Des pans entiers de postes ne sont pas pourvus, depuis quelques années, dans le secteur public, où 293 postes de responsabilité au moins sont à pourvoir. Des personnes décédées ne sont pas remplacées et l’administration tourne au ralenti. Et pour cause ! les membres du gouvernement ne savent pas si ce sont eux qui nomme les responsables de l’administration ou le palais du bord de mer.
«C’est le règne des intérimaires». Si l’administration publique gabonaise connaissait déjà des problèmes de méthode, de structures et des difficultés d’ordre infrastructurel, ces dernières années, sont venus se greffer des problèmes de gestion du personnel. La mise en place des directions centrales des Ressources humaines (DCRH) semble ne pas avoir donné les résultats escomptés. Il y a que les recrutements (quand il y en a eu), les affectations et les mutations ne s’effectuent comme il devrait.
Des intérims sans fin
Deux ans et demi après sa désignation aux fonctions d’administrateur provisoire de l’Agence gabonaise de Presse (AGP) par Guy-Maixent Mamiaka, le ministre de la Communication de l’époque, Helmut Moutchinga Boulingui continue d’assumer ces fonctions. Si la décision ministérielle précise qu’il devait les assumer pendant douze mois, l’homme n’a toujours pas été confirmé ou promu à la fonction définitive. Dans de telles conditions, un intérimaire ne peut disposer des coudées franches. Jean Nzamba Nzamba, puis Total Békalé be Nguéma, ont longtemps assumé l’intérim de l’inspecteur général des services du ministère de la Communication depuis 2019, avec le départ à la retraite de Micheline Koumba. Pour sa part, Denise Agnossi est restée à la tête de l’Institut gabonais de l’image et du son (IGIS) pour un intérim qui aura duré plus de quatre ans. Pendant toute cette période, le sentiment général était que plus rien ne tournait dans ce centre national du cinéma. Il y a deux mois, Serge Abessolo en a pris les rênes.
Le ministère de la Communication est le champion toutes catégories des intérims. Ce département n’a que des intérimaires aux postes d’inspecteur général des services, de secrétaire général adjoint ou d’inspecteur. À Radio-Gabon, un nouveau directeur général est attendu depuis près de trois ans, l’actuel assurant l’expédition des affaires courantes. A l’intérieur du pays, aux manettes des stations provinciales de Radio-Gabon et de Gabon Télévision, se trouvent des intérimaires ou des personnes admises à faire valoir leurs droits à la retraite depuis bien longtemps et qui ne demandent qu’à partir. C’est le cas d’Oyem et de Port-Gentil.
Au ministère des Affaires étrangères, près d’une quinzaine de missions diplomatiques et postes consulaires ont comme chefs des intérimaires. La situation dure depuis près de quatre ans. Plusieurs ambassadeurs demeurent en place en attendant que soient désignés leurs successeurs. Dans ce département ministériel, quel que soit le ministre, c’est la pédale douce. Ça rame, ça rame…On ne se presse jamais.
Aux ministères du Commerce, de l’Urbanisme et des Sports, des postes entiers de directeurs ou de chefs de service ne sont pas comblés, et la gestion des postes de responsabilité ne semble pas préoccuper les membres du gouvernement qui tiennent ces départements ministériels.
Même des personnes décédées ne sont pas remplacées
Qui est l’inspecteur général des services du ministère de l’Agriculture ? Personne. Décédé en 2019, Gilbert Pachika qui occupait ce poste n’a toujours pas été remplacé. Trois ans plus tard, la bécane rame et rame toujours. D’autres postes de directeurs demeurent là aussi vacants.
Qui donc est le directeur provincial des Transports de l’Ogooué-Ivindo ? Personne. Le titulaire du poste, Serge Ollome, est décédé depuis… quatre mois. Ça bugge, ça bugge. Dans d’autres provinces, des postes de directeur ou de chef de service provincial restent inoccupés pendant de longues années.
L’administration tourne au ralenti.
Est-ce les DCRH qui ne suivent pas les dossiers liés aux affectations, aux mutations et aux mises à la retraite ? La gestion des ressources humaines de l’administration n’est-elle finalement maîtrisée par personne ? Est-ce les inspections générales des services (IGS) des départements ministériels qui ne jouent pas leur rôle de contrôle ? Tout le monde peut bien en avoir la réponse au vu de ce constat.
Dans certains cabinets ministériels, on pointe du doigt le secrétariat général du gouvernement. Celui-ci ne ferait pas assez pour que les propositions de nomination qui y sont déposées par les ministres ne soient suivies d’effet. D’autres affirment que «c’est la présidence de la République qui rejette tout projet de nomination provenant des ministères, car elle estime que c’est à elle qu’incombe la responsabilité de nommer», croit savoir un chargé d’études du ministre du Budget.
En tout, à ce jour, au moins 293 postes de responsabilité sont à pourvoir : secrétaires généraux de ministère et adjoints, inspecteurs généraux des services et adjoints, ambassadeurs, consuls généraux, directeurs généraux et adjoints, directeur et chefs de service. Soit un cinquième des postes de responsabilité. Un handicap grave ! Avec, en sus, des IGS et des DCRH globalement en-dessous des attentes.
On peut le dire, du fait de ce handicap, l’administration gabonaise aura du mal à «bien se tenir». Son rendement ne peut être efficient tant qu’elle cumulera tant de handicaps !