Lors d’enchères tenues ce samedi 26 mars à l’hôtel des ventes de Montpellier (France), un ancien masque Fang a été adjugé pour la somme de 4,2 millions € (5,25 millions € avec les frais) à un acheteur non identifié. Extrêmement rare (seulement 10 exemplaires dans le monde selon les experts), la relique datant de la fin du 19ème siècle appartenait à la société secrète Ngil, et servait à des rituels justiciers. Cette vente souligne le deux poids deux mesures qui prévaut en matière de « Biens mal acquis » entre la France et le Gabon.
L’œuvre a été acquise vers 1918 et dans des circonstances inconnues par le gouverneur René-Victor Edward Maurice Fournier officiant à Dakar. Le fonctionnaire colonial l’a ramenée en France dans les année 20, ou plus d’un siècle après, elle a été retrouvée dans le grenier de sa demeure par sa famille. Initialement estimée à 400 000 € maximum, elle a donc largement dépassé les prévisions puisqu’elle a été adjugée à 4,2 millions d’euros.
Cette vente a suscité des protestations de la part de quelques Gabonais présents dans la salle. Surtout, et plus largement, elle a provoqué une vive indignation dans le pays.
L’accaparement par les pays européens des biens culturels appartenant aux pays africains fait l’objet de vifs débats. Certaines anciennes puissances coloniales comme la France et la Belgique ont consenti quelques restitutions, comme récemment celle des trésors royaux de l’ancien royaume du Dahomey, aujourd’hui République du Bénin.
Mais globalement, quantité d’objets culturels précieux pillés durant cette période se trouvent encore dans les musées européens et américains. Les demandes se multiplient du côté africain pour les récupérer.
En marge du Salon international du livre débuté jeudi 24 mars à Alger, un forum sur la restitution des œuvres d’art africaines a préconisé une démarche mutualisée des pays concernés. Il a aussi soulevé la nécessité de doter lesdits pays des infrastructures et des compétences nécessaires pour la conservation et la mise en valeur de ces pièces d’une valeur historique, culturelle et parfois financière inestimable.
Au Gabon, la problématique des œuvres d’art spoliées du temps des colonies fait d’autant plus débat qu’elle révèle en creux un deux poids deux mesures en matière de « Biens mal acquis ». Autant la Justice française fait preuve d’une rare promptitude lorsqu’il s’agit de s’intéresser à des biens acquis par des Gabonais dans des circonstances qui restent à déterminer (lire notre article), autant elle fait montre d’une totale inaction dès lors qu’il s’agit de biens gabonais qui ont à l’évidence vocation à être restitués au Gabon. C’est ce que l’on peut appeler le scandale des « Biens mal acquis coloniaux ».