La présidente du Sénat de transition a plaidé pour une nouvelle répartition des sièges de député et sénateurs. Pour éviter de se retrouver avec des circonscriptions trop vastes ou trop faiblement peuplées, les forces vives de la nation doivent donner suite à sa requête.
Dressant les priorités de la Transition, Paulette Missambo a notamment mis l’accent sur le découpage électoral. Si elle s’est voulue elliptique, elle a mis le doigt là où ça fait mal, soulevant un débat jusque-là occulté. Si elle n’est pas allée au fond de la question, elle a implicitement plaidé pour son inscription à l’agenda de la Conférence nationale à venir. Ce faisant, elle a mis la pression sur le gouvernement, attirant par ailleurs l’attention du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) voire de l’ensemble des forces vives de la nation. Sauf s’ils ne redoutent pas d’accentuer la rupture entre le peuple et ses représentants, les concernés doivent donner suite à cette requête. Après tout, la représentativité du prochain Parlement dépendra aussi de la justesse et du caractère équitable de la répartition des sièges de députés et sénateurs.
Conformément aux principes démocratiques
Sectarisme politicien mis à part, on doit en convenir : le découpe électoral actuel n’est ni juste ni équitable. Encore moins fondé sur les valeurs et principes démocratiques. Conçu pour offrir à la dynastie Bongo des parlements acquis à leur cause, corvéables et taillables à merci, il est sous-tendu par des considérations personnelles, familiales, ethniques et provinciales. Censé garantir des victoires à répétition du Parti démocratique gabonais (PDG), il est source d’injustices et de bizarreries : avec 859 689 habitants, la province de l’Estuaire compte 26 sièges de députés quand le Haut-Ogooué, peuplé de 250 799 âmes, en a 23 ; avec 157 562 habitants, l’Ogooué-Maritime a 13 sièges quand la Ngounié et ses 100 838 habitants en comptent 18, faisant jeu égal avec le Woleu-Ntem, pourtant habité par 154 986 personnes ; quant au Moyen-Ogooué, il a 10 sièges pour 69 287 habitants contre 12 sièges pour 65 771 personnes dans l’Ogooué-Lolo.
D’aucuns s’appuieront sur le découpage administratif pour justifier cet état de fait. Mais, personne n’est dupe : même la superficie ne peut expliquer pourquoi le Haut-Ogooué compte 11 départements contre 4 pour l’Ogooué-Ivindo, largement plus vaste. La même interrogation vaut pour la Ngounié, dotée de 9 départements quand le Woleu-Ntem en compte cinq. Au pouvoir sans discontinuer de 1967 au 30 août dernier, le PDG en a profité pour multiplier les départements dans les provinces acquises à sa cause. Dans certains cas, il a surfé sur l’argument ethnique pour justifier ses choix. Au final, il a procédé à une répartition des sièges sur la base de ses seuls intérêts, niant ainsi ceux du peuple. Le CTRI va-t-il laisser perdurer un découpage aussi inique ? Va-t-il le corriger dans l’intérêt du Gabon et conformément aux principes démocratiques ? On demande à voir…
Un exercice réalisable
Pourtant, il faut réfléchir à une nouvelle répartition des sièges de député et sénateur. Régulièrement évoqué, le lien de subordination entre découpage administratif et découpage électoral n’a rien de rédhibitoire. En réalité, il faut concilier préoccupations territoriales et considérations démographiques, avant de procéder à des arbitrages. Autrement dit, il faut tout à la fois éviter de se retrouver avec des circonscriptions trop vastes ou trop faiblement peuplées. Dans le premier cas, elles seraient difficiles à couvrir et pourraient enjamber des départements voire des provinces. Dans le second, certains candidats s’en trouveraient favorisés, mais les élus de ces sièges accuseraient un déficit de légitimité. Pourquoi certains doivent être élus avec 200 voix quand d’autres le sont avec 5 000 ? Au nom de quoi ces députés jouissent-ils ensuite de la même considération et des mêmes attributs ?
En dépit de sa complexité, le découpage électoral n’est pas un exercice hors de portée. Sauf à y aller avec des arrière-pensées politiciennes, il est tout à fait réalisable. Ayant proclamé son ambition de «dessiner les contours d’un nouveau vivre ensemble», ayant affirmé ne pas avoir «vocation à s’éterniser au pouvoir», le CTRI a normalement les coudées franches pour s’attaquer à cette question. Pourquoi devrait-il s’en priver ? Pour ne pas prêter le flanc à la polémique politicienne ? Mais, sa neutralité supposée le prédispose justement à connaitre de tels sujets. Mieux, partout à cette opération a été une réussite, elle a été conduite à froid, loin de toute considération électoraliste. En tout cas, «l’organisation d’élections démocratiques dans un environnement apaisé» passe aussi par un découpage électoral expurgé des scories du passé.