À l’instar des précédents, le troisième procès de Brice Laccruche Alihanga pour des faits allégués de détournement de fonds publics pose le problème du mélange des genres lié à la nature et à l’utilisation du compte bancaire d’Ali Bongo à BGFIBank. Si même les avocats de l’État reconnaissent qu’il s’agit d’un compte privé, l’obstination de la justice à penser que celui-ci contient de l’argent public laisse perplexe.
Comment fait-on pour déterminer que les fonds contenus dans un compte privé domicilié dans une banque commerciale plutôt qu’à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) sont des fonds publics ? Sans documents pouvant l’attester, comment est-il possible pour les avocats chargés de défendre les intérêts de l’État d’en réclamer la restitution, surtout lorsque ceux-ci ont eux-mêmes reconnu à demi-mot qu’il s’agit bel et bien d’un compte privé ? C’est tout l’imbroglio qui entoure les trois derniers procès organisés dans le cadre de l’opération anti-corruption «Scorpion» mettant en cause Brice Laccruche Alihanga.
Lundi 3 juin, l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo était à nouveau devant la barre, accusé de détournement de fonds publics. En effet, le ministère public et l’agence judiciaire de l’État (AJE) ne voient pas d’un bon œil qu’il ait été, dans le cadre de ses fonctions pourtant et vraisemblablement avec l’accord du propriétaire, autorisé à utiliser l’argent du compte de l’ex-président gabonais domicilié à BGFIBank pour un contrat passé avec un expert comptable, Gérard Fanou. Pour l’accusation, qui s’est constituée partie civile dans cette affaire, l’argent ayant permis de payer la prestation de l’expert comptable appartenait au contribuable gabonais. Comment était-ce possible alors que le Trésor public n’avait pas été sollicité pour cela ? Mystère.
Pour Me Anges Kevin Nzigou, «c’est juste impossible». «On ne peut jamais avoir des fonds publics dans un compte privé», soutient ce mardi l’avocat de Brice Laccruche Alihanga sur RFI. La veille, ses confrères et lui-même ont d’ailleurs décidé de boycotter l’audience après que le président de la Cour criminelle spécialisée de Libreville a estimé qu’ils n’avaient plus droit à la parole à la suite de leur exception quant à la constitution de partie civile de l’AJE. «Nous avons estimé que c’était la goutte d’eau de trop», explique l’avocat qui est désormais sous le coup d’une déconstitution à l’initiative du président de la Cour.
Face à cette montée de tension entre les parties, n’aurait-il pas mieux fallu que les témoins cités par la défense, dont Ali Bongo et le gestionnaire de son compte viennent déposer à la barre pour dissiper tout malentendu sur la nature dudit compte ? L’AJE n’aurait-elle pas mieux fait de se retirer elle-même de la procédure après avoir reconnu le caractère privé de ce compte pour éviter tout imbroglio sur le procès ? La Cour elle-même n’aurait-elle pas gagné à montrer plus de courage pour l’éclatement de la vérité dans cette affaire ? Au moment où l’opinion se pose ces questions, le juge a décidé du renvoi de l’audience prévue ce mardi au 12 juin prochain. Tout ceci fait un peu désordre.