Les dirigeants autoproclamés du Parti démocratique gabonais (PDG) s’imaginent mal loin des sphères décisionnelles, des lambris et ors de la République. Sincérité quand on énonce de nobles ambitions après avoir violé les statuts de son parti pour en prendre le contrôle ?
«N’en déplaise aux déserteurs, aux traîtres et aux faux-amis, le Parti démocratique gabonais (PDG) est toujours debout», lançait Ali Bongo en décembre 2017, durant la clôture du 11ème congrès ordinaire de sa formation politique. Près de sept ans plus tard, ses affidés d’hier ont célébré le 56ème anniversaire de leur parti sans lui, après avoir l’avoir destitué de façon cavalière. Loin de toute considération éthique ou morale, ils se sont empressés de faire allégeance à son tombeur, proclamant leur soutien au Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). «Indécent», «honteux», «lâche», réagissent de nombreux observateurs. De ces sentences sans appel, transparaissent l’exaspération, la colère mais aussi les doutes d’une certaine opinion, agacée par tant de manquements à la vertu publique.
Par suivisme, par calcul ou par peur
Certes, le PDG n’a jamais été dissout. Certes, il jouit toujours de la reconnaissance juridique. Certes, il dispose encore de la liberté de mener ses activités ou de soutenir la personne de son choix. Mais, ses cadres ne peuvent continuer à prendre des libertés avec les textes, y compris ceux régissant leur parti. Ils ne peuvent faire comme si le putsch du 30 août dernier ne disait rien de leur gestion. Ne leur en déplaise, leur responsabilité, individuelle ou collective, se trouve engagée dans le marasme actuel. Au-delà des luttes de positionnement, ils doivent l’avoir à l’esprit : même si le CTRI se montre magnanime à leur égard, il a aussi agi pour les mettre hors d’état de nuire. Et, les excuses de leur nouvelle secrétaire générale n’y changeront rien : ayant reconnu un déficit d’écoute, Angélique Ngoma a fait dans le minimum syndical, se gardant d’évoquer la confiscation du vote populaire, l’usurpation de la souveraineté nationale, la négation des droits humains et, les manquements aux devoirs des charges portées par ses coreligionnaires.
S’ils ont fait montre d’amnésie volontaire, de cynisme, de lâcheté et d’un opportunisme sans égal, les dirigeants autoproclamés du PDG n’ont pas surpris grand monde. Militants aux parcours sinueux ou aux trajectoires rectilignes, ils n’y ont jamais adhéré par choix ou par conviction. Ils l’ont fait par suivisme, par calcul ou par peur, leur objectif étant d’en tirer quelques prébendes voire plus. Dès lors, ils s’imaginent mal loin des sphères décisionnelles, des lambris et ors de la République. Habitués aux privilèges indus et passe-droits, ils sont prêts à tout pour les conserver, quitte à s’adonner à toutes les transgressions. Leurs engagements sur la nécessité de se réconcilier «avec (leurs) compatriotes», d’œuvrer à la «reconstruction du pays» ou à la promotion de l’«efficacité dans la gestion des affaires» ? Dans de nombreuses oreilles, ils raisonnent comme le chant des sirènes. Quelle sincérité quand on énonce de nobles ambitions après avoir violé les statuts de son parti pour en prendre le contrôle ?
Aversion pour les principes
Comme le rappelle si justement Francis Nkea Ndzigué, ancien ministre et membre du Bureau politique du PDG, «seul le congrès peut procéder à la modification par élection des membres du secrétariat exécutif». Mieux, si le président dispose de cette compétence entre deux congrès, Ali Bongo n’a pu le faire dans la mesure où il est virtuellement «destitué de sa fonction.» Du coup, «on ne sait (…) sur quelle base juridique (le) nouvel organigramme (du PDG) a pu être conçu». En évoluant en marge des statuts, le directoire autoproclamé du PDG a apporté une preuve supplémentaire de son aversion pour les principes. En jugeant le président déchu inapte après avoir affirmé le contraire quelques mois plus tôt, il a fait passer les intérêts partisans avant les intérêts nationaux, les considérations personnelles avant le dessein collectif. Au vu de ses engagements de départ, le CTRI peut-il s’accommoder d’un tel soutien ? En a-t-il vraiment besoin ?
En politique, rien n’est immuable. Mais, sauf à manquer de socle idéologique, certaines choses sont inenvisageables. D’où la nécessité d’être au clair du point de vue des valeurs morales, des idées, de la conception du monde ou des principes. Or, s’étant toujours défini comme «un parti de masse», le PDG est en réalité un parti attrape-tout, capable de soutenir des opinions diamétralement opposées. Est-ce idéal en cette période de restauration des institutions ? On peut en douter. En revanche, on peut l’inviter à revisiter l’histoire et à se pencher sur son rapport à règle de droit et aux autres, dans la froideur et la rigueur. Pour lui-même, pour la Transition et pour le pays, ce sera toujours une avancée.