Non compilation de l’entièreté des résultats dans les neuf provinces du pays, immixtion de Jessye Ella Ekogha au CGE, procès-verbal de centralisation des résultats non signé par l’opposition. Au Gabon, le procès-verbal (PV) des élections sur lequel s’est appuyé le président du CGE pour proclamer les résultats de la présidentielle, serait un faux. Des résultats imaginaires donnés en présence de la vice-présidente du CGE représentant l’opposition. Dans une vidéo transmise à GabonReview Thierry d’Argendieu Kombila, rapporteur de l’opposition au CGE, raconte.
Le 29 août 2023 fut une journée stressante pour les personnes vivant au Gabon. Dès 12h, les magasins étaient sommés de fermer tandis que dans les bureaux, les responsables demandaient aux agents de rentrer chez eux : on allait proclamer les résultats de la présidentielle… finalement donnés de 3h à 4h du matin le 30 août, par le président du Centre Gabonais des élections (CGE), Michel Stéphane Bonda, à la grande surprise de tous.
Si l’armée a vite fait d’annuler ces résultats consacrant la victoire d’Ali Bongo, plusieurs questions étaient restées en suspens d’autant plus que, dans la foulée, les membres du bureau du CGE étaient arrêtés par les Forces de défense et de sécurité qui prenaient le pouvoir. Que s’est-il donc passé ?
Aparté de trois heures entre Jessye Ella Ekogha et Michel Stéphane Bonda
Selon Thierry d’Argendieu Kombila, rapporteur représentant l’opposition au CGE pour la Ligue panafricaine et patriotique de défense de la souveraineté (Lippades), s’exprimant dans une vidéo transmise à GabonReview, tout a commencé le 28 août. Une plénière devait être organisée au CGE avant la proclamation des résultats. Un conclave finalement annulé, faute de centralisation de tous les résultats. «Les commissions locales n’étaient pas arrivées à Libreville avec les résultats», a-t-il révélé.
La plénière devait finalement se tenir le 29 août 2023 «pour donner enfin les résultats». Seulement, aux environs de 14h, le porte-parole de la présidence de la République, Jessye Ella Ekogha, a débarqué au CGE où il est resté avec Michel Stéphane Bonda jusqu’à 17h prolongeant indéfiniment l’heure à laquelle devait se tenir l’assemblée plénière.
Jessye Ella Ekogha franchi le Rubicon
«Nous avons compris qu’il y avait une situation anormale», rapporte d’Argendieu Kombila. Selon lui, le porte-parole d’Ali Bongo finira par franchir le Rubicon «en pénétrant dans la salle de l’assemblée plénière pour dicter sa loi. Pour imposer le score qui devait être annoncé par le CGE». Désapprouvant cet ordre, l’ensemble des commissaires de l’opposition, à la demande du représentant de la Lippades, sont sortis de la salle. Toujours à sa demande, François Oyabi, vice-président pour la majorité, a essayé de sortir Jessye Ella Ekogha de la salle. Mais, ce dernier a fait de la résistance. Il a fini par être congédié par l’amiral Lemali Ondjoua, représentant le ministère de la Défense, lui demandant de quitter la Cité de la démocratie «parce que sa présence avait déjà décribilisé le processus électoral».
«Même en sortant de la salle, il tenait absolument à ce que les résultats soient annoncés en sa présence», commente d’Argendieu Kombila. À en croire son propos, l’ensemble des membres représentant l’opposition à l’assemblée plénière, n’ont jamais été au contact des résultats annoncés, tant l’opposition exigeait que les PV de centralisation des résultats des neuf provinces leur soient donnés avant la plénière pour un examen approfondi. «Cela n’a pas été fait. Il n’était donc pas possible de signer un PV de centralisation des résultats». En clair explique-t-il, le PV de centralisation des résultats définitifs «s’il existe», ne porte pas la signature des représentants de l’opposition au CGE.
Quid de la caution morale apportée par Nadia Christelle Koye ?
«Ce PV des résultats tel qu’il a été donné est de nul et de nul effet, parce que la loi oblige l’ensemble des membres du bureau, en période électorale, de signer tous les actes à caractère juridique et administratif», souligne d’Argendieu Kombila. «Les résultats annoncés par le président du CGE, nous ne les avions jamais vu au départ et nous ne les connaissions pas», a-t-il affirmé. Pour lui, l’opposition n’est donc pas comptable de ces résultats dont le signé le PV était attendu à la Cour constitutionnelle. «La Cour devait donc recevoir un PV de centralisation des résultats définitifs qui ne portait aucunement la signature d’un seul membre représentant l’opposition à la plénière et d’un seul membre représentant l’opposition au bureau du CGE», affirme-t-il.
Si les personnes ayant regardé la proclamation des résultats ont pu voir, à côté du président du CGE, Nadia Christelle Koye, la vice-présidente du CGE pour le compte de l’opposition qui semblait par ailleurs donner la caution de l’opposition, d’Argendieu Kombila indique que les incidents du 29 août se déroulaient en présence des Forces de défense et de sécurité en faction. «Ce sont elles qui ont arrêté, par la suite, les membres du bureau. Cela supposait que le processus de libération du Gabon était déjà enclenché dans la mesure où, ces éléments avaient déjà pratiquement encerclé la Cité de la démocratie pour avoir la cassette de l’annonce des résultats et la mise aux arrêts des membres du bureau du CGE», déclare-t-il dans la vidéo sus-mentionnée.