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Suite aux révélations de l’opération Scorpion : Les uns sans les autres
Publié le samedi 20 aout 2022  |  Gabon Review
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© Agence Gabonaise de Presse par DR
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Quand les populations ont l’impression d’être grugées ou d’assister à une parodie de justice, la République et la démocratie sont menacées.

Durant les procès liés à l’opération Scorpion, le régime s’est involontairement dénudé. Concrètement, l’ancien administrateur-directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH, communément appelée Gabon oil company – Goc) a décrit un système gangrené par la corruption, où l’abus de pouvoir le dispute au trafic d’influence, l’opacité à l’irresponsabilité. Lui emboitant le pas, l’ancien porte-parole de la présidence de la République a dépeint un pouvoir évoluant aux confins de l’anomie, où règnent la loi du plus fort, les règlements de compte et la vengeance, où tout se fait à la tête du client et au gré des humeurs des plus puissants. Dans un registre différent, l’ancien directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie et de garantie sociale (Cnam-GS) a pointé le contournement des procédures, les violations de la loi, les montages institutionnels douteux et des allégeances peu conformes à l’idée de République.

A la tête du client

A travers ces révélations, toujours plus scandaleuses, l’entourage immédiat du président de la République a été mis en cause. Au nombre des personnalités citées, son épouse, par ailleurs présidente d’une fondation à vocation caritative, et son fils aîné, ci-devant coordonnateur général des Affaires présidentielles au moment des faits. A en croire Christian Patrichi Tanasa, Sylvia Bongo Ondimba et Noureddin Bongo Valentin auraient reçu beaucoup d’argent ou dans le cadre d’un mécénat supposé ou sous forme de primes décidées de façon discrétionnaire. Dans le premier cas, on parle de plusieurs centaines de millions de nos francs. Dans l’autre, on évoque une somme au-delà du milliard. Par-dessus tout, l’épouse du président de la République aurait joué un rôle prépondérant dans le choix du cabinet Africa Practice comme prestataire en communication. Autrement dit, les marchés publics sont attribués non pas conformément aux règles en la matière mais en fonction des accointances et amitiés de la parentèle d’Ali Bongo.

Volontairement ou non, Christian Patrichi Tanasa, Ike Ngouoni Aïla Oyouomi et Renaud Allogho Akoué ont déconstruit le discours officiel sur la bonne gouvernance. A en croire leurs dires, le contrôle des «voies de financement de certains organismes, notamment celle des associations et organisation non gouvernementales» ne s’applique pas à tout le monde. Adopté le 14 août 2020, le décret fixant «certaines modalités d’application de la loi n° 35/62 (…) relative aux associations» serait opposable à la tête du client. Ainsi, en dépit des révélations faites par d’anciens hauts cadres de l’administration, la justice a refusé d’entendre certaines personnalités. Or, quand les puissants se placent au-dessus de la loi, l’arbitraire n’est plus loin. La loi de jungle et le chaos aussi. En se gardant d’entendre l’ensemble des témoins ou personnalités nommément citées, la Cour criminelle spéciale a donné l’impression de protéger les uns pour mieux accabler les autres. En se gardant de tenir compte du contexte, elle s’est muée en instrument de règlement des comptes.

Isonomie : un principe intangible

Pourtant, la démocratie et la République reposent sur un principe à la fois simple et intangible : l’isonomie, c’est-à-dire l’égalité en droit. Quand elles ont l’impression d’être grugées ou d’assister à une parodie de justice, les populations ne peuvent souscrire à cette notion pourtant essentielle au fonctionnement de nos sociétés. Or, au risque de nuire au vivre-ensemble, la Cour criminelle spéciale leur a envoyé un message effrayant : les lois comme les procédures valent pour les uns et pas pour les autres. Ce système mise-t-il sur la docilité des institutions pour accorder des passe-droits et protections particulières à certains ? Ses méthodes n’en demeurent pas moins porteuses d’incertitudes et génératrices de frustrations. Parie-t-il sur l’inaction du plus grand nombre pour permettre aux mêmes de s’en mettre plein les poches ? Ses pratiques n’en restent pas moins attentatoires à la cohésion sociale. Fleurant bon le favoritisme, elles portent les germes de la déconstruction de la nation.

Les zélateurs du régime pourront toujours brandir la présomption d’innocence ou dénoncer des «allégations fallacieuses» et autres «accusations sans fondement.» Leur argumentation se fracassera forcément contre cette donnée objectivement vérifiable : la justice s’est gardée d’entendre l’ensemble des témoins et personnalités citées. S’il veut conjurer la défiance populaire vis-à-vis des institutions, le pouvoir doit se résoudre à traiter tout le monde de la même manière. A un an de la prochaine présidentielle, ce changement relève de l’ardente nécessité. Appelé à défendre son bilan, le président de la République ne peut plus se contenter de livrer certains de ses collaborateurs en sacrifice expiatoire. Il doit désormais apporter la preuve de son attachement à l’égalité de tous devant la loi. Autrement, il sera le seul et unique responsable, devant le peuple et devant l’histoire.
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