La mission du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) prendra fin avec la prochaine présidentielle. En éludant les législatives, les locales, les sénatoriales ou le format et la préparation du Dialogue national, la junte a livré une copie peu chiadée.
Attendu par l’opinion nationale, exigé par la communauté internationale, le calendrier de la Transition a été dévoilé le 13 du mois courant : l’inventaire des problèmes et la synthèse des propositions, le Dialogue national inclusif, la mise en place d’une constituante, la tenue d’un référendum pour l’adoption d’une nouvelle constitution, la réforme du Code électoral et l’organisation d’une élection présidentielle en constituent les principaux temps forts. Ayant jusque-là laissé le sentiment d’avoir délégué cette question au Premier ministre, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) semble avoir repris la main. Reste maintenant à savoir s’il a une idée précise de l’organisation et du fonctionnement du «secrétariat spécial» chargé de proposer une base de discussion. Reste aussi à savoir s’il est au clair sur la nature et le degré d’implication de l’archevêché de Libreville ou sur l’éventuelle cohabitation entre le Parlement et l’assemblée chargée de rédiger la Constitution.
Assises nationales pour avril prochain
Dans le communiqué n° 026, le CTRI s’est montré peu disert voire elliptique. N’empêche, il s’est prononcé pour une transition de deux ans, déjà présenté par le Premier ministre comme un «objectif raisonnable». Néanmoins, la junte s’est gardée de se prononcer sur les élections législatives et locales, donnant l’impression de laisser au prochain président de la République le soin de renouveler le Parlement et les collectivités locales. Ce faisant, elle a implicitement indiqué être peu favorable à une évolution vers le parlementarisme. Autrement dit, le Dialogue national inclusif aura le choix entre le régime présidentiel et le régime semi-présidentiel. Faut-il confier la totalité du pouvoir à un président élu au suffrage universel direct ou indirect ou faut-il instaurer une dyarchie au sommet de l’Etat ? Faut-il rendre l’exécutif responsable devant le Parlement tout en lui donnant le pouvoir de dissolution ? Faut-il ériger le pouvoir judiciaire en arbitre du jeu institutionnel ?
Sur ces points, un consensus national devrait avoir émergé d’ici à juin 2024, moment choisi pour la «transformation du Parlement en constituante». Normalement, le CTRI ne devrait pas avoir de mal à atteindre cet objectif, des assises nationales étant prévues pour avril prochain. Mais, en absence de précisions sur la composition et le rythme de travail du «secrétariat spécial», de nombreux doutes subsistent. En absence de détails sur les modalités d’«adoption de la synthèse finale», des interrogations fusent. Surtout au regard de la multiplication des communiqués pas toujours opportuns, comme celui relatif à la levée et la descente des Couleurs : si d’aucuns y ont vu une incitation au patriotisme ou au civisme, d’autres y décèlent les signes d’une certaine impréparation voire d’une incapacité à se conformer aux termes de la Charte et au calendrier.
Des précisions s’imposent
Le CTRI s’est assigné huit missions : «la refondation de l’Etat», «la préservation de l’intégrité du territoire national et de la sécurité des personnes et de leurs biens», «l’engagement de réformes (…) sur les plans politique, économique, culturel, administratif et électoral», «le renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité», «la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés publiques», «l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable», «l’élaboration d’une nouvelle Constitution» et, «l’organisation des élections locales et nationales libres, démocratiques et transparentes». Or, à l’évidence, la Transition prendra fin en août 2025, avec la proclamation des résultats de la prochaine présidentielle. Ni les législatives ni les locales et encore moins les sénatoriales n’ont été pris en compte dans l’agenda rendu public lundi dernier. Oubli, choix délibéré ou simple impréparation ? On demande à être fixé. Dans tous les cas, des précisions s’imposent.
Pour réussir une transition démocratique, il faut préalablement évaluer deux éléments : le niveau de développement du pays et, les expériences antérieures, bonnes ou mauvaises. Or, sur les leçons à tirer de l’expérience démocratique des premières années post-indépendance comme sur les enseignements de la Conférence nationale de 1990, le CTRI semble ne pas être allé au bout de la réflexion. Sans jouer les Cassandre, la restauration des institutions et la reconstruction de «l’édifice démocratique» sont loin d’être garantis. Sauf, bien entendu, à préciser et ajuster le chronogramme, notamment s’agissant des modalités de mise en œuvre. Entre le marteau des exigences de la communauté internationale et l’enclume des déclarations du Premier ministre, le CTRI a livré une copie peu chiadée. Sur le format et la préparation du Dialogue national par exemple, le débat reste entier.