La Coupe d’Afrique des Nations féminine débute ce samedi au Maroc. Trois semaines durant, les douze meilleures équipes du continent vont croiser le fer pour la succession du Nigeria, tenant du titre et candidat à un nouveau sacre. Avec l’objectif d’atteindre les demi-finales, synonymes de qualification pour la Coupe du monde féminine 2023. Avant le coup d’envoi de cette treizième édition, entretien avec Hubert Artus, journaliste et auteur de « Girl Power – 150 ans de football au féminin » (éditions Calmann-Lévy).
Hubert Artus, vous évoquez dans votre livre la progression en cours du football féminin. L’Afrique est-elle en phase ou garde-t-elle un pied dedans, un pied dehors ?
La situation demeure très contrastée. Mais, un peu comme au Proche-Orient, le développement du football féminin est plus visible en Afrique car il y est plus accéléré. Cependant, sur ce continent partagé entre influences religieuses chrétienne et musulmane, les raisons du retard peuvent différer d’un pays ou d’une région à l’autre. L’Algérie, qui était alors un département français, avait vu le football féminin se développer sur son sol en même temps que dans l’Hexagone. La situation était différente au Maroc et en Tunisie.
Le Nigeria a remporté 10 des 12 Coupes d’Afrique des Nations féminines organisées jusqu’alors. Comment expliquer cette suprématie des Super Falcons ?
D’abord parce que le développement du football féminin y est ancien. Dans cette ancienne colonie britannique, le football est arrivé dès le début du vingtième siècle. On y voyait des femmes taper la balle dès les années trente. L’esprit foot y a ensuite survécu malgré le patriarcat musulman. Ensuite, les autorités ont favorisé le développement du football féminin. Dès les années 1990, la Fédération et le ministère des Sports ont mis sur pied une Coupe nationale et un championnat, pour pouvoir former une équipe nationale féminine. C’était l’objectif premier, afin de positionner le pays aux yeux des instances et montrer que les femmes n’étaient pas oubliées, au moment où les Super Eagles, l’équipe masculine nigériane, collectionnait les succès.
Les mentalités restent-elles un obstacle au développement du football féminin sur le continent ?
C’est à nuancer selon les pays. En Algérie, au Nigeria, il n’est plus nécessaire de convaincre du bienfondé du développement du football féminin. Au Niger, c’est encore le cas, au Soudan également… Dans les pays les plus pauvres, où le patriarcat est encore fort, il reste beaucoup de travail. Idem en Côte d’Ivoire ou au Mali. En Afrique du Sud, malgré les tragédies homophobes passées, les gens me semblent davantage prêts. La situation est donc contrastée. Et c’est pour cela que l’Afrique représente à mes yeux l’avenir du football féminin : la marge de progression y est la plus forte, couplée à une démographie toujours supérieure à celle des autres continents.
Vous soulignez dans votre ouvrage la féminisation croissante des instances en Afrique. Quel en a été le ressort ?
Cette féminisation des instances du football a été faite à la nordique, avec comme en Suède un féminisme basé sur l’intégration des zones de pouvoir. Ces dirigeantes ont œuvré pour l’équivalence des subventions, le développement des Académies et le soutien à la pratique. Je suis prêt à prendre le pari suivant : la première femme qui présidera la FIFA sera africaine. J’espère que l’on verra bientôt la Coupe du monde masculine revenir en Afrique. Or, donner des gages sur la féminisation du football sera l’un des critères d’attribution.
Le Maroc, qui organise cette treizième édition de la CAN féminine, est-il bien placé ?
Le Maroc, s’est déjà porté candidat à l’organisation du Mondial masculin 2026. Etant donné le soutien de la famille royale, qui a mis en place un plan Marshall pour le football féminin, cette organisation vise à affirmer leur capacité à organiser un événement mondial. Les pays du Proche-Orient rêvent d’organiser pour la première fois une Coupe du monde féminine. Avec cette CAN, le Maroc a une sacrée carte à jouer pour les doubler. C’est aussi une forme de pression. Il faut que cette CAN soit une belle compétition, qui donne confiance dans le foot féminin. Elle commence une semaine avant le championnat d’Europe, il s’agira donc de montrer que le niveau du football féminin africain n’a pas à rougir de la comparaison.... suite de l'article sur Autre presse