Selon le cabinet Mays Mouissi consulting et nos confrères de Gabon média time, le président sortant peut se targuer de 13 réalisations sur 105 promesses. Mais on peut se demander si le taux réel ne se situe pas en deçà des 12,38% annoncés.
Qu’a fait Ali Bongo de son «second septennat» ? Quel bilan en tirer ? À l’orée de la présidentielle, le cabinet Mays Mouissi consulting et nos confrères de Gabon média time ont tenté de répondre à ces questions. Sur la base d’un document intitulé «Mon engagement pour un Gabon émergent», ils ont procédé à l’identification des «promesses», et à la «collecte des documents pertinents». Puis, ils se sont lancés dans le «traitement des données», la «triangulation des informations», des «visites de terrain» et des entretiens. Au final, ils ont conduit une «analyse des résultats (…)». À en croire leurs écrits, le président sortant peut se targuer de 13 réalisations sur 105 promesses. Soit un taux de 12,38 %. Mais, quelle appréciation peut-on se faire de ces réalisations ?
Une manière de verrouiller le jeu politique
Du point de vue de la pertinence, cinq d’entre elles sont discutables voire contraires aux principes fondateurs de notre État. Pourquoi protéger «23% des eaux territoriales» quand on peine à viabiliser 11,25% des terres classées en parcs nationaux ? 69.431 km2 de territoires marins sont-ils plus faciles à gérer que 29. 893 km2 de territoires terrestres ? Nul ne peut le croire. Du coup, l’on peut parler de fumisterie ou d’annonce destinée aux organismes internationaux de protection de la nature. Pourquoi et peut-on réserver «30% des postes administratifs aux femmes» ? Notre État admet-il la pratique des quotas ? N’est-ce pas contraire à l’universalisme républicain ? N’est-ce pas un glissement insidieux vers une application différenciée de la loi et le communautarisme ? Après les femmes, pour quelle autre catégorie prendra-t-on des textes sur mesure ? La pente glissante…
Du point de vue de l’impact, pourquoi subordonner la validation des listes aux Locales à la présence d’au moins 30% de femmes ? Est-ce profitable au débat démocratique ? Quand on connait le sort réservé aux militants de l’opposition, l’on se demande si ce n’est pas une manière de verrouiller le jeu politique ou de garantir au Parti démocratique gabonais (PDG) une majorité dans les collectivités locales voire au Sénat. De même, l’on cherche à savoir si la localisation des aires marines protégées tient compte de l’existence de routes maritimes, de zones d’exclusion pétrolière et de zones de pêche. Par qui et quand une étude en ce sens a-t-elle été menée ? Un rapport est-il disponible et consultable ? Où ? Déjà, un constat s’impose : depuis quelques années, le secteur pêche vivote, comme en témoigne la raréfaction du poisson sur les étals.
Des priorités peu en phase avec la société
La durabilité de cette mesure est aussi sujette à caution. Ni l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) ni la direction générale de la Faune et des aires protégées ne sont outillés pour gérer 23% de la zone économique exclusive. Manquant de tout, fonctionnant à budgets réduits et avec des personnels pas toujours qualifiés voire inconnus de la nomenclature administrative, ils naviguent en eaux troubles, comme en témoignent les grèves récurrentes des écogardes et agents du ministère des Forêts. Dès lors, on peut se demander si cette réalisation résistera à l’épreuve du temps. Les mêmes réserves valent pour les mesures liées au statut de la femme. Déjà, il faut s’en souvenir : sur proposition de Faustin Boukoubi, une loi relative à la «parité homme-femme dans l’accès aux mandats électoraux et fonctions électives» a récemment été adoptée. N’est-ce pas une remise en cause de la loi n° 09/2016 fixant les quotas d’accès des femmes et des jeunes aux élections politiques et celui des femmes aux emplois supérieurs de l’État ? Où l’on en vient à se demander si le taux de réalisation ne se situe pas en deçà des 12,38%, à la limite de l’inexistant.
Sur l’adéquation entre préoccupations des gouvernants et attentes des gouvernés, comme sur les bénéfices obtenus par les populations ou l’appropriation des réalisations, tant de doutes subsistent. A trop vouloir faire écho à la novlangue d’une partie de la communauté internationale, Ali Bongo a défini des priorités peu en phase avec la société. Les «événements exogènes» ? Ils auraient eu moins d’impact si les acteurs locaux étaient davantage consultés ou écoutés. Les «évènements endogènes» ? Leur influence aurait été minimisée si les institutions jouaient leurs rôles respectifs, sans chercher à voler au secours du pouvoir politique. Entre les lignes de ce «bilan du second septennat», chacun peut le déceler : la qualité de sa gouvernance reste le principal frein à l’action du président sortant.