Le Parti démocratique gabonais (PDG) a prononcé une «interdiction formelle de tout appel à la candidature (…) d’Ali Bongo». Mais son secrétaire général a éludé de nombreuses questions, s’emmêlant les pinceaux.
Depuis toujours, le Parti démocratique gabonais (PDG) a incité ses militants à appeler à la candidature de son champion. Durant les derniers mois, ses fédérations ont rivalisé de formules ampoulées pour inviter Ali Bongo à briguer un troisième mandat. Curieusement, depuis le 11 mai courant, les initiatives de cette nature sont proscrites. Comme s’il avait subitement pris conscience de l’inanité de tout cela, le secrétaire général du PDG a mis en garde ses coreligionnaires contre la tentation «de formuler à titre individuel ou sous le sceau d’une association, des appels à la candidature du Distingué camarade président.» Comme s’il en mesurait enfin les effets pervers, il a demandé aux siens de ne pas «semer le trouble et la confusion dans l’opinion», leur recommandant de rester «concentrés sur l’exécution de la feuille de route».
Esprit de cour
Eludant de nombreuses questions, Steeve Nzegho Dieko a engagé la responsabilité des «organes habilitées.» Sur quels fondements ? Les «dispositions pertinentes de (leur) règlement intérieur (…) et de (leur) charte des valeurs» ? Quelle marge de manœuvre offrent-ils aux autres instances, Ali Bongo étant statutairement «candidat naturel» ? Les «conditions nécessaires à la désignation du candidat naturel» ? Quelle portée politique revêtent-elles, le résultat étant connue d’avance ? La nécessité de se préparer dans la «sérénité», la «clairvoyance» et la «minutie» ? En quoi fait-elle du secrétariat exécutif un élément déterminant, la conception et la publication du chronogramme relevant de la responsabilité du seul Ali Bongo ? De même, l’on se demande en vertu de quelles dispositions juridiques, le secrétaire général d’un parti peut-il s’immiscer dans les activités de personnes morales jouissant de leurs droits.
Enferré dans ses contradictions, le PDG s’emmêle les pinceaux. Privilégiant les intérêts personnels, il a favorisé la naissance puis l’instauration d’un esprit de cour. Ayant œuvré à la concentration de l’ensemble des pouvoirs entre les mains de son président, il a facilité la montée du culte de la personnalité, vidant ses autres instances de toute substance. Or, pour parler de discipline, il faut appliquer la loi et se l’appliquer à soi-même. Pour faire régner l’ordre, il faut faire montre d’un attachement aux bonnes mœurs. Sur ces deux points, l’ex-parti unique n’a jamais été exemplaire. Bien au contraire. Comme on l’a vu avec le cas Ali Akbar Onanga Y’Obégué, les choses peuvent aller d’une extrémité à une autre. Au gré des accointances, on peut tout se permettre ou être sanctionné à la moindre incartade. Comme en témoignent les incessants va-et-vient, l’éthique y est généralement sacrifiée sur l’autel de la politique politicienne ou des questions identitaires.
Dissonance ou dysfonctionnement ?
Le secrétaire général du PDG a brandi la menace de «sanctions disciplinaires, (conformes) aux dispositions des (…) statuts (et) du règlement intérieur.» A priori, son oukase s’adresse aux militants de son parti. Du coup, l’on se demande si elle est opposable aux associations, sympathisants et autres personnalités gravitant autour du «Distingué camarade président». N’eût-il pas été plus judicieux de communiquer en direction des organes de base ? Fallait-il pondre une note sans en circonscrire la cible ? Si une organisation légalement reconnue, un intime ou un membre de la parentèle d’Ali Bongo appelait à la candidature de ce dernier, Steeve Nzegho Diéko aurait-il les moyens et l’autorité nécessaires pour sévir ? On peut en douter. On peut même se demander si une telle éventualité ne lui serait pas fatale ou si elle ne renverrait pas du PDG l’image d’un parti à la fois velléitaire et otage d’un clan.
Pour l’heure, le secrétaire général du PDG a prononcé une «interdiction formelle de tout appel à la candidature (…) d’Ali Bongo (…) en dehors (de son) parti», s’élevant contre «toute tentation et tentative de dérogation à cette mesure», y compris de la part de personnes non-encartées. En dépit de son ton comminatoire, cette décision a tout d’une vaine rodomontade. En tout cas, elle y ressemble étrangement. Sauf à confondre militantisme et sympathie, Steeve Nzegho Diéko ne peut intimer à un sympathisant l’ordre de se soumettre à une discipline de parti. A moins d’assimiler toutes les associations à des organismes spécialisés du PDG, il ne peut prétendre les mettre au pas. Sauf s’il a agi avec sa bénédiction, il ne peut dénier aux parents, amis et connaissances d’Ali Bongo le droit de lui conseiller une voie. Or, la dernière sortie publique de ce dernier indique autre chose. Dissonance ou preuve supplémentaire de dysfonctionnement ? Les deux hypothèses semblent se tenir.