Alors que l’on pensait que les perspectives de l’économie avaient évolué favorablement durant ces derniers mois dans le sillage de l’économie mondiale, il n’en est finalement rien. En cause, l’absence de pondération du gouvernement gabonais, qui remet en doute sa capacité de remboursement de crédit à moyen-long terme comme vient d’ailleurs de le confirmer Fitch Ratings.
Dans ce contexte et en tenant compte du niveau actuel des dépenses extrabudgétaires, des investissements dans le secteur pétrolier et surtout des 3200 milliards de fcfa qu’aurait levé l’Etat gabonais, le niveau d’endettement projeté pourrait bien atteindre 102,8% en 2029 voire même avant comme l’avait souligné le FMI dans son rapport.
La nécessité de modération budgétaire doublée de l’obligation pour les pouvoirs publics « de maintenir le cap du rééquilibrage budgétaire dans un contexte d’endettement croissant », comme le rappelaient les analystes du Fonds monétaire international (FMI) en avril dernier, n’est semble-t-il pas la tasse de thé des autorités de la transition. Malgré le contexte économique, géopolitique et géostratégique qui prévaut à l’échelle mondiale avec son lot d’incertitudes, l’Etat gabonais multiplie les dépenses avec plus de 700 milliards de fcfa entre janvier et mai 2024 selon l’ancien directeur général du budget et des finances publiques (DGBFiP), sans pour autant, tenir compte de son bilan de gestion des finances publiques peu élogieux, du faible niveau de croissance attendu à moins de 3% sur les trois prochaines années et du faible niveau de croissance non pétrolière annoncé à moins de 3% sur la même période.
Entre le rachat d’Assala via Gabon Oil Company (GOC) à plus de 636 milliards de fcfa, vendu comme le deal du siècle avant de se rendre compte que le régime déchu avait accumulé des arriérés de dettes cachées, le rachat de 35% des parts de Ceca-Gadis sans qu’on sache le montant réel, le rachat des 75% des parts d’Afrijet tout en créant dans la foulée une compagnie qui dessert les mêmes zones géographiques, le rachat et la cession de Sucaf pour un franc symbolique, qui n’a d’ailleurs pas encore permis de résoudre la question de la pénurie de sucres, le rachat d’Agro Business Group pour 4 milliards de fcfa et les nombreuses dépenses extrabudgétaires, la stratégie de l’exécutif paraît de moins en moins cohérente.
Comme si cela ne suffisait pas, l’on apprenait au début de cette semaine, qu’il avait levé via son « Groupe développeur », la Fintech camerounaise Yunus SA, plus de 3280 milliards de fcfa pour financer le Plan national de développement pour la transition (PNDT). Un montant équivalent à 78% du budget de cette année, voté à plus de 4162 milliards de fcfa sans qu’on en sache réellement les tenants et les aboutissants, tant les incertitudes sont criardes. Tous ces éléments, en plus de brouiller le paysage économique d’un pays qui peine de plus en plus à attirer des investisseurs de qualité, devraient renforcer les incertitudes concernant les perspectives qui sont déjà peu reluisantes. Des perspectives, dont celles du FMI, évoquaient en avril dernier, un niveau d’endettement projeté qui pourrait atteindre 84,6% en 2026 et 102,8% en 2029.
Avec un taux d’exécution des dépenses de seulement 24% en mai 2024 et qui n’intègre pas les « dépenses payées sans ordonnancement par les services du trésor » qui selon Fitch Ratings, « ajoute des incertitudes à la trajectoire fiscale », un gouvernement qui « n’envisage aucun soutien budgétaire de la part des créanciers officiels à moyen terme » du fait « de l’accumulation d’arriérés externes non liés aux euro-obligations », difficile de dire de quoi sera fait demain. L’on comprend mieux pourquoi la solution envisagée sur le plan politique, s’exprime par des élections anticipées, sous prétexte que le pays semble aller pour le mieux. Mais n’est-ce pas pour emprunter plus ?