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[Tribune libre] Lettre ouverte à Monsieur le président de la Transition, président de la République, chef de l’État
Publié le samedi 27 janvier 2024  |  Gabon Review
Présentation
© Présidence par DR
Présentation des vœux des Forces de Défense et de Sécurité et du Corps Diplomatique au Président de la Transition
Libreville, mercredi 03 janvier 2024. Le Président de la Transition, Président de la République, Chef de l’Etat, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema a reçu au Palais Rénovation, les voeux de nouvel an du Corps diplomatique accrédité au Gabon, ainsi que ceux des Forces de Défense et de Sécurité.
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Écrivain gabonais de romans policiers, Janis Otsiemi dresse avec arrogance les actions posées par le président de la Transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema depuis son ‘’putsch’’ du 30 août 2023. Le lauréat 2010 du prix du roman gabonais, «La vie est un sale boulot», analyse méticuleusement les actions du chef de l’État, qui après avoir délivré le peuple gabonais du régime dictatorial du président déchu Ali Bongo Ondimba, sombre de plus en plus dans des dérives autoritaires. Il invite le président du CTRI à se comporter en tant que président de la République afin d’éviter les contestations du peuple lors des prises de décisions.

Monsieur le Président de la Transition, Président de la République, Chef de l’État,

J’aurai bien aimé vous adresser cette correspondance directement à votre cabinet. Mais je doute fort que vos conseillers vous en auraient donné lecture. Aussi, je me permets de vous écrire par voie de presse et des réseaux sociaux.

Dans la nuit du 29 au 30 août 2023, vous avez réalisé un coup d’Etat qui a déposé le président Ali Bongo qui venait d’être frauduleusement réélu pour un troisième mandant, mettant fin à un régime gangréné par la corruption et la mauvaise gouvernance. Vous avez créé un Comité de la transition pour la restauration des institutions. Vous vous êtes autoproclamé président de la Transition, président de la République, chef de l’Etat, ministre de la Défense nationale et ministre de l’Intérieur.

Ce coup d’Etat que vous avez mené sans un coup férir et que vous considérez comme un coup de liberté a établi votre légende napoléonienne. Vous le savez et nous le savons aussi : votre stature de sauveur de la Nation devant l’Eternel est un mythe. Vous n’étiez plus en odeur de sainteté auprès de Mme Sylvia Bongo et son fils Noureddin qui tenaient en réalité l’essentiel du pouvoir entre leurs mains depuis l’AVC du président Ali Bongo survenu en octobre 2018 à Ryad. En sauvant votre peau, vous avez sauvé celle de la Nation et celle de millions de compatriotes. Nous vous en saurons toujours gré sans que cela ne nous paraisse comme une dette morale à votre endroit. Ne croyez pas que tout vous est permis !

Vous vous êtes engagé à restaurer les institutions de la Nation et rendre le pouvoir aux civils au terme d’une transition de deux ans dont vous avez révélé le chronogramme. Nous constatons avec regret que vous détournez les institutions de la République, pour ne pas faire la vraie révolution qui s’impose au pays, mais pour recruter à vil prix les vieilles badernes de l’ancien régime en déconfiture. La nomination de Mme Marie-Madeleine Mborantsuo comme présidente honoraire de la Cour constitutionnelle nous insupporte. Elle a assuré la présidence de cette institution sous la dynastie Bongo démontrant sa partialité lors de la validation des résultats des différentes échéances électorales entachées de fraudes.

Vous utilisez les institutions de la République pour « tuer » politiquement vos adversaires en les débauchant à grande échelle en une zone de chalandise plus large. La Charte de la Transition, taillée à votre gloire, vous donne seul le droit de vous présenter à la prochaine élection présidentielle en écartant tous ceux ou celles qui vous accompagnent dans la restauration des institutions. Votre dernière grosse prise a été la nomination de M. Alexandre Barro Chambrier au poste de Vice-premier ministre.

