Société[Interview express] Lee White : «Nous devrions devenir une nation pas seulement forestière, mais aussi maritime parce que 45% de notre territoire c’est l’océan››.
Au sortir d la première journée de «Destination Gabon Bleu», le forum sur l’industrialisation de la filière thonière ouvert le 11 mai à Port-Gentil, le ministre des Eaux, des Forêts, de la Mer, de l’Environnement, chargé du Plan climat et du plan d’affectation des terres, Lee White, a été intercepté dans un couloir par Gabonreview. Il venait de livrer une communication sur le thème «Aires protégées aquatiques comme outil de gestion durable des ressources halieutiques».
Gabonreview : Monsieur le ministre qu’est-ce qu’on devrait retenir, en deux mots, de votre intervention sur les Aires aquatiques protégées (APA) ?
Lee White : J’ai présenté le processus de création des aires protégées marines au Gabon. À savoir, les neuf parcs marins et onze réserves aquatiques qui ont été créées il y a cinq ans par le président de la République. Le but simple étant de préserver la nature mais surtout, d’optimiser la pêche. Ce qui est génial dans les écosystèmes marins, c’est que si vous créez des aires protégées bien localisées afin de protéger les zones de reproduction des poissons, tout en protégeant une partie de notre territoire, on augmente le prélèvement durable possible. En créant donc des aires protégées, on peut pêcher plus. Donc les zones protégées servent, à la fois, à protéger la biodiversité mais aussi à garantir la sécurité alimentaire.
Gabonreview : Dans un contexte où les ressources halieutiques mondiales s’amenuisent, leur protection est une priorité. Surtout que le Gabon s’apprête à s’arrimer à l’initiative 30×30 visant à protéger 30% de toutes les terres et de l’eau. Comment concilier la nécessité de protection qui va amener une réduction des zones de pêche pour la pêche commerciale mais aussi coutumière, avec le maintien d’une production devant permette de profiter pleinement de la chaine de valeur au moment où le Gabon abrite le forum national sur l’industrialisation de la filière thonière ?
Lee White : Nous avions déjà certaines connaissances et fait beaucoup des études au travers de l’ANPN et le CenaresT. Mais on doit encore former beaucoup de scientifiques dans le milieu marin ainsi que des professionnels de la pêche. Nous devrions devenir une nation pas seulement forestière, mais aussi maritime parce que 45% de notre territoire c’est l’océan. Le fait que les poissons de mer rentrent dans nos lagunes et estuaires, fait en sorte qu’au Gabon on n’a que très peu la cuture d’aller au large pour capturer du poisson. C’est tout simplement parce qu’on veut rester à terre et pêcher ces mêmes poissons. Donc, nos écosystèmes marins sont peu connus et cela devrait être, un lieu d’investissement pour le gouvernement.
Gabonreview : Les pêcheurs se plaignent de l’existence de plusieurs parcs marins protégés sur toute l’étendue du territoire national. Comment espérez-vous les associer ou les amener à s’imprégner de ces mesures et dispositifs, les traditions étant souvent difficiles à changer ?
Lee White : Si nos eaux sont riches et s’il y a beaucoup de poisson, les aires protégées qui couvrent seulement 25% de notre territoire, ne vont pas nous empêcher de pêcher. En plus, les aires protégées ont été définis après les inventaires scientifiques et les consultations. De ce fait, on a cartographié les déplacements des pêcheurs, pour essayer de minimiser les conflits entre les aires protégées et les pêcheurs. Et celles-ci ont tout simplement été créées pour protéger les zones de reproduction des poissons comme les embouchures afin de veiller à ce que nos enfants vont pouvoir pêcher à l’avenir. Quand vous entendez le bruit que font les pêcheurs dont vous parlez, ce sont des pêcheurs illégaux. Ce sont des gens sans papiers qui n’investissent pas dans l’avenir du Gabon. Ils veulent voler du poisson aujourd’hui, pour aller ailleurs demain. Nous voulions promouvoir une pêche durable pour nos enfants et petits-enfants.
Interview réalisée par Jean Jacques Rovaria Djodji