Ayant succombé aux sirènes gouvernementales, de nombreuses entreprises ont préfinancé des projets dans le bâtiment et travaux publics. Résultat des courses : leurs factures s’entassent et nombreuses d’entre elles n’hésitent plus à quitter le pays.
Depuis plusieurs années, et davantage depuis l’arrivée d’Ali Bongo au pouvoir, le gouvernement gabonais multiplie les effets d’annonce. Si le lancement des projets d’infrastructures se fait général à grand renfort de publicité, on évoque rarement leur aboutissement. Bien que la récente livraison du pont sur la Banio ait permis au gouvernement de se gargariser de ses réalisations, le pays est toujours loin de retrouver la confiance dont il bénéficiait jadis auprès d’un grand nombre d’entreprises locales et étrangères. Pour de nombreuses entreprises, le Gabon est désormais un maître d’ouvrage peu scrupuleux.
En attendant le paiement hypothétique de la fameuse dette intérieure, le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP), l’un des plus touchés, se vide peu à peu : «Des sociétés comme Sobea, la filiale gabonaise de Sogea-Satom, ou Entraco sont ainsi dans le rouge», révèle La Lettre du Continent (n°686), qui ajoute que «de son côté, Colas-Gabon a dû mettre une partie de son personnel au chômage technique. Le groupe indien Tata a, lui, interrompu sa participation au projet de construction d’une usine d’engrais près de la ville de Port-Gentil. Quant à̀ la société espagnole d’ingénierie Adelfia, elle songe à̀ plier bagage en raison d’un volume trop élevé de créances. La même situation a justifié́ le départ des groupes suédois Erikson et allemand Gauff».
On apprend ainsi que depuis plusieurs années, l’Etat gabonais accumule des dettes auprès de plusieurs entreprises nationales et étrangères. Rien que pour les services faits, les ardoises qui s’entassent tout au long de la chaîne de dépense, sans qu’aucun responsable ne daigne s’en émouvoir, sont évaluées à plus de 150 milliards de francs CFA. Aussi, rappelle la célèbre lettre confidentielle d’information, si quelques rares projets ont été conduits à leurs termes, dans la plupart des cas, il s’agit de projets préfinancés par des entrepreneurs qui consentent à prendre des risques. A titre d’exemple, indique la source sus-citée, «si le pont sur la Banio a été réalisé, c’est avant tout grâce à̀ un financement de Guido Santullo, 77 ans, le PDG de la société de BTP Sericom et l’un des rares entrepreneurs à faire encore confiance à l’Etat». Un exemple qui est loin de se répercuter chez la dizaine d’autres entreprises visiblement en difficulté au Gabon, quoi qu’en dise le discours officiel.
Les relations s’étant fortement envenimées entre l’Etat et ces entreprises, depuis quelques temps, de nouvelles normes auraient été établies. Si le critère de préfinancement par l’entrepreneur est encore d’actualité en ce qui concerne l’acquisition et la réalisation des projets d’infrastructures, il est des sociétés voire des «pays-frères» qui n’hésitent plus à imposer leurs conditions à l’Etat gabonais. Il en va ainsi pour les projets de l’Ogooué-Maritime qui, ajoute le confidentiel continental, «ne devraient être effectués que grâce à̀ un préfinancement de l’Exim Bank chinoise et à la condition que ces chantiers soient construits par le groupe China Road & Bridge Corp. (CRBC)». Une aubaine ? Que nenni !
Contrairement au groupe chinois qui semble sûr de son coup, d’autres entreprises étrangères ruent désormais dans les brancards. Nombre de projets tardent à voir le jour quand d’autres ont tout bonnement été «abandonnés» ou mis à l’arrêt, faute de financements. Le pays est-il proche de la cessation de paiement ? Bien malin qui saura le dire !!! Qu’à cela ne tienne, indique-t-on, «la plupart des opérateurs (étrangers comme nationaux) subissent les lourds arriérés de l’Etat, même si Libreville promet régulièrement d’acquitter (sa) dette intérieure». Voilà une réputation qui n’est pas pour aider le pays à retrouver la confiance de nouveaux partenaires…