L’affaire concernant l’assassinat, le 20 janvier 2013 près de Ndjolé, du transporteur camerounais Amadou Yogno, présenté au début comme un crime rituel, vient de trouver son épilogue à l’issue de la session criminelle foraine tenue le mardi 10 juin 2014 à Lambaréné. Jolvy Sembé Hindzé, 21 ans, présenté comme l’assassin a écopé, seul, d’une peine de 22 ans de prison.
Le temps a passé, les mémoires vives se sont engourdies au sujet de cette affaire de crime qui a choqué le Gabon et même le continent entier. Tant de bruit a été fait autour de cette affaire qui a défrayé la chronique pendant de longs mois. Des versions ont été livrées à la presse, des noms cités, des personnalités auditionnées, d’autres ont été placées en prison en attendant le jugement avant d’être libérées, des millions de francs CFA ont été distribués, autant à certains médias pour acheter leur silence que chez les hommes de loi pour qu’ils acceptent (de brouiller les pistes ?).
En réalité, Dieu seul sait ce qui s’est passé pour que ce jour l’on arracha la vie à cet époux de deux femmes et père de 17 enfants. Ce qui est sûr, c’est qu’au final, ce meurtre a été classé dans le registre des crimes crapuleux. Et l’on estime qu’il est question d’un larcin qui a tourné au drame.
Le mardi 10 juin 2014 restera ainsi gravé dans la mémoire collective. Si le ministère public avait requis contre Jolvy Sembé Hindzé une peine maximale de la réclusion criminelle à perpétuité, l’on retiendra qu’au final, la Cour d’appel judiciaire de Libreville, conduite par Edouard Ongandaga, l’a reconnu, seul coupable, d’assassinat sur la personne d’Amadou Yogno et l’a condamné à 22 ans de réclusion criminelle. Et pourtant, on se demande toujours si ce «freluquet de 20 ans pouvait parvenir tout seul à terrasser aussi facilement ce géant de plus de 100 kilogrammes».
Pour en arriver là, devant le gouverneur de la province du Moyen-Ogooué, Léonard-Didérot Kébila Moutsinga, le prévenu a fini par expliquer qu’il est l’assassin de sieur Yogno, en lui ayant tendu un guet-apens au préalable. Cependant, il a quelque fois essayé d’expliquer qu’il n’a pas commis tout seul la sale besogne, en vain. Il a également affirmé que «ce sont les OPJ, ainsi que le procureur de Lambaréné» qui lui ont demandé de citer les personnes ayant été arrêtées dans le cadre de l’enquête sur ce crime. «Mais dans quel but ?» pourrait se demander toute personne sensée.
Présenté comme un enfant ayant eu une enfance difficile, l’on notera également, au regard des échanges entre la Cour et l’accusé que Jolvy Sembé Hindzé aspirait plus que tout à la fortune. Et l’on explique qu’il frappait à toutes les portes pour disposer des moyens qui classent un homme dans la catégorie des riches. Toute chose tendant à justifier qu’il ait commis ce meurtre pour éponger une promesse faite à sa belle-mère.
Flashback sur les faits
Sieur Amadou vaquait tranquillement à ses occupations. Transporteur de son état, il desservait régulièrement la ligne Libreville-Lambaréné. Vieux routier, il pensait être vigilant et à même de détecter le moindre signe d’une affaire louche. Il se trompait.
Le routier a été contacté par ce jeune-homme, originaire de la ville de Bitam, qui lui a proposé la location de sa voiture avec lui-même comme chauffeur, en échange d’une somme de 500.000 francs CFA. Ce contrat devait le conduire à Ndjolé où il devait aider le jeune-homme à faire des courses pour un mariage. Il a donc passé un coup de fil à son épouse pour lui annoncer son départ pour cette ville, précisant qu’il sera de retour dans deux jours.
Le jour du retour de Ndjolé, le jeune loueur de sa voiture lui propose de l’accompagner à une quinzaine de kilomètres après Ndjolé pour une autre course urgente. Ayant été mis en confiance depuis le premier jour, il ne se doutait de rien. Là encore, il a passé un autre coup de fil à son épouse pour lui dire qu’il quittait cette ville pour une autre mission. Quelque part, à quinze kilomètres après Ndjolé sur la route menant vers le Woleu-Ntem, le jeune homme a demandé de s’arrêter pour un besoin urinaire. Or, derrière une vielle tractopelle abandonnée depuis des lustres, un groupe de personnes tapies attendait. Mettant à exécution leur guet-apens, elles ont extrait Amadou de son véhicule en le brutalisant. Une bagarre a éclaté. Voyant que le chauffeur prenait presque le dessus sur eux, une jante de voiture lui a été assénée sur la nuque ce qui a entrainé sa chute. Bien ligoté, il a été mis à genou. Comprenant à quel sort il était voué, il a supplié ses agresseurs précisant qu’il avait 17 enfants. Il leur a proposé, dans les larmes et les supplications, de prendre son véhicule et les 50.000 francs CFA qu’il avait également sur lui. C’était peine perdue. Sa sentence avait été prononcée.
On n’ira pas plus loin dans l’histoire, mai telle est la version qui a couru durant tout le temps qu’aura duré l’instruction de ce dossier. Ce qui reste certain, c’est qu’il s’agit ici de la première version de cette affaire. Celle livrée par le jeune Jolvy Sembé Hindzé aux frères et amis du ressortissant camerounais lorsqu’accompagnés des policiers, ils lui avaient mis la main dessus. Et en échange de la liberté totale qui lui avait été promise, il avait «tout expliqué» avant d’être conduit à la police.
Au-delà de tout ce qui a été dit, de tous les micmacs autour de cette affaire, il est clair que la Justice a rendu son verdict. Mais le commun des mortels garde à l’esprit que de nombreuses zones d’ombre continuent d’entacher le résultat auquel la justice a abouti.