Six mois après avoir renversé le 30 août 2023 le président Ali Bongo Ondimba, le général Brice
Oligui Nguema est toujours célébré comme un "héros" au Gabon mais des voix s'élèvent pour
critiquer une tournure "populiste" et "autoritaire" du pouvoir.
Pour les Gabonais, il a en premier lieu débarrassé le pays de 55 ans de règne des Bongo (41
ans sous Omar, 14 sous son fils Ali).
Mais l'avocat Anges Kevin Nzigou, secrétaire exécutif du Parti pour le Changement (PLC) et
farouche pourfendeur de l'ancien pouvoir se dit aujourd'hui "opposant au régime" du Parti
Démocratique Gabonais (PDG) des Bongo, qui "persiste" selon lui sous le général Oligui.
QUESTION: Six mois après, le président de transition est-il toujours aussi populaire ?
REPONSE: Il reste extrêmement populaire dans les couches les moins favorisées, mais de
moins en moins chez les élites. C'est lié au fait qu'il fait dans le populisme.
Quand il dit: +les éléphants vous embêtent pour vos cultures, alors vous pouvez tuer les
éléphants+, ou bien +les syndicalistes de la SEEG (fournisseur d'eau et d'électricité au Gabon,
ndlr) menacent de faire grève ? Alors on va les arrêter+, et qu'il leur fait tondre les cheveux et
les montre aux JT (...).
On n'est pas dans la prise de décision sérieuse.
Toutes les promesses faites rapidement et parfois avec légèreté, l'amélioration de l'école, des
routes, des hôpitaux, etc., il faut pouvoir les réaliser.
Et là, ce n'est pas possible à court terme vu les sommes astronomiques détournées sous
Bongo et qui ont plombé pour longtemps les finances publiques.
QUESTION: La nouvelle opposition accuse le pouvoir de conserver, ou intégrer, de très nombreux caciques de l'ancien régime. Est-ce votre avis ?
REPONSE: Oui, c'est très vrai. Ils sont restés au pouvoir. Le général est entouré d'une cour...
de deux cours en fait: les pédégistes courtisans d'Ali qui s'accrochent, et les courtisans
d'Omar Bongo, ex-pédégistes qui avaient rallié l'opposition sous Ali et reviennent au pouvoir
aujourd'hui.
Ils ont été, des décennies durant, dans un système corrompu et incapables de se montrer à la
hauteur de la République, on ne peut pas imaginer qu'ils en soient capables aujourd'hui.
Avant, on blanchissait de l'argent public, aujourd'hui on blanchit les cadres du PDG.
QUESTION: Comment voyez-vous l'évolution avant les élections promises théoriquement
dans un an et demi ?
REPONSE: M. Oligui sera candidat et il gagnera la présidentielle, il n'y a aucun doute.
L'autoritarisme, c'est aussi le pendant du populisme si l'on n'arrive pas à réaliser ses
promesses. L'exemple des syndicalistes tondus en est l'illustration dangereuse. Le couvre-feu
aussi. Maintenu depuis six mois sans justification.
Il n'y a pas eu une goutte de sang versé alors, il ne peut y en avoir aujourd'hui parce qu'il n'y a
pas d'adversaire. Quel espèce d'imbécile se risquerait à renverser un homme aussi
populaire, chez les Gabonais comme au sein de l'armée ?
QUESTION: Une synthèse de six mois de transition ? Il n'y a que du mauvais ?
REPONSE: Non. Le côté positif, c'est que le général Oligui est un homme simple, ordinaire,
pas attaché à l'argent, il n'est pas de ceux qui boivent dans un verre en or ou jouent avec un
baby-foot en or comme Ali Bongo.
L'autre bonne chose, c'est qu'il a débarrassé le Gabon d'Ali Bongo et sa famille, symboles des
tares de son pouvoir. On s'est débarrassé du roi, de la reine et du prince... Mais pas du
système pédégiste qui a maintenu ce régime à flots.
Alors j'ai peur que le dialogue national inclusif prévu pour avril ne soit qu'un dialogue de
pédégistes ou d'ex-pédégistes.