La garde à vue de l’homme d’affaires français d’origine corse, Michel Tomi, a pour but de faire la lumière sur l’origine de ses revenus, son train de vie et ses relations avec les présidents africains, notamment le malien Ibrahim Boubacar Keïta. Les interrogatoires vont-ils concerner le Gabon ? Les enquêteurs pourraient y accéder et élargir leur champ.
C’est un séisme dont l’onde de choc pourrait se propager jusqu’à nos portes. Selon les révélations de lexpress.fr, Michel Tomi, patron du groupe Kabi, du PMUG et de la compagnie aérienne Afrijet notamment, a été placé en garde à vue par la justice française le 18 juin dernier dans le cadre d’une enquête pour «blanchiment aggravé» ouverte il y a onze mois par le parquet de Paris. Si Me Lionel Moroni, avocat de l’homme d’affaires d’origine corse, affirme que son client «n’a plus aucun intérêt en France depuis plus de dix (10) ans», cette enquête pourrait incidemment permettre de projeter un éclairage nouveau sur les liens entre le groupe dirigé par Michel Tomi et de nombreux régimes africains notamment celui d’Ali Bongo.
Objet de tous les fantasmes, ces liens supposés ou réels ont donné lieu à des liaisons incestueuses voire des ingérences multiples. Qui ne se souvient ainsi de la forte implication, aux côtés d’Ali Bongo, de Jean-Baptiste Tomi, affectueusement appelé Bati, dans la campagne électorale comptant pour la présidentielle anticipée d’août 2009 ? Qui ne se souvient de ce meeting tenu au rond-point de Lalala à Libreville durant lequel André Mba Obame, alors candidat à la présidentielle, avait publiquement mis en garde «(ses) amis Corses» contre une immixtion trop prononcée dans le vie publique du Gabon ?
Que les liens entre la famille Tomi et Ali Bongo soient exagérés ou pas, leur influence sur le tissu économique gabonais donne le tournis. Reine des jeux de hasard, cette famille possède le PMUG, le Casino croisette, les Fortune’s Club, Bet 241 en plus du groupe de BTP Kabi, d’Afrijet, la compagnie d’aviation d’affaires, du fournisseur d’internet IPI’9 et du bar de nuit select le Kubrick. Une empreinte tentaculaire qui n’en finit plus de susciter des commentaires et d’intriguer les observateurs. Si lemonde.fr évoque «des relations privilégiées avec (la famille Bongo) et surtout Ali», révélées par des «écoutes de 2007», rien n’autorise, pour l’heure, à mettre en cause Ali Bongo. Surtout que lemonde.fr précise que «l’ère gabonaise des Tomi est aujourd’hui terminée», poursuivant : «Leur influence a reculé à mesure que celle du directeur de cabinet d’Ali Bongo, Maixent Accrombessi, grandissait». Et de conclure : «Les Tomi ont réduit leurs activités au Gabon pour s’investir au Mali». Ali Bongo a-t-il pu bénéficier de sa relation avec cette famille pour ensuite l’éconduire ? Etait-il informé des activités de ses supposés amis ? Leur a-t-il, dans ses précédentes fonctions de ministre de la Défense nationale ou de par son statut passé de fils du président de la République, apporter aide et protection ? Si oui, de quelle nature ?
De nombreux services rendus
Autant de questions qui n’en finissent plus de hanter les esprits, eu égard au poids de la famille Tomi dans le tissu économique national et de l’apparent sentiment de puissance que ses membres ont souvent dégagé. Les Tomi ont-ils toujours agi dans le respect des lois et règlements en vigueur au Gabon ? N’ont-ils pas bénéficié de passe-droits ou de privilèges de toutes sortes ? Déjà, de nombreuses sources affirment qu’ils ont rendu de nombreux services à la famille Bongo, notamment «le paiement de frais d’hospitalisation en France, la mise à disposition d’avions, de bateaux et l’achat de véhicules de prestige» et l’on se souvient du yacht de luxe, le Grazia Dio, loué à Ali Bongo pour passer en compagnie de son épouse Sylvia Bongo des vacances à Corfou, en juillet 2013. Bien que Michel Tomi s’en défende, affirmant que «(les Bongo) n’ont pas besoin de (lui) pour cela», le doute subsiste. D’autant que l’on apprend que les Tomi ont des entrées jusque dans les services spéciaux gabonais et singulièrement auprès de Frédéric Bongo qui, toujours selon lexpress.fr, aurait, en juin 2009, informé Jean-Baptiste Tomi d’une opération policière contre l’ancien nationaliste corse Alain Orsoni. On est en droit de se demander pourquoi ce haut responsable des services spéciaux gabonais, par ailleurs fils du défunt président de la République et frère de l’actuel, s’était-il autant avancé dans cette affaire qui, de prime abord, ne concerne nullement les Tomi. Et, au-delà de leurs origines corses communes, pourquoi avait-il établi un lien entre ces derniers et Alain Orsoni ?
Assurément, Ali Bongo et sa fratrie suivront de près les dépositions de Michel Tomi. Car, il semble évident que les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales et de l’Office central de répression de la grande délinquance financière chercheront à en savoir davantage sur l’origine de ses revenus, son train de vie et ses relations avec les présidents africains. Si jusqu’à présent, seul le malien Ibrahim Boubacar Keïta est cité, rien ne dit que l’enquête ne s’élargira pas ou que Michel Tomi ne balancera pas plus qu’on ne lui en demande, ne fut-ce que pour se venger de sa relative perte de terrain au Gabon. Pour l’heure, la Toile gabonaise s’enflamme et l’opinion attend…