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CEEAC : Le coup de force du président Verissimo contre le Gabon
Publié le lundi 27 novembre 2023  |  Gabon Review
Gilberto
© Autre presse par DR
Gilberto Da Piedade Verissimo, Président de la Commission de la CEEAC, général des forces armées angolaises
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`Dans un tour de force qui secoue les fondations même de CEEAC, le président Gilberto da Piedade Verissimo envisage de déplacer le siège de l’organisation, de Libreville (Gabon) à Malabo (Guinée Équatoriale). Cette manœuvre, enveloppée dans des allégations d’illégalité et de favoritisme, déclenche une tempête de controverse dans le giron de l’organisation. Entre violation des règles statutaires, mépris des procédures établies, et implications chaotiques pour le personnel, le déménagement suggéré menace de plonger la CEEAC dans une crise sans précédent.

En dépit de la réglementation et des dispositions statutaires en place, le président en exercice de la Commission de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), Gilberto da Piedade Verissimo, envisage un changement majeur : transférer le siège de l’organisation de Libreville, au Gabon, à Malabo en Guinée Équatoriale. Cette initiative intervient dans un contexte tendu, marqué par le coup d’État survenu au Gabon le 30 août 2023, pays hôte du siège depuis sa fondation dans les années 1980, sous l’impulsion des présidents Omar Bongo et Mobutu Sese Seko.

Des sources internes révèlent que M. Verissimo a déjà notifié au personnel de la Commission la nécessité de se préparer à un déménagement imminent à Malabo d’ici le 3 janvier. Il envisage également de proposer officiellement ce projet de délocalisation lors de la prochaine réunion du Conseil de Coordination des États Partenaires (CCEP). Toutefois, cette décision soulève de sérieux problèmes légaux, paraissant violer les principes fondamentaux de l’organisation. Aucun article du Traité révisé de la CEEAC, y compris l’article 99 qui détaille les sanctions possibles, ne prévoit une telle délocalisation, même temporaire. De plus, l’action de M. Verissimo excède vraisemblablement ses attributions, empiétant sur les responsabilités normalement dévolues au Président en fonction de la CEEAC.

Relations bilatérales, «amitié et fraternité»

Certes le Gabon a été suspendu de l’organisation après le coup d’État du 30 août, mais il a entrepris de normaliser sa situation pour retrouver au plus vite sa place dans la CEEAC, dont Ali Bongo assurait la présidence tournante au moment de sa chute. La fonction ayant été dévolue au président Equato-Guinéen Obiang Nguema, et le siège de l’organisation provisoirement transféré à Malabo, Gilberto da Piedade Verissimo ne verse-t-il pas dans un zèle «profito-situationniste», pour utiliser une expression bien gabonaise ? Quels pourraient être les déterminismes de ce stratagème ayant vraisemblablement l’onction de l’Angola, M. Verissimo ne pouvant avoir décidé sans en référer à son pays ?

Consacrant le renforcement des relations bilatérales entre Libreville et Malabo, la visite «d’amitié et de fraternité» du président de la transition gabonaise, Brice Clotaire Oligui Nguema, en Guinée Équatoriale le 19 septembre dernier, n’était-il donc qu’un bluff diplomatique ?

Guinée-Équatoriale et régime des sanctions

En tout cas l’attribution à la Guinée-Équatoriale du «privilège» envisagé par Piedade Verissimo est d’autant plus controversée que ce pays, de sources concordantes, ne s’est pas acquitté de ses contributions financières depuis trois ans.

Pourtant, l’article 1er de la décision n°32/CEEAC/CCEG/XIII/07 du 30 octobre 2007 «Fixant le régime des sanctions pour non-paiement des contributions par les États membres», dispose : « a) lorsque le montant des arriérés s’élève à deux (2) ans de contributions dues et est inférieur à cinq (5) ans, il y a suspension du droit de l’État membre de […] offrir d’abriter les sessions de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement ou du Conseil des Ministres ou de toute autre réunion de la Communauté». La Guinée-Équatoriale proposée par l’Angolais Gilberto da Piedade Verissimo, est-elle donc éligible pour abriter le siège de l’organisation ?

Situation «totalement illégale»

Même si les officiels ne se sont pas exprimés sur la question, du côté gabonais cette initiative est perçue avec indignation, d’autant plus que le Gabon est le principal bailleur de fonds de la CEEAC et a récemment équipé l’organisation d’un nouveau siège fonctionnel à Libreville. Cité par l’Agence gabonaise de presse (AGP), un agent de la Commission a qualifié, sous couvert d’anonymat, la situation de «totalement illégale».

Informé par une décision de la Commission datée du 15 novembre dernier, le personnel de la CEEAC est profondément mécontent de cette décision unilatérale et s’inquiète des implications pratiques d’un tel déménagement, censé s’effectuer en janvier prochain. Des questions cruciales restent sans réponse : quels membres du personnel seront jugés «essentiels» pour la délocalisation ? Comment la logistique du déménagement des employés et de leurs familles sera-t-elle organisée ? Qu’en sera-t-il de la scolarisation des enfants du personnel à Libreville, des conditions de travail des employés restant sur place, de la gestion du statut diplomatique du personnel, des accords de siège entre la CEEAC, la Guinée-Équatoriale et le Gabon, et des engagements contractuels privés tels que les baux et les prêts ?

Absence de dialogue, manque de consensus

Face à ces inquiétudes et à l’annonce précipitée du déménagement, le personnel de la CEEAC déplore l’absence de dialogue avec la direction et réclame une rencontre avec le Président Verissimo pour obtenir des éclaircissements.

De plus, l’absence de signatures des chefs d’État sur le communiqué final du dernier CCEP, tenu à Malabo, suggère un manque de consensus sur les sanctions contre le Gabon et le projet de délocalisation. Enfin, le déménagement à Malabo pourrait engendrer des dysfonctionnements opérationnels significatifs, éloignant la Commission de ses partenaires stratégiques basés à Libreville, tels que l’UNOCA, la BAD, et l’UE.
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