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Vœux au président de la Transition : Face à la tentation révisionniste, faire la lumière sur notre histoire
Publié le samedi 6 janvier 2024  |  Gabon Review
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© Autre presse par DR
Vue aérienne de la ville de Libreville
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Le constat est alarmant. Un peu plus de quatre mois après la prise du pouvoir par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), les chantres du régime déchu se refusent à prendre la mesure du coup de force du 30 août 2023. Se posant en victimes, certains demandent des réparations, sans interroger leur responsabilité dans les outrances du passé. Minimisant la portée de leurs agissements, d’autres proclament leur fierté d’avoir servi le régime déchu, se gargarisant d’une prétendue expérience. Sur l’identité des acteurs, comme sur leurs motivations, le déroulement des événements ou les bilans humains, matériels et moraux, ils entretiennent des polémiques tendancieuses. En clair, si le CTRI avait tôt fait de dénoncer «une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se (traduisait) par une dégradation de la cohésion sociale risquant de conduire le pays au chaos», les affidés d’Ali Bongo ne l’entendent pas de cette oreille. En dépit des apparences.

Établir les faits et les circonstances de leur commission

Dans son discours de vœux au président de la Transition, la présidente du Sénat a implicitement flétri ce refus de toute remise en cause. Pointant une certaine irresponsabilité, elle a appelé à «l’établissement d’un consensus national» sur «la vérité historique», mettant en garde contre le «risque de faire le lit au révisionnisme voire au négationnisme». Nonobstant les postures partisanes, il faut effectivement faire la lumière sur notre histoire. Combien de personnes furent tuées à Port-Gentil en août 2009 ? Qui fut à l’origine de l’épuration administrative le mois suivant ? Qui ordonna et mena l’assaut contre le quartier général de Jean Ping ? Quel fut le bilan humain de cette expédition ? La même question vaut pour les patrouilles menées dans les quartiers au lendemain du 31 août 2016. Pourquoi aucun officiel ne fit le déplacement de Riyad après l’accident vasculaire et cérébral d’Ali Bongo ? Pourquoi fallut-il attendre son transfèrement vers Rabat ? Qui dirigeait le pays à ce moment-là ? Qui promulguait les lois ? D’où vint l’idée de faire élire le président de la République sur un ticket avec des postulants à la fonction de député ?

Si elles n’ont pas encore trouvé de réponses consensuelles, ces questions sont de nature à entretenir la fracture au sein de la société voire à compromettre toute entreprise de réconciliation nationale. Comme l’a souligné Paulette Missambo, il faut «mener des enquêtes, recueillir et recouper les informations, conserver les preuves et suggérer des solutions allant dans le sens de l’intérêt général». Autrement dit, pour mieux en expliquer les causes et identifier les responsabilités institutionnelles, il faut établir les faits et les circonstances de leur commission. Sans transiger ni marchander, l’Etat doit permettre aux populations de disposer d’informations fiables, vérifiables et vérifiées. Ne pas le faire reviendrait à laisser à chacun le soin de construire sa propre vérité, quitte à falsifier l’histoire soit pour se donner le beau rôle soit pour s’exonérer de toute responsabilité. Au-delà, cela permettrait l’établissement d’une forme de concurrence mémorielle, avec des risques d’instrumentalisation.

La désinvolture des bourreaux d’hier

On ne peut faire comme si, pendant de trop longues années, l’arbitraire et l’intolérance n’ont pas rythmé la vie publique. On ne peut faire comme si, au nom d’intérêts privés et partisans, des Gabonais ne se sont pas sentis en droit d’aller à l’encontre de l’intérêt général, foulant au pied tous les principes républicains, juridiques, éthiques ou moraux. On ne peut faire comme si, du fait de leur appartenance à une formation politique, certains ne se sont pas donnés le droit de semer la mort, embastiller ou violer les droits d’autrui. Après tout, des citoyens ont quand même trouvé la mort pour avoir voulu protéger leur vote ou défendre leur droit au libre choix des dirigeants. D’autres ont été mis au ban de la société, abusivement licenciés de leurs emplois ou placardisés dans l’administration en raison de leurs opinions. En outre, des biens privés ont été confisqués ou détruits, sous de fallacieux prétextes.

Que faire pour ne pas «laisser les rancœurs sédimenter» ? Comme l’a relevé la présidente du Sénat, «des gestes significatifs et de haute portée» ont été faits par le CTRI. Mais, sans méconnaître le sens et la signification de la réhabilitation de nombreux bannis d’hier, il faut dépasser la dimension individuelle pour construire une mémoire collective. Face aux risques de récidive et à la désinvolture des bourreaux d’hier, il faut rechercher la vérité pour mettre chacun face à lui-même. Ainsi pourra-t-on «gérer le passé pour garantir un meilleur vivre-ensemble». C’est la seule et unique façon de faire pièce à la tentation révisionniste ou négationniste.
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