Pas à pas, l’Afrique centrale construit son marché financier. Où en est le processus ? Quelles sont les avancées majeures ? Les freins ? Quelles opportunités présente aujourd’hui la Bvmac pour le financement des entreprises locales et pour l’épargne des citoyens ? Le directeur général (DG) de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (Bvmac), Louis Banga Ntolo, a bien voulu répondre à nos questions en toute franchise et transparence.
Le Nouveau Gabon : Plus de deux ans après le début effectif de l’unification des marchés financiers en Afrique centrale, quelles sont, en quelques chiffres ou indicateurs, les réalisations qui ont été faites jusque-là ?
Louis Banga Ntolo : La fusion a été réalisée en 2019. Elle s’est faite en deux phases. Une première phase qui est un rapprochement institutionnel et physique des structures existantes, dont la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (Bvmac) à Libreville et la Douala stock exchange (DSX) avec un siège qui a été fixé à Douala au Cameroun. Après, il y a les deux régulateurs, dont la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale (Cosumaf) et la Commission des marchés financiers (CMF), qui ont fusionné avec un siège à Libreville. Après, les dépositaires centraux aussi ont fusionné, et cette mission a été confiée à la banque centrale, à titre transitoire pour deux ans. Donc, théoriquement, c’est en 2023 qu’une société privée doit être créée pour assurer ces missions de dépositaires centraux. La deuxième phase, engagée après 2020, est axée sur la dynamisation des différentes structures qui ont été unifiées. On est en train de s’orienter sur la recherche de la viabilité de la Cosumaf, de la Bvmac, et des dépositaires centraux.
Pour ce qui est de la Bvmac, nous avons élaboré un business plan qui a révélé des faiblesses sur plusieurs plans, notamment institutionnel, marketing, profondeur du marché, ressources humaines et juridique. Ce diagnostic a conduit à des pistes de solutions et de réformes. Parmi lesquelles, le renforcement des fonds propres (il faut remettre l’institution à flot), le recrutement de nouveaux employés qualifiés, ainsi que l’approfondissement des deux compartiments (action et obligataire).
Sur ces derniers points, les États ont accepté de céder des participations de leur portefeuille, montrant ainsi la voie au secteur privé. Sur les six États de la Cemac, cinq ont déjà répondu et ont donné des entités. Certains en ont donné quatre, d’autres trois, pour un total de 17 entreprises listées. Et parmi les 17, il y a deux qui sont déjà cotées en bourse aujourd’hui. Et donc, c’est un processus qui est aussi la caractéristique de la manifestation même de la volonté politique, parce qu’on avait souvent tendance à penser dans notre zone que la volonté politique était un peu absente pour doter notre espace économique d’un marché des capitaux viables. Les réformes sont en cours, avec pour objectif la viabilité à long terme des différentes structures mises en place.
Donc, ce n’est pas un problème de volonté politique, mais plutôt de procédures administratives qui peuvent prendre du temps. La plupart des États ont déjà pris des engagements et certains ont même identifié des entreprises, mais il faut s’assurer de leur viabilité avant de les inclure dans le processus. Le dernier État qui est encore en attente a également identifié des entreprises, mais la formalisation de la procédure doit encore passer par les plus hautes autorités, étant donné qu’il s’agit de fonds publics. En somme, il n’y a pas de problème de volonté politique, mais plutôt des étapes administratives qui doivent être respectées.
Par ailleurs, au niveau de la Bvmac, nous sommes en train d’agir sur le renforcement des fonds propres. Donc, la Bvmac va augmenter son capital social de 3,5 milliards de FCFA, après que certains actionnaires aient renoncé à des créances qu’ils avaient vis-à-vis de l’institution pour plus d’un milliard et demi. Ce qui va être consolidé en fonds propres.
Aussi, il y a la communauté qui veut donner un financement sous forme de subventions d’équipements pour un milliard, mais également les autres actionnaires devraient pouvoir abonder le capital à hauteur d’un milliard supplémentaire. C’est quelque chose qui est déjà en bonne voie. Et à l’heure où je vous parle, sur les trois milliards et demi qu’on cherche, on est déjà presque à deux milliards deux. Il reste donc environ un 1,3 milliard.
Une partie viendrait de la communauté via le fonds Fodec (Fonds de développement de la communauté). Donc, en gros, ça se passe plutôt bien. Et l’information que nous avons sur les autres entités, notamment la Cosumaf, c’est qu’elle a de nouvelles installations à Libreville avec un immeuble en toute propriété. Mais également, il y a eu un audit qui a été instruit par la banque centrale. Et je pense qu’il y a une nouvelle réorganisation qui va se mettre en place, pour une régulation agile, qui tire le marché vers le haut. Donc en réalité, on est dans la restructuration, on est dans ce qui va créer forcément une dynamique nouvelle.
LNG : Comme vous l’avez dit au sujet du principe de l’introduction en bourse de certaines entreprises publiques ou parapubliques, il y en a qui n’ont pas encore respecté les engagements pris. Qu’est-ce qui pose problème ?
LBN : En réalité, il n’y a pas de problème. C’est des procédures administratives qui peuvent être longues. Il y a un Etat sur les six. C’est pour dire que la quasi-totalité a déjà franchi le pas. Le dernier Etat qui est encore dans les starting blocks a même déjà annoncé avoir identifié cinq entreprises. Des informations que nous avons au niveau de l’Etat tchadien, il y a une procédure aujourd’hui de signature de cette liste-là. Tant que la procédure n’a pas abouti, elle ne peut pas être communiquée à la Cemac.