Dans une lettre ouverte adressée au Président de la Transition, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, l’ancien Directeur Général des Arts et des Industries Culturelles, Magali Palmira Wora qui a été copieusement humiliée avant son limogeage, implore la magnanimité du Président de la République, de prendre ce dossier en main pour qu’elle perçoive ses arriérés de salaire qui semblent lui avoir été refusés pour des raisons inconnues :
Monsieur le Président,
C’est avec humilité que je vous adresse cette lettre ouverte.
À la suite de ma nomination au poste de Directeur Général des Arts et des Industries Culturelles, je tiens à vous exprimer mes sincères remerciements pour la confiance que vous avez témoigné envers moi.
Cette nomination m’a permis de comprendre les difficultés profondes de l’administration gabonaise. J’ose espérer, que vous aurez l’opportunité de résorber cela progressivement, même si les mauvaises habitudes perdurent.
En effet, j’ai l’honneur de porter à Votre Très Haute Attention les quelques éléments relatifs aux difficultés auxquelles j’ai fait face en tant que Directeur Général:
⁃ De ma nomination à la fin de ma prise de fonction, je n’ai perçu aucun salaire. Étant donné que je ne suis pas fonctionnaire, il me fallait signer un contrat de travail en statut de hors catégorie. À plusieurs reprises, j’ai fait remonter cette absence de salaire et de contrat de travail, à mon secrétariat général, à l’ancien directeur de cabinet du Ministre de tutelle et à mon ministre, à votre conseiller spécial chargé de la culture. J’ai même demandé audience auprès de votre cabinet privé et au secrétariat de la présidence. Aucune suite concrète ne m’a été donnée.
J’ai donc été un Directeur Général sans salaire et sans contrat durant 5 mois.
⁃ Espérant avoir une suite favorable rapidement et surtout désireuse de faire avancer le travail, j’ai investis mes fonds propres dans le fonctionnement de cette direction générale de plus de 90 agents. J’ai dû régulièrement acheter les fournitures de bureau, notamment les rames de papier, une imprimante, le mobilier, les encres, les produits d’entretien et tellement d’autres choses afin d’assurer le bon fonctionnement de la direction. Chaque fois que j’ai fait remonter ces besoins au secrétariat du ministère il m’était répondu qu’il n’y avait pas de budget et que nous devions faire le sacrifice en attendant le budget 2024. J’ai, donc, fait ce sacrifice, pour mon pays, en plus de mes autres charges personnelles. Je me suis retrouvée progressivement asphyxiée financièrement par les charges de gestion de la Direction Générale sans aucune aide ni du ministère de tutelle ni de la Présidence de la République.
⁃ À deux semaines du 31 décembre 2023, j’ai été convoqué par ma hiérarchie pour organiser le concert. J’ai rappelé à ma hiérarchie qu’il nous fallait faire appel à une agence d’événementielle à qui nous donnerions un cahier de charges. Et pour rester dans la ligne directrice de ma proposition j’ai établi un cahier de charges et contacté une agence afin de nous faire des propositions d’artistes et de salaires artistiques. Dès le moment où je me suis mise à travailler sur le dossier selon les règles du métier d’entreprenariat de spectacle, plusieurs collaborateurs du ministre ont clairement voulu reprendre la main sur le dossier.
Après moult désaccords sur la gestion du dossier, j’ai décidé de me retirer de la gestion de ce dossier le 29 décembre 2023 et j’ai laissé l’entière gestion au cabinet du ministre. En effet, un titre ne m’enlève pas mon éthique. La hiérarchie m’a tout de même « exigé » de signer les contrats avec les artistes. Et j’ai poliment refusé et expliqué que je ne pouvais pas signer des contrats dont je ne connaissais pas l’essence, je ne souhaitais pas que mon nom y figure et qu’en cette période de transition militaire je ne voulais pas être convoqué au B2 pour une quelconque raison et surtout pas pour des raisons financières.
A huit clos, mon autorité de tutelle m’a fait comprendre qu’il serait dans mon intérêt de coopérer et que si je ne le faisais pas il le ferait remonter au Président et des conséquences s’en suivraient. Je suis restée sur ma position et j’ai établi un rapport que j’ai fait déposer chez votre conseiller spécial en charge de la culture et à votre cabinet privé.
⁃ Depuis ce jour, je suis victime d’une cabale sur ma personne.
Mon invitation à la cérémonie des vœux m’a été dissimulée, j’ai été convoqué à l’Inspection Générale des Services pour ces faits, des rumeurs de suspension à mon poste ont couru au ministère et sur les médias, les dossiers que j’envoyais à l’autorité de tutelle me revenaient sans signature ou de sempiternelles corrections, les dossiers à traiter étaient transférés à mon adjointe avec instruction de ne pas m’en informer, je n’ai plus été incluse dans les audiences de travail de mon autorité de tutelle… et j’en passe. J’ai donc vécu tout ceci en silence, en continuant de faire tourner ma direction générale et en faisant remonter des rapports à qui de droit, encore une fois pour mon pays.
– Votre très Haute Autorité se doit, également, d’être informée qu’en tant que Directeur Général des Arts et des Industries Culturelles, en dépit de mes sollicitations, je n’ai pas été impliqué dans les travaux de révision du projet d’ordonnance modifiant et complétant certaines dispositions de la loi portant statut de l’artiste et de l’acteur culturel en république Gabonaise. Une fois de plus, un texte risquera d’être voté sans l’implication des artistes et des acteurs culturels qui n’ont pas eu l’occasion de parcourir et d’apprécier lesdites modifications. J’ai défendu les artistes, je défends les artistes, et je continuerais de défendre la revalorisation de l’artiste et l’acteur culturel. Les arts et la culture sont en moi.
Je considère comme un honneur d’avoir pu être au service de mon pays sous votre administration, durant cette période charnière de transition où Dieu nous donne l’opportunité de faire mieux que nos prédécesseurs. C’était un challenge de diriger 5 directions dépourvues de matériels informatiques, de moyens roulants et même de fournitures de bureau de base. Mais ce fut un challenge riche en apprentissage.
Je suis désolée d’avoir recours à mon réseau pour m’adresser à vous, Monsieur le Président de la Transition, mais toutes les voies légales que j’ai empruntées pour m’adresser à vous depuis ma nomination n’ont abouti à rien ou sont restés sans suites, dans les bureaux. Consciente des nombreux chantiers et préoccupations qui sont les vôtres, je reste entièrement sensible à l’intérêt que vous porterez aux faits que je vous expose.
Je sollicite humblement votre intervention pour le règlement de mes 5 mois de salaires impayés en tant que Directeur Général des Arts et des Industries Culturelles.
Pour ma part et quoi qu’il en soit, je reste disposée à servir partout où besoin sera.