« C’est une première dans l’affaire des biens mal acquis », écrit Africa Intelligence qui donne l’information. La Cour d’appel de Paris a accordé, ce mardi 14 mars, le statut de partie civile à l’Etat du Gabon, renseigne notre confrère qui précise qu’ « à l’heure actuelle, (le Gabon) est le seul Etat impliqué dans ce dossier à décrocher ce statut. » Une victoire décisive pour Libreville dans ce dossier qui a longtemps empoisonné les relations avec Paris et un changement de paradigme majeur.
Cette décision revient sur l’ordonnance prise en février 2022 par le juge d’instruction Dominique Blanc qui déniait à l’Etat du Gabon le statut de partie civile. Le magistrat a depuis été remplacé par le Serge Tournaire.
Pour Transparency International et l’avocat William Bourdon, c’est une sacrée déconvenue. Les autorités gabonaises, à l’inverse, ont de quoi pavoiser.
« Cette décision constitue en effet un changement de paradigme total », commente un avocat. « Sur un plan juridique, cela signifie que l’Etat gabonais est partie au procès, Sur un plan pratique, celui-ci pourra avoir accès aux pièces du dossier (ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent), connaître les chefs d’accusation et mieux préparer sa défense », poursuit-il. Mieux, selon ce magistrat gabonais, qui a soutenu sa thèse de droit à Paris-Assas, cela signifie que « l’Etat gabonais n’est plus considéré dans cette affaire comme coupable mais comme victime (d’actes commis par des individus, NDLR). Il pourra ainsi demander réparation du préjudice subi et, surtout, solliciter la restitution des biens saisis. »
Mais il n’y pas que sur un plan juridique que cette décision constitue un tournant majeur. Celle-ci a également, et indubitablement, un impact sur le plan politico-diplomatique. « Longtemps, l’affaire dite des Biens mal acquis a pollué la relation entre Libreville et Paris. Libreville ne comprenait pas en quoi cette affaire vieille de plusieurs décennies, qui impliquait des personnes physiques, pouvait concerner l’Etat gabonais aujourd’hui », explique un professeur en science politique de l’UOB.
« Pire, dans ce dossier, l’Etat gabonais s’estimait lésé, donc se percevait comme une victime car tous ces biens immobiliers à Paris ont été achetés avec de l’argent public gabonais. Or, comme les juges refusaient jusqu’à présent de lui accorder le statut de partie civile, les biens confisqués étaient susceptibles de revenir in fine à… l’Etat français », poursuit l’universitaire. « Non seulement, l’Etat gabonais se trouvait pointé du doigt dans ce dossier mais en plus, il subissait un préjudice financier. Bref, c’était la double peine ! », conclut-il.
C’est cette anomalie, d’aucuns diront cette injustice? qui a été réparée aujourd’hui. De quoi permettre à Libreville et Paris de repartir, quel que soit le terrain, sur de nouvelles bases, plus égalitaires. Il s’agit sans doute, et le terme n’est pas galvaudé en l’espèce, d’un moment historique.