À l’occasion de la célébration de la 25e édition de la Journée nationale de la Femme, la députée indépendante de la deuxième circonscription d’Oyem, Estelle Ondo, lance la réflexion sur le positionnement de la problématique de la femme dans notre pays. Dans la tribune libre ci-après, elle relève les résistances autour de la pleine garantie de l’égalité des droits entre les sexes telle que consacrée par la Constitution. Une situation qui invite à interroger sur la nature et les raisons des goulots d’étranglement toujours observés dans la longue marche pour l’égalité homme/femme, malgré le dispositif juridique favorable aux femmes du Gabon.
Ce 17 avril 2023 qui marque la 25e édition de la célébration de la «Journée nationale de la Femme» nous donne l’opportunité de réfléchir quelque peu sur le positionnement de la problématique de la femme dans notre pays.
Cette journée, décrétée en 1998 en République gabonaise nous permet, aujourd’hui plus qu’hier, de nous rappeler la lutte multiséculaire du monde entier, pour promouvoir les droits de la femme et localement, d’honorer ces Gabonais, femmes et hommes qui se sont battus et continuent ce combat, pour faire «avancer» la femme gabonaise dans tous les secteurs d’activité et dans toutes les dimensions humaines. Du point de vue économique, son Excellence El Hadj Omar BONGO ONDIMBA avait arrimé à cette journée le Concours du Grand Prix du Président de la République pour la promotion des activités socio-économiques des femmes, qui n’est plus organisé depuis 2015. L’objectif en était de promouvoir les savoir-faire des femmes gabonaises, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, que d’encourager leur autonomisation socioéconomique ; en fait, c’était un outil de développement de la femme, y compris la femme rurale.
Il nous paraît préjudiciel de rappeler que la question de la promotion des droits de la femme n’est pas spécifique à notre pays, elle est plutôt aussi vieille que le monde ; elle préoccupe depuis toujours, malgré les avancées observées ici et là, la majorité des États du monde entier, un monde particulièrement patriarcal.
Le rôle traditionnel de l’homme dans la famille et dans la société doit ainsi évoluer autant que celui de la femme, si on veut parvenir à une réelle égalité de l’homme et de la femme.
Ces stéréotypes socioculturels néfastes ont créé et maintenu des pratiques, renforcé les discriminations entre hommes et femmes, combattues aujourd’hui par de nombreux États, notamment ceux partis à l’Organisation des Nations Unies, dont notre pays le Gabon. Sur le plan continental et régional, l’Union africaine promeut également l’égalité Homme/Femme.
Le Gabon est signataire de plusieurs conventions internationales œuvrant pour la promotion et la protection des droits de l’Homme en général et des droits de la femme en particulier.
À cet effet, sans exhaustivité, le Gabon a ratifié de nombreux traités internationaux et souscrit aux orientations définies par les Nations Unies dans le cadre du programme d’action de Beijing pour la promotion de la femme adopté en 1995, aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), à la Déclaration de Maputo, à celle d’Istanbul, à la Déclaration des Chefs d’État d’Addis Abeba sur le genre en 2004, et actuellement aux Objectifs de Développement Durable (ODD).
En ratifiant la Convention pour l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à l’Égard des Femmes (CEDEF) le 21 janvier 1983, le Gabon adhérait à l’esprit de cette Convention qui s’inspire des principes fondamentaux des Nations Unies qui ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine et dans l’égalité de droits des hommes et des femmes.
En analysant en détail la signification de la notion d’égalité et les moyens de l’atteindre, la Convention, en plus d’être une déclaration internationale des droits des femmes, énonce aussi un programme d’actions pour que les États parties garantissent l’exercice de ces droits et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes » (art. 3) et que ces États créent les mécanismes efficaces de mise en œuvre.
Dans cet esprit, le Gabon a pris un certain nombre de mesures en vue de promouvoir les droits spécifiques des femmes.
Bien avant cela, la volonté de cette implication toujours croissante de la femme dans les affaires de l’État avait décidé le Président de la République, son Excellence El Hadj Omar BONGO ONDIMBA à créer des institutions dédiées spécifiquement aux femmes. Le 1er juillet 1974, deux Hauts Commissariats sont confiés aux femmes, l’un à la Promotion Féminine, et l’autre aux Affaires Sociales. La création de ces deux portefeuilles gouvernementaux ne fait qu’amplifier une participation politique féminine déjà très vivace. En mars 1976 cette structure est remplacée par le Secrétariat d’État à la Condition Féminine rattaché à la Présidence de la République et dirigé par une femme également.
