Le sélectionneur national est très mécontent de la manière dont les Panthères sont gérées. Il y a eu d'abord les déboires de Banjul (Gambie). Puis, Dubaï (Émirats arabes unis), Yaoundé (Cameroun), Barcelone (Espagne) et Kinshasa (RD Congo). À chaque fois, la gestion de notre sélection a été catastrophique. La pilule étant difficile à avaler, Patrice Neveu, pour la première fois sort de sa réserve pour dénoncer une situation, semble-t-il, entretenue par des braconniers tapis dans l'ombre. Et "si rien n'est fait, le risque est grand de voir la sélection nationale s'effondrer", prévient-il dans un entretien exclusif à L'Union au cours duquel il est également revenu sur le coaching qu'il a opéré à distance, depuis Paris, lors du match RD Congo-Gabon. Lecture.
L'Union : Patrice Neveu, vous avez passé deux semaines difficiles avant et pendant les deux rencontres livrées par le Gabon face à la RDC et la Mauritanie. Un commentaire ?
Patrice Neveu : Oui ! Deux semaines extrêmement difficiles. Une désorganisation permanente. Une organisation chaotique. Voilà à quoi se résument les deux semaines auxquelles vous faites allusion. Je n'ai fait que boucher les trous et colmater les brèches. Ce qui n'est pas de mon ressort. Nous avons perdu de l'énergie, du temps avec toutes ces histoires d'avion, d'équipements, d'intendance… Trop c'est trop ! Ces affaires ont diminué les potentialités de mon équipe. On aurait même pu n'avoir aucun point à l'issue des deux matchs. Mais mes garçons ont été solidaires. J'en appelle à la responsabilité de chacun. Que chacun joue sa partition. Il faut immédiatement mettre un terme à cet amateurisme.
En 35 ans de métier, avez-vous déjà vécu ce type de situations ?
En 35 ans de métier, c'est la première fois que mon équipe joue sans moi. Que je ne me déplace pas avec mes joueurs pour une raison qui ne dépend pas de moi. Il n'y a eu que des erreurs. C'en est trop ! Mes tutelles, Fégafoot et ministère des Sports, doivent se retrouver en vue de recadrer les choses. La polémique ne sert à rien. Nous devons nous unir pour une même cause qui est de nous qualifier pour la prochaine Can en faisant correctement les choses.
Certains compatriotes disent que vous êtes en partie responsable de cette situation du fait d'avoir effectué votre préparation en France et non au Gabon comme d'habitude.
C'est faux ! J'ai soumis à ma fédération un programme de travail qui prenait en compte la situation de chacun de mes joueurs. Cela a été accepté. Mes joueurs avaient chacun un calendrier de fin de saison différent. Au Gabon, il m'était difficile de tous les avoir au même moment. C'est la mauvaise organisation qui est à l'origine de cette situation. Et non Patrice Neveu. Bien au contraire, c'est le stage de Chantilly qui a permis à l'équipe de tenir physiquement au Congo et au Gabon. Qui vous dit que si la préparation avait été faite à Bongoville, nous n'aurions pas eu de problèmes ? L'équipe a bien travaillé en France. Et malgré les 7 heures de vol Paris-Kin, mes joueurs n'étaient pas cramés. C'est le travail de Chantilly. Avec tout ce désordre dans la tanière, nous ne faisons que perdre des joueurs. Or, j'en ai besoin en ce moment.
Selon vous, qui est à l'origine de cette pagaille ?
Sachez tout simplement qu'il y a des "polémiqueurs" et des braconniers qui feront tout pour mettre encore la pagaille dans la tanière. Une pagaille organisée et entretenue. Moi je ne suis pas un policier. Les responsables fédéraux et ministériels savent qui fait quoi et qui est responsable de quoi.
Revenons sur les deux rencontres du Gabon. Notamment celle face aux Léopards de RD Congo. Pourquoi n’êtes-vous pas allé à Kinshasa ? Il se dit que vous avez volontairement refusé d’y aller de peur de perdre la rencontre avec une équipe diminuée des Panthères.
Je suis un capitaine de navire et je n’abandonne pas en mer mon équipage. 17 joueurs ont trouvé une place dans l’avion et le reste en rade. Je ne pouvais pas abandonner le reste des joueurs en Espagne. Impossible ! J’ai donc dit à mon adjoint d’accompagner l’équipe en attendant mes instructions sur le match. Où se trouve la peur ?
Il se dit que c’est vous qui avez coaché à distance le match face au Congo. Comment avez-vous fait ?
Quand j’ai su que je n’allais pas être du voyage de Kinshasa, j’ai donné des consignes à Yala. Notamment le onze de départ avec Ngakoutou sur la liste. Ce dernier ayant eu un problème à l’aéroport, il a donc été remplacé par un autre joueur. Pendant le match, toutes les consignes ont été données à Ecuele via le téléphone afin qu’il les transmette en temps réel au coach Anicet Yala. Ce qui a été fait.
Vous n’avez jamais gagné en match officiel à l’extérieur. Ce qui est le cas avec Anicet Yala. Êtes-vous gêné par la victoire de votre adjoint ?
Absolument pas ! C’est la victoire de l’équipe, du groupe. Donc c’est aussi la mienne. Je vois déjà les gens en train de polémiquer en parlant de préférence nationale. C’est bien ! Mais où étaient ces Gabonais quand les Panthères ont été éliminées par les modestes Hirondelles du Burundi ?
Face à la Mauritanie à Franceville, vous avez remanié l’équipe de Kin. Pourquoi ?
Comment ne pas faire jouer Boupendza, Bouanga, Palun et Obiang dans l’équipe du Gabon ? S’agissant de Babicka, il a joué infiltré en RD Congo. Ses responsables à Chypre m’ont demandé après le match du Congo de le renvoyer afin qu’il soit traité en Italie. Oyono est venu me dire qu’il était cramé. Fallait-il les faire jouer ?
En septembre, il y a le Soudan. Deux rencontres capitales.
Il faut pour ces deux matchs une collaboration de tous. Sans cela, je crains qu’on se retrouve avec les mêmes problèmes. Comme ce fut le cas en Gambie, au Cameroun, en RD Congo… Il faut repenser l’organisation des Panthères au risque de risquer gros. On ne peut toujours pas improviser chaque jour et avoir des résultats. Un jour cela s’arrête. Et si rien n’est fait, le risque est grand de voir la sélection nationale s’effondrer. Si on n’arrête pas avec tout ce désordre et cette pagaille, on sera puni.
Le mot de fin
En 35 ans de métier, je n’ai jamais vu autant de ferveur autour d’une équipe nationale comme celle qui existe ici au Gabon. C’est incroyable ! Les Panthères sont un patrimoine national. C’est donc un bien commun qu’il faut protéger. Et notre président, Ali Bongo Ondimba, a clairement fixé le cap à Franceville lors de l’audience accordée à l’équipe nationale.