En agissant ainsi, vous avez fini par nous convaincre que vous avez un esprit cabotin, prêt à toutes les contorsions et compromissions pour vous assurer une transition paisible. Mais en voulant contenter tout le monde, vous avez fini par fâcher tout le monde.

Chaque jour, vous multipliez les dérives autoritaires. Enivré par le culte de la personnalité dont vous faites l’objet, vous ne supportez pas la contestation. Vous avez décidé d’astreindre les élèves et les fonctionnaires du pays à assister tous les lundis matin à la levée du drapeau en chantant l’hymne national, La Concorde. Malheur à celui qui ne sait point la chanter ! Huit élèves du lycée Nelson Mandela en ont fait les frais. Ils ont eu la mauvaise idée de diffuser sur les réseaux sociaux leur incivisme musical. Sacrilège ! Ils ont été traduits en conseil de discipline. Certains ont écopé de travaux d’intérêt général, d’autres d’exclusion temporaire.

Les syndicalistes de la société d’eau et d’énergie du Gabon ont eu le tort de réclamer un treizième mois. Vous les avez fait arrêter, interroger puis tondre comme des moutons. Qu’en sera-t-il quand vos concitoyens se lèveront pour contester votre politique ? Vous les embastillerez tous ?

A chaque rencontre à l’étranger avec vos compatriotes, vous prenez un malin plaisir à les brocarder. Lors de votre visite au Rwanda, vous avez déclaré : «Nous allons revenir au service militaire obligatoire. Pour ceux qui ne suivront pas, nous allons vous discipliner militairement. Ce que j’ai vu ici au Rwanda, c’est la discipline, la loi et l’ordre. Nous allons restaurer cette discipline pour les Gabonais qui ont perdu leurs valeurs. Ceux qui ne veulent pas suivre, restez à l’étranger».

Quand vous ne brandissez pas le bâton, vous prenez des accents populistes. Lors de votre récent voyage au Sénégal, nous avons vu sur des images récolter des dossiers des étudiants gabonais en quête d’un emploi. Faut-il vous rappeler, Monsieur le président de la Transition, que la présidence de la République n’est pas un office national de l’emploi.

Vous préparez chaque jour les funérailles de la démocratie. On ne gère pas un pays comme une caserne ou un corps d’armée. Vous ne comprenez pas que dans une démocratie, les citoyens ne puissent ne pas être que des admirateurs ou des soldats.

Lors de vos vœux du nouvel an à la Nation, vous vous êtes enorgueilli de votre bilan en seulement quatre mois en omettant de dire à vos compatriotes que toutes vos réformes n’avaient pour but que la levée des sanctions infligées au Gabon à la suite de votre coup d’Etat par la Communauté des Etats de l’Afrique centrale dont vous n’avez pas obtenu la clémence, car vous êtes aux yeux des membres de cette communauté un putschiste ! Vous avez une vision mercantile des relations internationales comme un représentant de commerce dont vous n’avez pas l’âme ni les manières.

Chaque jour, vous multipliez les couacs et les erreurs de casting. Dans le premier gouvernement de M. Raymond Ndong Sima, vous lui avez imposé la présence de M. Hervé Patrick Opiangah comme ministre des Mines en sachant en toute âme et conscience que ce dernier était propriétaire d’une société d’exploitation minière. Cela s’appelle sous d’autres cieux un conflit d’intérêt. Mais vous n’en aviez cure ! Conséquence, vous avez dû le débarquer du gouvernement lors du remaniement, car cela faisait tâche d’huile après l’inauguration de sa holding. Mais le mal est déjà fait. Vous avez fini par nous convaincre que vous n’êtes que la pâle copie d’un Jerry Rawlings !

Vous rêviez d’être président de la République. Vous l’êtes. Alors, comportez comme tel et arrêtez de jouer au nouveau chérif en ville !

Janis Otsiémi écrivain
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