Le 23ième sommet de l’Union Africaine a permis de célébrer le 10ième anniversaire du Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture Africaine (PDDAA). Une décennie consacrée à de longues études de faisabilité, à la création de projets et à des investissements importants sur le secteur agricole. La rencontre de Malabo a été l’occasion de faire le point de toutes les politiques régionales et sous-régionales dans le domaine agricole, permettant ainsi à chaque pays africain de faire également un bilan de sa propre politique agricole.
L’agriculture a bien occupé les chefs d’Etats et les experts arrivés à Malabo malgré l’urgence de la question sécuritaire.
Dix ans après l’adoption du PDDAA, il faut relever que les performances de l’agriculture africaine sont globalement encourageantes. Plusieurs pays résolument engagés à atteindre rapidement l’autosuffisance alimentaire ou à mieux nourrir leurs populations ont consenti de colossaux investissements. C’est le cas du Rwanda, du Benin, du Malawi et de l’Angola, entre autres, qui connaissent une croissance démographique et un développement économique rapide. Mais il y a aussi les pays qui avaient depuis plusieurs décennies choisi de construire leurs économies sur l’agriculture tels que la Côte d’Ivoire, du Kenya ou encore du Cameroun et qui continuent de mettre en exécution des projets agricoles capables de régler définitivement la question de l’autosuffisance alimentaire et de leur permettre d’exporter vers d’autres pays du Sud leurs produits.
Les efforts sont donc perceptibles. Ils sont plus importants dans certaines sous-régions plus que dans d’autres.
L’année 2014 qui est consacrée à l’agriculture devrait permettre aux parties prenantes du développement agricole en Afrique d’exprimer leurs idées et de fixer de nouveaux objectifs pour la prochaine décennie.
L’UA avait fixé en 2004 à 6% la croissance annuelle du PIB agricole et l’affectation de 10% des dépenses publiques pour chaque Etat signataire du PDDAA.
Cette croissance du PIB agricole a été finalement de 4% en moyenne pendant dix ans. Il est désormais question d’atteindre réellement les 6% fixés par le Programme.
Il s’agit en effet de nourrir une population de plus en plus importante. L’Afrique s’apprête à franchir la barre d’un milliard d’habitants. Les efforts doivent donc être multipliés pour que la croissance démographique n’anéantisse pas les concessions faites sur les dépenses publiques en faveur de l’agriculture.
Le défi est donc de faire en sorte que chaque pays soit capable de nourrir sa population mais aussi et surtout de lui apporter une nourriture saine. D’où la nécessité d’une politique de sécurité alimentaire harmonisée.
Tout peut paraître simple. Les efforts de Etats africains sont malheureusement mis en danger par une situation politique et civile instable dans de nombreux pays. Les conflits armés et les occupations des terres par des groupes terroristes favorisent la destruction des cultures, l’abandon par les cultivateurs des terres et finalement la réduction des capacités de production agricole, limitant la rentabilité des investissements consentis.
Le Gabon peut-il atteindre les objectifs du PDDAA ?
« Il nous faut des routes et de l’énergie pour bien accompagner le développement agricole et atteindre l’autosuffisance alimentaire », a indiqué le président gabonais Ali Bongo Ondimba à Malabo.
Le Gabon tient à construire les routes qui relient les provinces entre elles, mais aussi les départements et les cantons. Cela devrait permettre d’évacuer plus vite les produits agricoles, sans risque de les perdre ou de les exposer à des infections. Dans ce sens, les régions du sud, réputées pour les capacités de leurs populations à cultiver de façon conséquente des produits tels que la banane, le tarot et notamment la patate, seront bientôt totalement accessibles en toute saison et en peu de temps, et cela après la fin des travaux entre Mouila et Ndendé, entre Ndendé et Tchibanga et entre Tchibanga et Mayumba. De même, les cultivateurs et les producteurs agricoles de l’Ogooué-Ivindo pourront faire parvenir leurs produits à Libreville, la route qui permet d’atteindre Makokou étant sur le point d’être achevé. Cela viendra renforcer un réseau routier assez pauvre jusqu’à il y a 5 ans et dont la principale fierté était la route Libreville-Bitam-Eboro. Il y a d’autres projets routiers qui devront permettre d’atteindre les localités du Haut-Ogooué, celles de l’Ogooué-Maritime (notamment Port-Gentil) et celles du Woleu-Ntem (Minvoul et Medouneu).
Le Gabon a créé par ailleurs deux agences qui ont pour mission de collecter les produits agricoles à travers le pays d’une part et de veiller à la qualité des produits et donc à la sécurité des aliments d’autre part.
Mais le Gabon importe encore jusqu’à 80% de ce que sa population consomme. Le Cameroun, le Togo, le Benin, le Maroc ou le Sénégal sont les pays africains qui le ravitaillent. Une trop grosse dépendance qui fait oublier que les Gabonais ont toujours su se nourrir et qu’ils sont capables encore de le faire. Il suffit peut-être de voir ce qui sort des plantations d’Ekouk, de Four-Place, de Lambaréné ou encore de Mitzic.
Plusieurs dizaines de milliers d’hectares de palmier à huile et d’hévéa ont été aménagés depuis 5 ans. Une volonté du chef de l’Etat qui a donné lieu à de nombreuses interrogations, pour ce qui concerne essentiellement l’hévéa alors que les populations habituées à la culture de la banane, du manioc, de l’arachide, du cacao ou encore du taro exigeaient que l’Etat et ses partenaires du secteur agricole donnent l’opportunité aux cultivateurs de cultiver ces produits.
Le développement agricole au Gabon dépendra donc de la mise à la disposition des populations d’un réseau routier fiable, de l’exécution d’une réelle politique de collecte et de sécurisation des produits alimentaires et aussi d’un retour à la terre des jeunes notamment.