Le Conseil des ministres a annoncé «la convocation prochaine, en session extraordinaire, des bureaux des deux chambres du Parlement afin qu’elles procèdent à une révision de la Charte de la Transition». Du coup, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) est soupçonné de se livrer à une manœuvre politicienne.
Ce n’est pas du mimétisme, mais c’est suffisamment évocateur pour être relevé. Six mois après son surgissement, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) donne l’impression de naviguer en eaux troubles. S’étant prononcé pour «l’instauration d’une culture de bonne gouvernance», il ne semble nullement gêné de revoir les textes au gré des circonstances voire des intérêts ou humeurs. Mercredi dernier et à la surprise générale, le Conseil des ministres a annoncé «la convocation prochaine, en session extraordinaire, des bureaux des deux chambres du Parlement afin qu’elles procèdent à une révision de la Charte de la Transition». Pour la deuxième fois en moins d’une année, le CTRI initie une modification du texte-fondateur de la Transition, légitimant la comparaison avec le régime déchu, brocardé pour avoir révisé la Constitution trois fois en moins de cinq ans.
Marque d’impréparation ou hésitations ?
Comme la sécurité juridique et la stabilité institutionnelle, la primauté de la Charte de la Transition sur la Constitution de mars 1991 est ici en jeu. Théoriquement, le premier texte l’emporte sur le second. Mais, à force de le retoucher, il pourrait perdre de sa valeur et de sa légitimité. Jusque-là tenu pour l’acte juridique organisant la Transition, il pourrait être ravalé au statut d’instrument au service exclusif du CTRI, de ses membres et de leurs ambitions. En octobre dernier, la première révision visait deux objectifs principaux : la création du Conseil économique, social et environnemental de la Transition (CESE-T) et, l’augmentation du nombre de parlementaires, alors jugé trop faible et peu compatible au contexte. À ce moment-là, des voix s’étaient déjà élevées. Y voyant un revirement ou une marque d’impréparation, certains s’en gaussaient. Y décelant des hésitations, d’autres s’en étranglaient.
Cette fois, nombre d’observateurs y voient une manœuvre strictement politicienne. En leur entendement, le président de la Transition «veut se décharger (…) des fonctions de ministre de la Défense et de l’Intérieur pour se présenter à l’élection présidentielle de 2025 car, en l’état actuel, il est disqualifié». Pour eux, la Transition est en train d’être vidée de son sens et de sa substance. Son objectif principal ne serait plus «la refondation de l’État afin de bâtir des Institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable», mais la mise en place de conditions garantissant la candidature puis la victoire de Brice Clotaire Oligui Nguéma. Eu égard à ce foisonnement d’avis toujours aussi peu nuancés, la révision annoncée ne saurait être perçue ni comme un épiphonème ni comme une péripétie sans conséquence sur la suite.
Débarrasser ce texte de certaines scories
Dans l’opinion, comme auprès des acteurs de la Transition, le contenu et le caractère opérant de la Charte de la Transition font encore débat. D’abord, parce qu’elle reprend l’architecture et les intitulés des institutions classiques, ouvrant la porte à tous les amalgames et à toutes les fumisteries, comme on l’a récemment vu avec l’honorariat attribué à Marie-Madeleine Mborantsuo et Louise Angué. Ensuite parce qu’elle écarte tous les poids lourds de la politique nationale de la prochaine présidentielle, à l’exception notable du président de la Transition, comme si elle avait vocation à jeter la suspicion sur sa personne ou à semer le doute sur ses intentions. Enfin parce qu’elle ne dit rien sur l’organisation et le fonctionnement du CTRI, se contentant d’en annoncer l’existence tout en installant la confusion avec une fantomatique institution dénommée Conseil national de la Transition.
Depuis le 04 septembre 2023, date de la prestation de serment par le président de la Transition, le débat politique et la vie publique sont sous-tendus par la Charte de la Transition. Dans un contexte marqué par la présence massive d’affidés d’Ali Bongo au sein des institutions, la prochaine révision ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices : en fonction de la tonalité des échanges et du résultat du vote, elle risque soit de réveiller les fantômes du passé soit de fragiliser les équilibres construits depuis le 30 août dernier. Pour conjurer cette double perspective, il faut élargir le champ de vision. Sans toucher à l’ordonnancement institutionnel, il faut débarrasser ce texte de certaines scories. Sauf à laisser des esprits malins compromettre la Transition, il faut tordre le coup aux accusations de personnalisation. Autrement dit, il est temps de se rendre à l’évidence : de par son contenu, cette charte pose problème à maints égards. Par conséquent, il faut y jeter un regard froid et sans complaisance.