SociétéGabon : Revirements tardifs, contradictions, incohérences… pourquoi, dans l’affaire du milliard, la défense de Guy Nzouba-Ndama n’a pas convaincu
Publié le jeudi 20 octobre 2022 | LaLibreville.com
Mardi 18 octobre, le procureur de la République près le tribunal de Franceville a requis contre l’ancien président de l’Assemblée nationale, interpellé mi-septembre avec 1,19 milliard de FCFA en liquide à son retour d’un séjour éclair au Congo-Brazzaville, six mois de prison avec sursis et 2,38 milliards de FCFA d’amende. Les explications laborieusement fournies à l’audience par M. Nzouba-Ndama ne l’ont manifestement guère convaincu. Voici pourquoi.
Pour (tenter de) justifier la provenance des 1,19 milliard de FCFA, Guy Nzouba-Ndama a invoqué ce mardi devant le tribunal de Franceville la vente d’un terrain à Pointe-Noire (au Congo-Brazzaville) d’une superficie de 9.756,07 mètres carrés.
A l’en croire, la vente aurait été consentie pour un montant de 1,3 milliards de FCFA. Une somme qui couvre largement les 1,19 milliard de FCFA découverts dans trois valises à l’arrière de son pick-up le 17 septembre dernier au poste frontière de Kabala.
Problème : il s’agit d’un revirement complet ! La version présentée lors de l’audience mardi devant le tribunal de Franceville contredit en tout point celle servie aux enquêteurs lors de sa garde à vue les 17 et 18 septembre dernier.
Devant les agents de la DGR, l’ex-président de l’Assemblée nationale avait affirmé que cet argent provenait de son compte à la banque UBA à hauteur de 400 millions de FCFA et, pour le reste de la somme, soit 719 millions, d’un don de l’ancien Président Omar Bongo qu’il aurait conservé au Congo-Brazzaville…
L’infraction caractérisée, quelle que soit la version des faits
A l’appui de sa nouvelle version, ce mardi devant le tribunal de Franceville, M. Nzouba-Ndama a produit des « justificatifs ». Mais ici aussi, cette production tardive n’est pas sans poser problème comme l’explique une autre source proche du dossier. « D’une part, il ne s’agit pas d’un acte notarié en bonne et due forme comme l’exige le droit lors de la vente d’un bien immeuble. Et quand bien même, ces justificatifs produits a postiori n’ont aucune incidence sur la caractérisation de l’infraction car en droit pénal douanier, c’est à ‘première réquisition’, suivant l’expression juridique consacrée, que l’usager doit produire les justificatifs ».
Dans tous les cas, et quelle que soit la version des faits avérée (autrement dit, la provenance réelle de cet argent liquide), l’infraction est donc caractérisée. Car lorsque les agents assermentés de la douane ont demandé à M. Nzouba-Ndama, le 17 septembre dernier au poste frontière de Kabala, s’il avait des justificatifs à fournir, celui-ci a déclaré « ne pas en détenir » car cette somme provient d’une « opération (…) effectuée par son épouse dans une banque de Brazzaville où (M. Nzouba-Ndama) a(urait) ouvert un compte ». Des propos consignés dans le procès-verbal rédigé lors de sa garde à vue et versé au dossier.
Guy Nzouba-Ndama aurait-il, un mois plus tard, recouvré la mémoire ? Ou bien serait-ce ses avocats qui lui auraient soufflé une version qui, espèrent-ils, devrait lui valoir une peine moins lourde ? Le procureur de Franceville ne semble en tout cas pas vouloir se laisser duper. Il a requis six mois de prison avec sursis et 2,38 milliards de FCFA d’amende contre l’intéressé.
L’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 25 octobre prochain. Pour autant, l’ex-président de l’Assemblée nationale n’en aura pas fini avec la justice. Dans le cadre d’une seconde procédure, ouverte devant la Cour criminelle spéciale de Libreville, il est poursuivi pour blanchiment de capitaux et intelligence avec une puissance étrangère. La peine qu’il encourt ici est autrement plus lourde.