D’autres nominations viennent confirmer le poids politique des femmes avec leur présence à la tête du Ministère des Affaires Sociales ; au Secrétariat d’État auprès du Ministre d’État, Ministre des Affaires Etrangères ; au Secrétariat d’État auprès du Ministre des Affaires sociales ; au Secrétariat d’État à la Promotion Féminine ; au Ministère de la Justice. Un Ministère dirigé par des femmes sera même dédié à la Condition Féminine. Bien d’autres personnalités féminines suivront par la suite et jusqu’à ce jour.
À la suite de ses prédécesseurs, le Président Ali BONGO ONDIMBA, encourage vivement la femme à s’impliquer plus encore dans le développement de notre pays, tous secteurs confondus. C’est dans cette optique, qu’il a pris de fortes décisions novatrices en faveur de la promotion des droits de la Femme gabonaise. La mise en œuvre actuelle de la Stratégie de Promotion des Droits de la Femme et de Réduction des Inégalités Femmes/Hommes en est la parfaite illustration.
La Loi Fondamentale de notre pays, en son article 2, alinéa 2 dispose :
«La République gabonaise assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, d’opinion ou de religion».
Dans les faits, il apparaît qu’en dépit des mesures légales et politiques garantissant l’égalité des droits entre les sexes, telle que consacrées par la Constitution, on observe encore des résistances.
Ce constat amène à se convaincre que dans ce domaine, rien n’est acquis et que les avancées pour l’amélioration des droits des femmes doivent être un combat de tous les instants. À l’aune des grandes nations dont les histoires sont bien plus vieilles que celle de notre pays, il convient de noter que 63 années d’indépendance ne sont donc pas suffisantes pour détruire les stéréotypes et pour déconstruire les attitudes néfastes dans nos communautés.
Au regard du dispositif juridique favorable aux femmes du Gabon, nous nous interrogeons ainsi que nous le disions, sur les goulots d’étranglement toujours observés dans la longue marche pour l’égalité homme/femme.
Les femmes gabonaises saisissent-elles réellement toutes les occasions qui s’offrent à elles ? Dans les domaines scolaire, professionnel, social, économique et politique… ?
En effet, force est de constater qu’en dépit d’une politique favorable à l’altérité de genre, à l’égalité homme/femme pour un épanouissement et une affirmation de la femme dans la société, les disparités persistent au sein de l’environnement gabonais.
Le sceau de la République gabonaise est une «Maternité Allaitant», il symbolise une mère qui allaite son enfant. La mère représente la République, il s’agit de l’État Gabonais qui nourrit ses enfants, les protège, les soigne, les éduque et veille en permanence sur leur bonheur. L’enfant représentant chacun d’entre nous, membre d’une famille, la nation gabonaise à qui nous devons respect, obéissance et amour.
Cette symbolique renvoie très fortement et véritablement à l’imaginaire collectif mondial qui fait de la femme la gardienne et la protectrice naturelle de la cité, d’ailleurs, il est aussi mondialement reconnu que la femme a une gestion vertueuse des choses de manière générale, et notamment de la cité.
Alors que le savoir n’est pas sexué, la femme est ainsi capable de marquer sa présence dans chaque domaine et à tout endroit ; la politique n’en est que l’un des aspects.
La femme représente plus de la moitié de la population du monde, le Gabon ne fait pas exception à cette proportion ; elle est un agent social et économique indéniable. Les États devraient continuer de lui accorder à tous égards la place qu’elle mérite.
Pendant que la majorité des États, soucieux de cette importance, en font un acteur majeur, lui réservent des tribunes d’expression, de visibilité ; notre pays, tout en ayant le mérite des avancées évidentes en matière de promotion des droits de la femme semble plutôt pratiquer comme dans un «tango : un pas en avant, un pas en arrière. L’important est de finir par se toucher» …
Nous sommes surprises que l’institution dédiée spécifiquement à la femme, souhaitée de tous nos vœux, institution qui est aussi une très forte recommandation de la CEDEF que notre pays a ratifiée, qui fait l’objet de rapports périodiques fouillés soit aujourd’hui invisible, inaudible et ardemment, voire activement recherchée dans le paysage institutionnel.
Au gré des mutations, on le suppute comme un appendice, comme une excroissance ici ou là, parfois à des endroits vraiment curieux qui sollicitent notre modeste entendement. Alors que nous nous sommes engagés sur le plan international, devrions-nous conclure que la cause de la femme gabonaise, citoyenne accomplie, doive ainsi se rechercher et espérer être traitée avec dignité dans le concert des nations dans cette instabilité et ce brouillard ? Où est donc le Ministère en charge des droits spécifiques des femmes ?
Estelle ONDO
Députée indépendante de la deuxième circonscription d’Oyem, Ancienne ministre de l’Économie Forestière, de la Pêche et de l’Environnement, chargée de la Protection et de la Gestion Durable des Écosystèmes