Il savait que son passé de leader étudiant et de militant de l’ex-plus grand parti de l’opposition puis d’ancien ministre lui conféraient une bonne connaissance de la jeunesse et du personnel politique. Le porte-parole de la présidence de la République en a joué pour faire son trou. Désormais, il apparaît comme l’une des éminences grises de la majorité. Entre coups de bluff et demi-vérités, flash-back sur une ascension fulgurante.
Il y a longtemps qu’on le présente comme un jeune homme ambitieux. Il y a des années qu’on le décrit comme «un jeune loup aux dents longues». Depuis son ralliement spectaculaire à la majorité puis son adhésion au PDG, d’aucuns avaient pronostiqué sa montée en puissance. Certains étaient même allés jusqu’à prédire qu’il deviendrait «l’éminence grise» du régime, son stratège et sa tête pensante. Ancien leader étudiant au passé controversé, ancien militant de seconde zone du RPG, Alain-Claude Billie By Nzé a quand même réussi à devenir porte-parole de la mairie de Libreville sous Paul Mba Abessole puis ministre de la République après le revirement de son mentor d’alors. Exclu du RPG pour soutien à la majorité, il se retrouve très vite secrétaire général du RDP avant de rejoindre l’actuelle majorité puis la présidence de la République avec la fonction de conseiller politique, porte-parole. De toute évidence, l’homme a toujours su retomber sur ses pieds.
Au lendemain de la signature du Pacte social par une pléiade de partis et personnalités à la représentativité pas toujours avérée et surtout après les nominations de Samuel Ngoua Ngou et Alexis Mengué m’Oyé à la présidence de la République, le rôle d’Alain-Claude Billie By Nzé est plus que jamais l’objet de toutes les supputations. Certains l’auraient aperçu dînant, il y a quelques semaines, dans un restaurant chic de la descente de Louis avec le tout nouveau directeur adjoint de cabinet 2 du président de la République. D’autres l’auraient vu à Port-Gentil, il y a moins d’un mois, en négociation avec Me Séraphin Ndaot Rembogho ou Léon Ababé. Il y en a qui auraient reçu, qui une visite, qui un coup de fil impromptus de sa part. Sa présence aurait même été signalée à Franceville, la semaine dernière, au cours d’une rencontre entre Ali Bongo et les cadres de la province du Haut-Ogooué. Plus que sa personnalité ou son parcours atypique c’est désormais sa place au sein du dispositif de la majorité qui est sujette à débats. Mais, comment a-t-il pu aussi rapidement faire son trou dans un univers qui lui était a priori inconnu voire hostile ?
Au moment de son ralliement à la majorité, Alain-Claude Billie By Nzé avait conscience qu’il arrivait dans un milieu où les initiatives individuelles sont proscrites, où l’on préfère attendre des instructions voire des injonctions, où l’on a appris à obéir et pas à décider. Surtout, il savait que bon nombre de cadres y font de la politique comme on fait de l’administration. Sachant que sa loquacité et son goût du débat contradictoire y étaient choses rares, il a très vite fait de se glisser dans la peau du porte-parole de la majorité ayant réponse et explication à tout, au risque de déverser des contre-vérités. Une fois nommé aux côtés d’Ali Bongo, il n’a fait que se servir de la nouvelle configuration, quelque peu hérétique, du poste de porte-parole de la présidence de la République pour apparaître comme l’un des plus fins connaisseurs du Plan stratégique Gabon émergent voire l’un des meilleurs exégètes de la pensée présidentielle.
Fayman, mystificateur
Le passé de leader étudiant et de militant bûcheron d’Alain-Claude Billie By Nzé auront, à l’évidence, été ses atouts-maîtres dans sa montée en puissance. Convaincu qu’Ali Bongo est sinon atteint de jeunisme du moins partisan d’un rajeunissement à tout crin de la classe politique, il a tôt fait de ressasser ses alliances et amitiés de l’époque où il dirigeait le Syndicat des étudiants du Gabon (SEG) pour prouver qu’il avait de la ressource et pouvait servir à cette fin. Sachant qu’Ali Bongo chercherait, tôt ou tard, à élargir sa base sociologique, il n’a eu de cesse de montrer qu’il avait gardé des contacts avec ses anciens amis, que ce soient ceux qui sont restés fidèles à Paul Mba Abessole ou ceux qui ont, depuis, rejoint les rangs de l’Union Nationale. Pour ainsi dire, il a laissé s’insinuer l’idée qu’il pouvait contribuer à siphonner ce qui reste du RPG ou à procéder à des débauchages ciblés au sein de l’opposition actuelle. Que les résultats aient jusque-là été à la hauteur des attentes ou pas, son bagout, son tempérament fonceur ont fait le reste. «Alain-Claude est un fayman, un mystificateur qui fait croire à ses nouveaux amis qu’il peut rabattre du monde», analyse un de ses anciens compères des jeunesses bûcheronnes, qui ajoute : «Il veut refaire auprès d’Ali ce qu’il a vu Pierre (ndlr. Amoughé-Mba) faire avec Mba Abessole». Et de conclure : «Vu qu’à la différence de Pierre, il dispose des moyens de l’Etat, les émergents ne verront que du feu avec lui».
Effectivement, plus aucune initiative politique de la majorité ne semble se faire en dehors de lui. Prématurément annoncé comme potentiel secrétaire général du PDG à l’issue du dernier congrès, il a tout de même été au four et au moulin durant la phase d’organisation. Si on ne l’a pas vu derrière les «Assises sociales», sa patte est tout de même remarquée dans le reprofilage en cours de la majorité. On l’a également vu tenter une médiation entre le Gabon et Transparency International en vue d’un retour de notre pays dans l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). «Alain-Claude joue toujours sur les supposés acquis de son passé», explique un éminent membre de la société civile, qui précise : «Vu qu’au Gabon ITIE est perçue comme l’affaire de Marc Ona et que ce dernier fut un de ses compagnons de lutte, il peut facilement laisser croire avoir quelques entrées de ce côté-là aussi». Accusé de «traitrise» et de «félonie» par l’opposition, d’«arrivisme » et d’«imposture» par les militants PDG, Alain-Claude Billie By Nzé trace sa route. Jusqu’où ? Jusqu’à quand ?