La réhabilitation des Sociaux-démocrates gabonais (SDG) est une désillusion pour le Parti démocratique gabonais (PDG). L’ex-parti au pouvoir a été somme de changer de braquet.
En politique, le rassemblement ne doit jamais se faire à marche forcée ou sous la contrainte. Ivre d’une illusion de toute-puissance, le Parti démocratique gabonais (PDG) croyait pouvoir contourner cette règle. En prélude à la présidentielle d’août 2023, il initia une série de fusions-absorptions, sans prendre le temps de la réflexion. En avril 2021, il accueillait les troupes de Démocratie nouvelle (DN) conduites par René Ndemezo’o Obiang. Le mois suivant, c’était au tour de Frédéric Massavala Maboumba de le rejoindre avec armes et bagages. En novembre de la même année, c’était le Graal avec le sabordage du Rassemblement pour la restauration des valeurs (RV) puis des Sociaux-démocrates gabonais (SDG). Un peu plus de deux années plus loin, c’est la désillusion, les SDG ayant annoncé leur réhabilitation suite à la constatation d’une «violation manifeste et flagrante de la loi». Rien de moins…
Analyses à courte vue
Résultat d’une stratégie opportuniste, ce séisme en préfigure d’autres, comme il met en lumière les limites des arrangements louches. Conclues sous les railleries, ces fusions-absorptions ne pouvaient survivre au coup de force du 30 août 2023, le PDG ayant usé du chantage, et de la coercition pour y parvenir. Avec la renaissance des SDG, les humiliés d’hier peuvent espérer leur revanche : selon des bruits de couloir, DN pourrait reprendre sa liberté très prochainement. Venant d’un parti dirigé par un vieux baroudeur de la scène politique, une telle manœuvre nuirait à la fois à son initiateur et au PDG, victime de ses analyses à courte vue. On imagine déjà les moqueries portant sur «la faim, le pain et les plaisirs» ou sur le refus de «mourir okoukout’». On anticipe aussi les quolibets sur la «régénération et la revitalisation, ciment de l’unité nationale et moteur de la vision économique et sociale du distingué camarade président».
Même si personne ne le relève explicitement, la réhabilitation des SDG interroge l’action d’un homme : Éric Dodo Bounguendza. Longtemps accusé de mollesse, d’indigence idéologique ou de dévotion à la défunte «Young team», l’ancien secrétaire général du PDG a conduit ces opérations avec la désinvolture propre aux démocrates d’apparence. Sûr de son fait et de la puissance absolue de son parti, il n’a été regardant sur rien. Sur la procédure, comme sur la formalisation et la notification, il s’est montré laxiste voire permissif. À lui, comme à ses coreligionnaires, les événements de ces derniers jours viennent rappeler cette loi d’airain : comme pour un État, la gestion d’un parti se fonde sur le respect de la règle de droit. À lui, comme à eux, ils viennent redire ceci : en République, l’égalité devant la loi est un principe sacro-saint ; quiconque croit y déroger finit par le payer un jour ou l’autre.
Amalgamation impossible
Aux autres alliés supposés du PDG, les événements de ces derniers jours donnent nécessairement des idées. Dans un passé récent, la peur de devoir répondre de leurs forfaits ou la quête des prébendes les avait conduits à céder à l’oukase du PDG. Frères siamois, SDG et RV redoutaient de devoir s’expliquer sur l’origine des fonds dilapidés lors des élections couplées d’octobre 2018, DN croyait faire fortune sur le «rassemblement de tous les fils spirituels d’Omar Bongo Ondimba», Frédéric Massavala Maboumba espérait trouver une «issue» à ses problèmes existentiels. Comme tout cela ne constitue ni un projet cohérent ni un dessein collectif, l’amalgamation s’est révélée impossible. Pis, le 30 août 2023 est passé par là. Du coup, chacun cherche comment tirer son épingle du jeu. Face à cette situation, que peut faire la direction intérimaire du PDG ? Rien. Déjà, les «Assises d’autocritique et de refondation» ont été un échec cuisant.
L’irruption du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) sur la scène politique a montré combien le régime PDG était vermoulu, rongé, y compris de l’intérieur. Du point de vue des valeurs, principes, idées, comme dans ses relations avec le monde associatif ou syndical, ce parti s’est révélé en déphasage avec son époque. Loin de tout parti pris, toutes ces insuffisances sont de nature à inciter les différentes composantes à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. En reprenant leur autonomie, les SDG n’ont pas fait autre chose. Au-delà, ils ont invité le PDG à changer de braquet. Autrement dit, ils l’ont sommé de convaincre au lieu d’imposer, respecter les procédures au lieu de les fouler au pied, promouvoir l’honnêteté en lieu et place de la malice. S’il veut se donner une chance de se refonder, l’ex-parti au pouvoir doit entendre ce message.