Le Consortium de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie au Gabon (Coted-Gabon) a présenté ses 50 propositions en vue d’une réforme du système électoral. Or, le gouvernement semble rejeter toute idée en ce sens.
En présentant, le 29 octobre dernier, ses 50 propositions en vue d’une réforme du système électoral, le Consortium de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie au Gabon (Coted-Gabon), a fait écho aux signataires du Mémorandum pour une réforme du système électoral national, relançant un débat de première importance mais à l’issue incertaine. En août dernier, durant les assises constitutives du Coted-Gabon, Georges Mpaga avait clairement fixé l’objectif : «Sortir le Gabon des élections controversées (…) et surtout des crises post-électorales aux conséquences catastrophiques» La réflexion menée ces dernières semaines lui aura sans doute permis de mesurer la complexité de la tâche. Elle lui aura certainement permis de mieux en appréhender le caractère à la fois politique et technique. A coup sûr, elle aura renforcé ses doutes sur la crédibilité de nos institutions tout en confortant ses craintes pour notre vivre ensemble.
Obligation de faire certifier les comptes de campagne
Ayant procédé par benchmarking, c’est-à-dire par étalonnage ou comparaison avec des pays comme le Bénin, le Sénégal, la RD Congo, le Botswana, le Ghana ou le Kenya, le Coted-Gabon suggère des réformes juridiques et institutionnelles alignées sur les standards internationaux. Déjà formulées par certains partis d’opposition, les unes tombent sous le sens et ne souffrent d’aucune contestation, sauf de la part du Parti démocratique gabonais (PDG) et de ses alliés : renforcement de l’indépendance et de l’autonomie du Centre Gabonais des élections (CGE) ; transfert de toutes les compétences électorales au CGE ; introduction du bulletin unique ; légalisation de l’observation électorale indépendante, nationale et internationale ; plafonnement des dépenses de campagne… D’autres semblent inédites et de nature à faire consensus : retrait du ministère de la Défense de l’ensemble du processus électoral ; reconnaissance du procès-verbal vidéo ; introduction du compte prévisionnel de campagne et d’une obligation de faire certifier les comptes de campagne par la Cour des comptes…
Au milieu de tout cela, une suggestion pourrait susciter la controverse, y compris au sein de l’opposition : l’interdiction faite aux «parents jusqu’au deuxième degré des candidats à la présidence de la République» de présider le CGE ou l’un de ses démembrements. On imagine déjà de nombreuses personnes dénoncer soit «un délit de patronyme» soit une «discrimination fondée sur la génétique.» N’empêche, ces propositions constituent une épreuve du feu pour l’ensemble de la classe politique. En les portant à la connaissance de l’opinion nationale, le Coted-Gabon a solennellement invité les acteurs politiques à en débattre et à se prononcer, y compris sur le rôle et la place des membres de leurs parentèles dans la vie publique. Après tout, depuis trop longtemps, le débat politique national est pollué par la primauté des liens familiaux, matrimoniaux ou de sang.
Peu d’enthousiasme
Censés déboucher sur des projets ou des propositions de loi, les recommandations du Coted-Gabon constituent surtout un test pour la majorité. Un fois de plus, les cadres du PDG sont face à leurs responsabilités. Implicitement, il leur est demandé de s’échapper des contingences personnelles et de s’élever au-dessus des considérations partisanes pour inventer des solutions conformes à l’intérêt général. D’une manière ou d’une autre, ils se voient sommés de faire la démonstration de leur capacité à proposer une perspective au pays voire à ouvrir de nouveaux horizons à la jeunesse. Or, le gouvernement semble n’avoir cure des enjeux de cette nature, comme en atteste le peu d’enthousiasme manifesté par le ministère de l’Intérieur. Le même constat vaut pour le Parlement, emmuré dans un mutisme à la fois assourdissant et éloquent. Quant au PDG et à ses alliés, leur attitude révèle un manque de courage : ne voulant prendre aucun risque, ils préfèrent attendre une hypothétique consigne de la présidence de la République.
Embourbés dans la vase de la politique politicienne, la majorité œuvre en réalité au maintien du statu quo, quitte à précipiter le pays vers des lendemains incertains. Pourtant, en leur for intérieur, ses animateurs savent combien ces réformes sont attendues par le pays profond. Même s’ils les minimisent et croient pouvoir faire comme toujours, ils savent où peuvent mener des élections contestées. Même s’ils affichent une sérénité de façade, ils avancent vers 2023 avec beaucoup d’anxiété. Mais, par couardise comme par souci conserver leurs privilèges, ils font dans la fanfaronnade, rejetant toute idée de réforme. Dès lors, on les voit mal donner suite à l’appel du Coted-Gabon. La bataille s’annonce âpre…