant la CIJ, à la suite d’un compromis signé entre les deux États en 2016 et entré en vigueur en 2020. Cette démarche témoigne de la volonté des parties de résoudre pacifiquement leur différend par la voie du droit international.
La Cour est appelée à se prononcer sur la validité des titres juridiques, traités et conventions internationales invoqués par chacune des parties pour justifier leurs prétentions territoriales. Sa décision sera déterminante non seulement pour la souveraineté des îles contestées, mais aussi pour la délimitation des frontières maritimes entre les deux pays.
L’importance de ce litige dépasse largement le cadre d’un simple tracé frontalier. Les eaux territoriales en jeu recèlent d’importants gisements d’hydrocarbures, essentiels pour les économies des deux pays. La décision de la CIJ aura donc des répercussions considérables sur l’exploitation future de ces ressources. Par ailleurs, ce différend s’inscrit dans un contexte régional plus large de délimitation des zones économiques exclusives dans le golfe de Guinée, la région étant stratégique pour le commerce maritime international et l’exploitation pétrolière offshore.
Vers un dénouement historique
Depuis le dépôt de la requête en 2021, la procédure a suivi un calendrier rigoureux. Les deux parties ont eu l’occasion de présenter leurs arguments par écrit à travers des mémoires, contre-mémoires, répliques et dupliques. Les audiences publiques annoncées pour fin septembre marqueront l’ultime étape avant la délibération des juges. Elles permettront aux représentants du Gabon et de la Guinée équatoriale d’exposer oralement leurs positions et de répondre aux questions éventuelles de la Cour.
La décision de la CIJ, attendue dans les mois qui suivront les audiences, sera contraignante pour les deux États. Elle devrait mettre un terme à des décennies d’incertitude et ouvrir la voie à une exploitation plus sereine des ressources de la région.
Quelle que soit l’issue du jugement, cette affaire illustre l’importance croissante du droit international dans la résolution pacifique des conflits territoriaux en Afrique. Elle pourrait également servir de précédent pour d’autres litiges frontaliers sur le continent.
Le compte à rebours est lancé. Les regards se tournent donc vers La Haye, où se jouera bientôt l’avenir d’un pan crucial de la géopolitique de la sous-région d’Afrique centrale.