Avant d’inviter une personnalité à se positionner, il faut avoir une idée claire de ses capacités physiques et cognitives.
Comme souvent, le Parti démocratique gabonais (PDG) se donne en spectacle. Comme dans une course à l’échalote, ses fédérations n’en finissent plus d’appeler à une nouvelle candidature du président de la République, suscitant des sentiments contrastés, mélanges de raillerie, tristesse, pitié et colère. Comme l’assène Télesphore Obame Ngomo, «la sorcellerie politique (…) c’est demander à Ali Bongo de solliciter un troisième mandat (…) (sans tenir compte de) son état de santé fragilisé et (..) (de) l’état catastrophique dans lequel est plongé le pays.» «Il est inconcevable que certains entendent faire croire qu’(…) on ne peut trouver un Gabonais au parcours élogieux et au bilan professionnel honorable capable de relever ce pays martyrisé par des gens irresponsables», ajoute-t-il. Personnalité bien connue, aux positions tranchées et tout aussi notoires, notre confrère ne tire pas de telles conclusions par volonté de servir les intérêts de l’opposition. Il le fait par souci d’alerter les militants PDG sur les périls induits par leurs manigances politiciennes.
Entre effroi et émoi
Une éventuelle candidature d’Ali Bongo ? Par réflexe partisan ou calcul personnel, chacun peut gloser sur la question. Mais nul ne peut nier la légitimité des doutes sur les capacités physiques et cognitives du concerné. Entre effroi et émoi, le 12 novembre 2021, les Gabonais ont découvert un Ali Bongo claudiquant, gravissant péniblement le perron de l’Elysée. N’eut-été l’agilité de son hôte, Emmanuel Macron, tout pouvait se produire. A Bruxelles, le 17 février dernier, des images similaires furent présentées au monde entier. Invité à se prononcer sur les relations entre l’Europe et l’Afrique, le président de la République paru bien à la peine, se contentant d’un laconique et peu audible : «Tout à l’heure. Je vais vous dire.» C’est dire si l’homme n’est pas dans une forme olympique. C’est aussi dire si les citoyens ont des raisons de douter de sa capacité à s’acquitter des charges inhérentes à sa fonction.
Les sectateurs du PDG invoqueront la compassion due aux malades. Ils vanteront une «exceptionnelle capacité de récupération et de résilience.» A l’appui de leurs propos, ils reviendront sur sa sortie publique du 12 mars dernier. A moins de méconnaître la sensibilité de la fonction de président de la République, on ne peut se satisfaire de ces actes de témoignage. Sauf à la tenir pour un travail à temps partiel, on ne peut minimiser ces doutes. Au plus fort des ennuis de santé d’Ali Bongo, la Cour constitutionnelle avait prétendu avoir décelé une «lacune» dans le libellé de l’article 13 de la Constitution afin d’ouvrir la voie à la suppléance. Renouvellera-t-elle de telles contorsions juridiques quand elle devra valider les candidatures à la présidentielle ? Ou choisira-t-elle d’exempter l’ensemble des candidats du bilan de santé ?
Exiger une expertise médicale
Avant d’inviter une personnalité à se positionner, il faut s’assurer de sa capacité à se mettre au service de la collectivité à toute heure, de jour comme de nuit, tout au long de son mandat. De ce point de vue, les appels à candidature de ces derniers jours relèvent ou du cynisme politicien ou d’une irresponsabilité préjudiciable à la République. S’ils œuvraient au triomphe des intérêts de la nation, les militants PDG auraient été les premiers à exiger une expertise médicale sur la personne de leur «champion». A minima, ils auraient milité pour la révision des statuts de leur parti afin de déverrouiller la question de la candidature. N’ayant songé ni à l’une ni à l’autre de ces options, ils se sont condamnés à se soumettre à la seule volonté du «Distingué camarade président (DCP)», vidant leurs appels de tout sens.
Confronté à des épreuves diverses, l’Union Nationale (UN) a su trouver les ressources pour les aborder avec plus ou moins de réussite. Pourquoi le PDG en serait-il incapable ? Pourquoi doit-il toujours prendre des libertés avec la réalité et les lois ? En raison de sa position de parti au pouvoir ou de son passé de parti-Etat ? Fussent-elles non écrites, rien ne l’exonère du respect des règles. Encore moins de la nécessaire lucidité. Bien au contraire. Il a un devoir d’exemplarité. Autrement dit, il doit sortir de la méthode Coué pour regarder la réalité en face. Or, cette réalité est connue de tous : depuis octobre 2018, Ali Bongo est miné par de graves ennuis de santé. Faut-il continuer à le nier ou lui offrir la possibilité de faire face à cette épreuve ?