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CEMAC: quête continue d’une position régionale commune pour les négociations sur les APE avec l’UE
Publié le jeudi 19 juin 2014   |  Xinhua


Pierre
© Autre presse par DR
Pierre Moussa, le Président de la Commission de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC)


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YAOUNDE - Fait nouveau et important, le Cameroun a décidé de prendre en charge le financement d’une étude sur l’impact fiscal net, une décision loin de régler tous les problèmes posés par l’accord de partenariat économique (APE) en négociation entre la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et l’Union européenne (UE), de l’avis d’expert.

En visite à Yaoundé, le président de la Commission de la CEMAC, Pierre Moussa, a salué mardi, en réponse à une question de Xinhua lors d’un échange avec la presse au sortir d’une rencontre avec le ministre camerounais de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Emmanuel Nganou Djoumessi, cet engagement jugé important du pouvoir camerounais "de financer un des aspects qui fait que les APE bloquent".

L’APE est un accord de libre-échange par lequel l’UE cherche à s’entendre avec les différents blocs régionaux du Groupe ACP ( Afrique, Caraïbes, pacifique) dont la CEMAC pour la garantie d’un accès réciproque sans droits de douane ni quotas des marchandises à leurs marchés respectifs, en remplacement d’accords précédents dont le dernier conclu en 2000 à Cotonou au Bénin qui offrait des préférences tarifaires à ces pays.

Une date butoir avait été fixée au 31 décembre 2007 pour faire aboutir ce processus. A cette date, le Cameroun s’était lancé dans une démarche solitaire pour parapher un APE intérimaire ou d’étape, signé par la suite en janvier 2009, dont la pleine application a cependant a été conditionnée par la signature d’un APE régional commun à l’ensemble des six pays de la CEMAC.

Cet accord camerounais visait surtout, selon l’argumentaire officiel, à protéger de la perspective de la levée des avantages accordés par l’Europe, des filières économiques dites stratégiques comme la banane, produite en partie par des entreprises à capitaux français installées sur le territoire national.

En revanche, le Gabon, le Congo et la Guinée équatoriale s’étaient montrés réticents à emboîter le pas à leur voisin dans une région qui a déjà la particularité d’avoir en son sein des pays moins avancés comme la République centrafricaine (RCA) autorisée à "vendre tout sauf les armes" sur le marché européen sans droits de douane ni quotas.

Ajoutées à une levée de boucliers manifestée par des organisations de la société civile, ces réticences justifiées par le risque d’accentuation de la fragilisation des économies de ces pays due, entre autres points effets, à la perte de recettes fiscales consécutive à l’ouverture du marché, ont entraîné les négociations entre la CEMAC et l’UE dans une longue impasse ponctuée de vaines tentatives de relance.

"Les APE créent une espèce de zone de libre-échange entre l’Europe et les pays africains, en l’occurrence ici. Cela peut se traduire par le fait que, au moins peut-être dans un premier temps, tous les pays qui ne sont pas encore aux normes perdent de l’argent, c’est-à-dire ont (...) des rentrées insuffisantes au niveau de leurs ressources douanières", a précisé Pierre Moussa.

"Comment compenser ça ? C’est la raison pour laquelle l’Union européenne et la configuration négociante d’Afrique centrale, ensemble nous avons convenu d’une étude sur l’impact fiscal net", a-t-il révélé, annonçant la tenue de réunions « de tous les ministres en charge des APE pour qu’on voie quels sont les défis, quels sont les enjeux et sur quelle base nous pouvons relancer les négociations".

Selon le président de la Commission de la CEMAC encore, "nous nous sommes retrouvés tout dernièrement à Kinshasa. Désormais, cette réunion a lieu mensuellement au niveau des experts, d’abord ici au Cameroun, ensuite au Congo. Ça a eu lieu au Congo. Bientôt, elle aura lieu au Gabon et ensuite ce sera un autre pays qui va prendre le relais."

Non contente des blocages dans les négociations à l’échelle régionale, l’UE a mis la pression sur le Cameroun pour tout faire pour sortie de l’impasse. Dans un premier temps, elle lui a fixé le délai du 31 décembre 2013 repoussé d’un an par la suite pour l’obliger à ratifier son APE intérimaire.

Parmi d’autres voix à se faire entendre, ces manoeuvres européennes sont par exemple décriées par l’ingénieur financier Babissakana opposé à un "accord de paille" entre un partenaire économiquement et techniquement très fort constitué de 28 pays et un autre très faible. "Ce déséquilibre au niveau des stades de développement est un des critères qui pousse à ne jamais aller à un accord de libre-échange. " Ce déséquilibre se traduit notamment par le fait que "quand vous comparez l’Europe et nous ici, nous on est spécialisé dans l’exportation des matières premières à 97%, certains même à 100% brutes, pendant que l’Europe c’est les produits transformés qui viennent ici".

Aussi y a-t-il lieu, estime l’expert, de tenir compte d’un autre aspect d’impact négatif qu’on appelle le détournement du commerce. "C’est-à-dire que si on signe un accord avec l’Europe, on va acheter en réalité des produits un peu plus chers auprès de l’Europe, alors qu’on devait les acheter beaucoup moins chers auprès d’autres partenaires internationaux."

"Cela peut avoir, explique-t-il, un impact extrêmement vaste parce que les partenaires nouveaux qui sont dans la dynamique de montée en puissance dans la nouvelle trajectoire de croissance mondiale, c’est avec eux que nous devons beaucoup plus développer nos relations. Donc, si on met un frein artificiel à ces relations- là, l’impact va être beaucoup plus important que le simple détournement du commerce. Et donc, il faut pouvoir évaluer ça."

"Dans cet accord, relève encore l’ingénieur financier, il y a article 7 qui concerne la coopération au financement du développement. Si vous lisez l’article-là dans son alinéa 3, les pays de l’Union européenne vont mobiliser les instruments de coopération qu’ils ont au service de l’accord de partenariat économique".

A ce titre, étaye-t-il, "par exemple pour tous les pays africains qui sont dans la zone Franc, la France va mobiliser ses accords de coopération monétaire pour permettre à ce que l’accord réussisse. Des accords eux-mêmes totalement en déphasage par rapport aux besoins de nos économies".

Babissakana mentionne aussi un lourd tribut à payer par les industries locales faibles face à la concurrence européenne faite de produits plus élaborés. "Ces unités industrielles nationales qui nécessitent un accompagnement dans le cadre de la politique industrielle du pays vont disparaître. Mais il n’y a pas d’étude technique crédible qui permet d’évaluer cet autre impact."

"Pour véritablement avoir un secteur industriel fort dans les années à venir, nous devons nous mettre à l’école de la concurrence, non pas sur la base des préférences tarifaires", préconise-t-il. Mais la concurrence suppose aussi d’avoir un système de régulation formel et efficace qui, malheureusement, fait défaut en Afrique centrale y compris au Cameroun, ce qui fait "les pratiques anti-concurrentielles, c’est-à-dire la contrebande et la contrefaçon, sont la règle".

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