Malgré les mises en garde et autres rappels historiques, le ministre de l’Intérieur est resté coi, vaquant à ses occupations. En dépit des propositions formulées par les forces sociales, il est demeuré droit dans ses bottes, faisant mine de ne rien entendre pour mieux étouffer le débat. Ni la demande de renouvellement du bureau du Centre gabonais des élections (CGE) ni les inquiétudes générées par la non-délivrance de la carte nationale d’identité ne l’ont poussé à s’exprimer. Même quand d’aucuns ont rappelé le caractère permanent de la liste électorale, il ne s’est pas senti dans l’obligation de répondre aux interrogations relatives à l’enrôlement. Comme si tout cela lui importait peu. A la surprise générale, Lambert-Noël Matha a finalement reçu les signataires du «Mémorandum pour une réforme du système électoral» le 05 septembre courant. Comment en est-on arrivé là ? Mystère et boule de gomme…
Aux patriotes, démocrates et républicains de tout bord, cette audience donne quelque raison d’espérer. Sans s’enthousiasmer, on peut quand même croire en l’amorce d’une discussion sur la transparence électorale. Même si le ministre de l’Intérieur s’est gardé de s’exprimer, Paulette Missambo a affirmé lui avoir rappelé les «délais constitutionnels», comme pour souligner la nécessité d’agir avec célérité. Quand bien même pas grand-chose n’a filtré, Lambert-Noël Matha ne pourra plus se cacher derrière la loi pour s’absoudre de toute responsabilité. En prenant langue avec les signataires du «Mémorandum pour une réforme du système électoral», il ne s’est pas livré à un banal exercice de courtoisie républicaine. Devant le peuple et pour l’histoire, il a pris connaissance des attentes de ses hôtes. Sauf à se moquer du qu’en dira-t-on, il doit maintenant formuler des solutions de compromis. Peu importe la manière, il doit y apporter des réponses.
Collusions institutionnelles
Pour autant, on ne va pas tirer des plans sur la comète. Aux dires de Paulette Missambo, Lambert-Noël Matha a «apprécié (le) travail (des partis de la PG41).» Mais, il n’a formellement pris aucun engagement. Comme si notre vie publique se résume à une partie de bonneteau, cette audience peut très bien rester sans suite. Tout comme, elle peut déboucher sur des bricolages juridiques à la marge, décidés de façon unilatérale. Ne s’étant pas épanché publiquement, le ministre de l’Intérieur est libre de retomber dans le mutisme ou de travailler en sourdine avec les seules forces de la majorité. Comme lors des élections couplées d’octobre 2018, il peut jouer à cache-cache et abattre ses propositions au dernier moment pour mieux surprendre le reste de la société. Eu égard à ce précédent et aux évidentes collusions institutionnelles, notre démocratie ne peut se satisfaire de l’attentisme. Elle doit se consolider dans la pleine et entière mobilisation de tous.
Depuis un peu plus de deux mois, nombre d’acteurs n’ont de cesse de décliner leurs propositions en vue des prochaines échéances électorales Normalement, ce bouillonnement intellectuel, ce foisonnement d’idées, doit contraindre le gouvernement à initier des réformes consensuelles. Sauf s’il ne voit aucun inconvénient à rejouer le vaudeville d’août 2016, marqué notamment par la prise en otage de la province du Haut-Ogooué, l’annulation fantaisiste de 21 bureaux de vote et surtout l’attaque du quartier général de Jean Ping. Au-delà des postures tactiques, l’exécutif doit se mettre au service de la nation, c’est-à-dire des citoyens de tous bords et de toutes les époques. Et cela passe par des mesures concrètes, entre autres la délivrance des cartes nationales d’identité, l’audit du fichier électoral, la reconnaissance légale de l’observation électorale et le renforcement de l’indépendance du CGE… Des préoccupations toujours plus actuelles, même au lendemain de cette audience du 05 septembre 2022.