L’Université Omar Bongo, établissement autrefois fierté nationale et internationale, figure aujourd’hui parmi les derniers du continent et même de la sous région. Elle a ainsi perdu ses lettres de noblesse. Les nombreux nouveaux bacheliers produits depuis près de trois ans ne rêvent nullement de s’y inscrire. Les raisons de cette situation scabreuse sont d’ordre structurel, infrastructurel et financier.
L’origine fondamentale du problème de l’UOB réside dans le problème de son origine. En l’occurrence, sa création n’a jamais été pensée.
Sur le plan structurel et infrastructurel, par exemple, l’UOB a hérité du site d’un établissement dont les installations avaient été conçues pour une capacité d’accueil maximal de 5000 apprenants. Aujourd’hui, ce sont plus de 20.000 qui la fréquentent après avoir atteint un pic de 33.000 entre 2018 et 2020, au grand dam de l’observance de tous les ratios possibles (aspect, image, compensation…).
Les Autorités publiques ont, pour nous, fait le choix de la fuite en avant, de la terre brûlée, pour vouer aux gémonies l’Université qu’elles devraient porter. En lieu et place de l’augmentation des capacités d’accueil du campus, elles ont offert le ‘‘tape à l’œil’’ non pertinent des réhabilitations de l’existant. L’on dit que l’État gabonais aurait injecté depuis deux ans, 8.000.000.000 de Francs CFA dans ces réhabilitations. Aucun effet induit. Aucun profit. Nous pensons, modestement, que cet argent jeté par la fenêtre aurait probablement pu servir à construire une nouvelle université totalement équipée ou à sortir de terre de nouvelles salles de classe et amphithéâtres à l’UOB. La conséquence de cette fuite en avant ou cette politique de l’autruche est l’exportation massive de bacheliers vers des pays ayant ouvert des établissements supérieurs poubelles pour accueillir spécialement des étudiants gabonais.
Rendu à ce jour, il n’est donné que de constater que la mère des universités gabonaises ressemble encore et toujours à un champ de bataille, avec des bâtiments frappés de vétusté, des voiries délabrées, une bibliothèque étroite et sans ouvrage, des structures de recherche inopérantes, des installations sportives et culturelles recherchées… Une barrière poreuse aux multiples entrées dépourvues de portails qui donne lieu à une insécurité récurrente, marquée par de multiples actes de vandalisme et atteintes à l’intégrité physique des personnels (administratif, enseignant et étudiant). Pour la réhabilitation de ladite barrière, l’État, à travers l’entreprise adjudicataire, remplace du béton par des parpaings. Cela laisse présager une détérioration rapide à moyen terme. Et pour revenir sur la Bibliothèque Universitaire Centrale (BUC), alors que sa livraison après réhabilitation est attendue par toute la communauté universitaire, elle abrite, dans ses décombres, l’Université Numérique du Gabon, suscitant ainsi trois interrogations majeures. Premièrement, quel est le fondement juridique de cette université numérique ? En d’autres termes, quelle loi crée cette université à laquelle trois (3) postes budgétaires ont même été affectés ? Deuxièmement, quelle est la pertinence d’une université numérique publique lorsque la précarité numérique de l’ensemble des établissements publics en général et l’Université Omar Bongo en particulier n’est plus à démontrer ? Troisièmement, comment une université peut-elle en héberger une autre ? C’est donc l’occasion pour le SNEC de s’insurger contre cette violation flagrante de la loi en demandant à la tutelle de loger son anticonstitutionnelle université ailleurs qu’à l’UOB.
À la précarité structurelle et infrastructurelle qui vient d’être décrite, s’ajoute la précarité administrative. L’UOB, depuis plus de deux ans, fonctionne avec le seul Recteur intérimaire désigné par Arrêté du Ministre chargé de l’Enseignement supérieur. Vice-recteur qu’il était au moment de sa désignation, les deux postes de Vice Recteurs prévus sont à pourvoir ; l’autre Vice-recteur n’étant plus visible à son poste depuis lors. À cette vacance des deux Vice Recteurs, s’ajoutent nombre d’autres, dont celle du poste de secrétaire général adjoint de l’UOB, et de plusieurs directeurs (chefs) de département à la Faculté de Droit et Sciences Économiques et la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.
La précarité sociale n’est pas en reste. En effet, des étudiants accusant des retards de versement de leur bourse et réclamant de meilleures conditions d’études au personnel administratif non intégré à la fonction publique en passant par le personnel enseignant en perpétuelles revendications de recrutement, intégration, titularisation, reclassement et régularisation des situations administrative et financière, aucun acteur de l’UOB ne peut se targuer d’avoir une vie professionnelle accomplie et apaisée. D’où les grèves à répétition au sein de l’Institution, responsables du dérèglement calendaire.
La preuve de ce dérèglement calendaire est non seulement le chevauchement des années universitaires, mais aussi la diversité des calendriers aussi bien entre les deux Facultés de l’UOB, mais aussi au sein même de chacune d’entre elles, voire, au sein d’un même département. Actuellement, alors que nous sommes au mois de juillet 2022, certains départements n’ont pas encore lancé les activités pour le compte de l’année universitaire 2021-2022. La solution trouvée par la tutelle (un trompe-l’œil là aussi), c’est le « bricolage assumé » qui conduit même un nombre important d’étudiants à composer sans être inscrits, conséquence de la déjà citée précarité informatique et numérique de l’Institution. En effet, le logiciel « DUO » censé fluidifier la production des procès verbaux est moins une solution qu’un problème de plus.
Ainsi, les programmes sont-ils bâclés. Des enseignements de 3 heures réduits à 1 heure 30 minutes, la séminarisation des enseignements et les fascicules augmentés deviennent la panacée. Il n’est pas rare d’entendre de la part de certains responsables, que l’UOB n’a plus le monopole de la formation ; une pluralité d’établissements d’enseignement supérieur privé aux compétences douteuses ayant essaimé sur l’ensemble du territoire, tenu par on ne sait trop qui. Moralité, l’UOB n’est plus une préoccupation pour l’État. D’où sa précarité financière due à une autonomie de gestion limitée, la tutelle en étant le véritable administrateur de crédit. Elle gère un budget d’investissement limité qui n’est mis en place que tardivement. Le budget de fonctionnement, censé être géré par l’UOB elle-même, diminue inexorablement d’année en année alors que les effectifs augmentent.
Cela donne l’impression d’une mort programmée. Elle peut donc mourir de sa propre mort, subodore-t-on, toute la substance ayant été tirée depuis l’entame de la décennie 90. Un Bachelier qui s’y inscrirait en ce moment serait considéré comme un Damné de la terre. Il refuserait alors d’intégrer cet univers « dantesque ».
Face à cette précarisation, tous les acteurs de l’Université Omar Bongo ont mené une réflexion au cours des états généraux tenus fin 2021. Les solutions apportées sont consignées dans un rapport général actuellement aux mains des Autorités. La simple application des recommandations de ces états généraux contribuerait à redorer le blason de l’Alma Mater des universités gabonaises.