Point n’est besoin de rappeler le contexte de la prise du pouvoir par les militaires le 30 Août 2023 au Gabon.
Ali Bongo Ondimba et le parti État, PDG, ont été virés du pouvoir 23 minutes après la proclamation des premières élections générales jamais organisées par le pays. Pour Oligui Nguéma, « les forces de défense et de sécurité de notre pays ont pris leurs responsabilités en refusant le coup d’état électoral qui venait d’être prononcé par le Centre Gabonais des Élections à la suite d’un processus électoral outrageusement biaisé », affirmait il dans son allocution de prestation de serment, le 04 Septembre.
Pour la seconde fois de son histoire, un Président de la République est déposé par l’armée (Léon Mba Minko 1964). Pour la seconde fois de son histoire, l’armée prenait ses responsabilités face à un Président en profond désaccord avec la classe politique sur les questions de gouvernance démocratique.
Pour la troisième fois au Gabon ‘’la grande muette’’ sort de ses gongs en guise ras-le-bol face à un système tenu pour responsable de ‘’la misère nationale’’(Janvier 2019, Kélly Ondo Obiang et une poignée de ses jeunes frères d’armes essayent de réécrire l’histoire).
Cette fois, le 30 Aout 2023, plus qu’un coup d’essai, la grande muette a exécuté un coup de maître.
Et alors ?
Et alors, le peuple est aux anges, c’est des scènes de liesse populaire. La joie est spontanée et collective. La jubilation est de toutes les générations et de toutes les couches sociales. c’est comme aux premières heures du 17 AOÛT 1960, quand feu Léon Mba prononce indépendance du pays.
Les militaires, autrefois tortionnaires du peuple à la solde du régime en place, sont, cette fois, des redresseurs de tors. Le Général Oligui Nguéma et ses hommes ont fait un choix lourd de sens et de conséquences. Un choix au péril de leurs vies. Ils méritent d’être célébrés de toutes les façons logiques qui soient.
Et alors ?
Et alors, ils ont fait ce qu’il y avait à faire ( c’est ainsi notre essor vers la félicité ), l’autre façon de dire Gabon d’abord). Mais !!
Jusqu’où ira le Général Président ?
Pour le Général Oligui Nguéma, la fin du régime Bongo n’est plus ni moins, que « un coup de libération du Gabon ». Il le dit et répète à tous les visiteurs du palais Rénovation. De même qu’il a solennellement promis de remettre le pouvoir aux civils, au terme de la période de la transition qui se soldera par des élections libres, crédibles et transparentes.
Depuis le lendemain de l’éviction d’Ali Bongo et compagnie du pouvoir, depuis l’annonce de la traque des ‘’budgétivores de la République’’, on a le sentiment de vivre dans un pays où la revendication de ses droits sociaux est la chose la mieux partagée et ce n’est pas faux de le dire.
La grogne est de toutes les actualités, de tous les secteurs et de toutes les composantes sociales, sauf l’armée, bien entendu. C’est l’expression d’un vent de liberté. Une liberté séquestrée par la force et le chantage économique, une liberté muselée par un patronat sourd aux revendications sociales et plus enclin au profit.
Le Général Président est personnellement interpelé et invité à appliquer la formule magique.
C’est l’homme de la situation, c’est l’espoir du Gabon nouveau et c’est à ça que tient cette euphorie populaire.
Et alors ?
Et alors on s’interroge légitimement. Jusqu’où ira l’homme ? Va-t-il tourner casaque ? Fera-t-il la raison du plus fort, comme sous d’autres cieux ? Des doutes subsistent dans les esprits de bon nombre de Gabonais, des observateurs nationaux et internationaux de la vie politique gabonaise.
Il y en a qui sont pour que le Général Président reste là ou il est, jusqu’à ‘’kala kala’’ (avec le risque d’être soupesé à la moindre occasion), il y en a qui estiment que l’homme a fait le sale boulot et honneur et dignité lui reviennent, mieux pour lui de se retirer le moment venu.
Ceux là estiment que, le soldat doit savoir s’arrêter au terme de sa mission.
En revanche, beaucoup pensent que le Général pourrait se laisser bercer par l’irrésistible ‘’drogue du pouvoir’’. Brice Clotaire Oligui Nguéma pourrait ainsi troquer sa tenue de combat militaire avec le costume cravate du politique. Et puis, il y en a qui pensent que l’homme devrait faire un break au terme de la transition.
Et alors ?
Et alors, il remettrait le pouvoir aux civiles, se taillera un poste à sa mesure aux Nations-Unies, laissant aux civiles le temps de gaver le peuple de promesses politiciennes (un ou deux mandats) et reviendrait en bon sauveur qu’il est. Il fera, en ce moment là encore, l’unanimité, mais par la voix des urnes.
Et alors ?
Et alors, l’homme entrera en politique par la grande porte, et alors, il inscrira son nom en lettres d’or dans le registre, très sélectif, des vrais démocrates africains. Et alors, Brice Clotaire Oligui Nguéma brisera le signe indien, (celui des généraux africains tombeurs des Chefs d’États qui, à leurs tours s’éternisent au pouvoir). Et alors, il fera la fierté des hommes en uniforme, de tous les Gabonais et de tous les Africains.
Dans tous les cas, comme disait Mahatma Gandhi, ‘’ Chacun a raison de son point de vue, mais il n’est pas impossible que tout le monde ait tort’’. N’oublions pas que des cas de militaires ayant réussi en politique, sans avoir pris du recule, sont aussi rares que la saveur d’une grande victoire !