À travers leur proposition, Les Démocrates (LD), le Rassemblement pour le Gabon (RPG), le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), le Rassemblement des patriotes républicains (RPR) et l’Union nationale (UN) veulent aller au-delà des réformes consécutives aux Accords de Paris et au Dialogue d’Angondjé.
«Chiche», auraient pu dire les leaders de Les Démocrates (LD), du Rassemblement pour le Gabon (RPG), du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), du Rassemblement des patriotes républicains (RPR) et de l’Union nationale (UN). Comme l’a reconnu leur porte-parole de circonstance, leur proposition de réforme du système électoral fait écho aux propos de la présidente de la Cour constitutionnelle. «Souvent les citoyens ainsi que les acteurs politiques attendent la dernière minute pour réfléchir à la question électorale», regrettait Marie-Madeleine Mborantsuo en février dernier. «C’est ce système électoral volontairement biaisé qui constitue la principale entrave à l’alternance», a rétorqué Paulette Missambo, le 27 avril courant, précisant : «Nous pensons aussi bien au Code électoral, qu’à la loi spéciale sur l’élection du président de la République, aux différents décrets ou institutions et instances.»
Questions taboues
En se prononçant pour le «transfert de toutes les compétences en matière électorale au Centre gabonais des élections (CGE)», la reconnaissance de l’observation électorale internationale, l’instauration du bulletin unique et l’exclusion des magistrats du processus, les partis politiques de l’opposition n’ont pas seulement indiqué avoir tiré les leçons de la dernière présidentielle. Ils ont également fait part de leur ambition de contribuer au «renouveau démocratique.» De leur point de vue, il s’agit non pas seulement d’en finir avec les violences post-électorales, mais aussi de «donner à notre société une chance de se ressouder» et d’«offrir à notre pays l’opportunité de se reconstruire» et, de «permettre à chacun de se réaliser selon son talent.» Autrement dit, ils espèrent aller au-delà des objectifs poursuivis par les réformes consécutives aux Accords de Paris et au Dialogue politique d’Angondjé. D’où leur appel à l’«élaboration d’un processus clair de confrontation des procès-verbaux», à la révision de la loi sur les réunions publiques et, last but not least, à l’encadrement du rôle de l’armée en période électorale.
En évoquant le contentieux post-électoral, en s’interrogeant sur les missions de la grande muette, l’opposition s’est attaquée à des questions quelque peu taboues. Subtilement, elle a fait d’une pierre, deux coups : tout en prenant date, elle a mis l’ensemble des institutions face à leurs responsabilités. Sera-t-elle entendue ? On ne saurait trancher. N’empêche, la Cour constitutionnelle ne pourra plus s’exonérer de toute responsabilité. Si elle veut restaurer la confiance, elle devra garantir la sécurité juridique des potentiels requérants. Si elle ne veut plus être soupçonnée de parti-pris, elle devra adapter sa loi organique et son règlement de procédure. La même remarque vaut pour l’armée, invitée à réfléchir à une conception plus démocratique du maintien de l’ordre. Autrement, elle sera toujours accusée d’agir comme une garde prétorienne, au service non pas de la République mais d’un camp politique voire d’un clan.
Responsabilité individuelle
La réforme proposée par l’opposition va bien au-delà du cadre juridique et institutionnel des élections. Elle touche à des questions régaliennes. L’indépendance de la Cour constitutionnelle ? Elle passe par la reconnaissance d’un principe simple : sous aucun prétexte, la juridiction constitutionnelle ne doit se substituer au législateur, refuser d’appliquer la loi ou se donner un pouvoir d’interprétation extensible à souhait. L’organisation et le fonctionnement des forces de défense et de sécurité ? Sur cet aspect, tant de choses ont été dites, notamment à propos du statut de la Garde républicaine ou des missions de la Police judiciaire. La crédibilité des magistrats ? Au vu de leur implication dans les différents vaudevilles électoraux, il faudrait songer à engager leur responsabilité individuelle, pénale et civile, en cas de fraude dûment constatée. Une telle disposition pourrait aussi s’appliquer aux présidents du CGE et de ses démembrements. C’est dire si cette réforme peut remettre en cause bien des certitudes ou positions établies.
Conscients du rôle de la Cour constitutionnelle dans l’administration des élections et de son poids dans la vie publique, l’opposition a pris sa présidente au mot. Reste maintenant à voir quel accueil sera réservé aux propositions énoncées par Paulette Missambo. De prime abord, l’ensemble de la classe politique peut y trouver son compte. Mais, nul n’imagine le gouvernement porter une réforme susceptible de compromettre l’hégémonie du Parti démocratique gabonais (PDG). Dès lors, on peut s’attendre à une querelle sans fin. On ne passe pas du jour au lendemain d’une pratique politique peu vertueuse, fondée sur la fraude et le fait majoritaire, à une culture de la participation voire de la co-production législative. L’opposition doit se le tenir pour dit.